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L’historiographie islamique : des traditions orales à la science historique 1/2

L’historiographie islamique : des traditions orales à la science historique 1/2

L’historiographie islamique primitive puise ses racines dans les traditions arabes préislamiques, marquées par la transmission orale et les récits tribaux. Avec l’avènement de l’islam, cette pratique évolue vers une discipline rigoureuse, influencée par la méthodologie du hadith et l’essor des écrits historiques.

L’historiographie islamique primitive s’inscrit fondamentalement dans la tradition historiographique arabe qui s’est développée depuis les premiers enseignements islamiques du prophète Muhammad ﷺ jusqu’au IIIe siècle de l’Hégire, époque à laquelle l’historiographie islamique a commencé à se consolider (Kristianto et al., 2023, p. 132).

Le développement de cette historiographie est indissociable de l’évolution des enseignements islamiques et de la dynamique de la communauté musulmane elle-même. Avant l’islam, plusieurs tribus arabes, notamment Himyar et Saba au Yémen, avaient conservé une tradition de documentation, notamment par écrit, archives généalogiques et récits d’événements au sein de leur tribu. De plus, la société arabe du nord possédait également une tradition orale, sous forme d’histoires sur les dirigeants et leurs problèmes sociaux et familiaux (Prayogi et Anggraeni, 2022).

L’un des principaux éléments de l’historiographie préislamique est l’histoire des expéditions militaires et des guerres, qui est devenue plus tard un fondement important de l’écriture de l’histoire islamique primitive. Mais la culture arabe préislamique étant généralement orale, seuls quelques documents écrits ont été transmis.

L’influence de la méthodologie du hadith sur l’écriture historique

Le besoin de documentation s’est fait sentir avec urgence entre la fin du IIe et le début du IIIe siècle de l’Hégire, parallèlement à l’urgence de consigner et de copier les hadiths du Prophète (S. Nasution, 2017).  Ce processus a marqué le début du développement de l’historiographie islamique. La majeure partie de l’histoire arabe primitive repose sur la narration (as-sima’) et le témoignage direct (al-musyahadah).

Les historiens de l’époque s’appuyaient sur des données mémorisées obtenues auprès de personnes faisant autorité. Le concept d’asanid (pluriel de sanad) est devenu la principale méthode pour relier l’information à sa source. Dans cette méthode, les mémorisateurs servent d’intermédiaires entre l’information et l’historien.

La méthode de vérification par sanad est similaire à celle utilisée dans la codification des hadiths, où la continuité du sanad des hadiths remonte au Prophète Muhammad (Muzhiat, 2019). Aux débuts de l’historiographie islamique, la méthode du hadith a joué un rôle important dans l’écriture de l’histoire. Les historiens utilisaient la méthode de la critique du sanad pour garantir la validité des informations, notamment en évaluant la crédibilité du narrateur selon certains critères, tels que la capacité de mémorisation, la cohérence et l’honnêteté.

Ainsi, l’historiographie islamique primitive a adopté une approche systématique inspirée de la méthodologie de la critique du hadith pour développer sa tradition d’écriture historique.

Maghāzī, Sīrah et Asmā’ al-Rijāl : les premières formes de l’historiographie musulmane

L’émergence de l’historiographie islamique primitive est étroitement liée au développement de la doctrine et des dynamiques sociales en islam lui-même. La plupart des premiers historiographes étaient issus des muhaddithun (experts du hadith). Leur conscience de l’importance de préserver la pureté et la pérennité de la mission historique du Prophète Muhammad a encouragé leur dévouement à l’étude du hadith.

De cette étude est née une abondante documentation pour l’écriture de l’histoire du Prophète, constituée de Maghazi (récits de guerre) et de Sirah (biographies), suivis d’un recueil de récits sur les personnes impliquées dans la transmission du hadith. Ainsi, Maghazi, Sirah et Asma al-Rijal sont devenus les premières formes d’historiographie de la tradition islamique (Halwaini, 2024).

Avec le développement de la tradition écrite et l’établissement de la science historique, la méthode narrative, autrefois considérée comme faisant partie intégrante de la religion, a commencé à être jugée inadéquate pour transmettre les faits historiques de manière exhaustive.

Cela est dû aux limites de la mémorisation, qui ne permettait pas de consigner tous les faits en détail. En réaction, les historiens musulmans ont commencé à passer du rôle d’informateurs passifs, se concentrant uniquement sur la maîtrise de l’information et la continuité du sanad, à une étude critique de l’histoire elle-même, dans le but de présenter les faits historiques de manière plus complète et objective.

Les trois facteurs de développement de l’historiographie islamique

Cette transformation a marqué une nouvelle étape dans l’historiographie islamique, où l’approche, auparavant fondée sur la science du hadith, a évolué vers une méthodologie plus indépendante. L’historiographie islamique a également investi un champ d’étude plus vaste, mettant l’accent sur le développement d’une méthodologie historique indépendante et plus complète pour décrire les événements passés (Hakim, 2018).

Au début du IIIe siècle de l’Hégire/IXe siècle de notre ère, le développement de l’historiographie dans le monde arabe a connu des progrès rapides, influencés par plusieurs facteurs principaux.

Premièrement, la disponibilité de documents historiques issus de la création de diverses institutions gouvernementales sous la dynastie abbasside, notamment administratives, militaires, fiscales et postales. Les historiens ont utilisé des documents officiels tels que des accords politiques, des correspondances gouvernementales et des résultats de recensements de population, ainsi que des données obtenues auprès de responsables gouvernementaux, de chefs de guerre et de gouverneurs.

Deuxièmement, la traduction d’ouvrages du persan, du grec et du latin vers l’arabe a enrichi le trésor intellectuel de l’islam. Troisièmement, la disponibilité de moyens de transport a permis aux étudiants et aux historiens de voyager à la recherche d’histoire, d’observer des merveilles naturelles et d’étudier des vestiges historiques de diverses régions islamiques (Hak, 2020).

Les sources historiques arabes de cette période comprenaient quatre catégories principales : les ouvrages de Sirah et d’Akhbar, les documents officiels, les traductions, les témoignages et l’histoire orale. L’abondance de ces sources a encouragé de nombreux savants et jurisconsultes à étudier et à écrire l’histoire. Cela a favorisé le développement de la science historique, qui est devenue l’une des disciplines les plus respectées et appréciées, conférant aux historiens une place de choix parmi les différents savants musulmans.

L’évolution de l’historiographie se reflète également dans l’évolution du format d’écriture de l’histoire. Si, au départ, l’histoire était principalement transmise par la poésie, facile à mémoriser, elle a ensuite adopté une prose libre, plus expressive et affranchie des règles de la poésie. Cette différence, par exemple, est perceptible en comparant la Sirah d’Ibn Hisham et l’œuvre de la Muqaddimah d’Ibn Khaldoun (Yatim, 1997, p. 11).

Avec le développement de l’historiographie, la méthode de présentation de l’information a également évolué. Les historiens ne se sont plus uniquement appuyés sur la mention d’une série de narrateurs individuels (asanid), mais ont commencé à inclure des sources de référence écrites, appelées asanid al-kutub (séries de références).

Ce modèle est devenu la base de la rédaction de notes de bas de page dans l’historiographie moderne. Cette évolution témoigne de l’importante contribution des musulmans à l’établissement des fondements de la science historique, l’un des piliers importants du développement des disciplines scientifiques dans le monde islamique.

Historiographie de la société arabe préislamique

La société arabe préislamique est souvent appelée la société arabe de la Jahiliyah. Ce terme désigne les conditions sociales, culturelles et d’alphabétisation qui étaient encore minimales à cette époque. Mais l’hypothèse selon laquelle tous les Arabes de cette époque ne savaient ni lire ni écrire est inexacte (Faruq, Biari et al., 2024). Par exemple, certains compagnons du Prophète ﷺ savaient lire et écrire avant d’embrasser l’islam.

Pour autant, l’alphabétisation n’était pas encore une tradition répandue à cette époque, de sorte que seule une poignée d’individus la possédaient. Malgré ce faible taux d’alphabétisation, les Arabes bénéficiaient d’un avantage dans les arts littéraires, notamment dans la composition poétique. La poésie était une source de fierté pour la société arabe de la Jahiliyah, qui faisait souvent l’objet de concours. Les poèmes primés étaient même accrochés à la Kaaba en signe de respect.

La transmission orale : mémoire collective et préservation de l’histoire

Cette tradition littéraire a joué un rôle important dans la transcription des événements majeurs qui ont influencé le cours de l’histoire, sous diverses formes telles que les récits, les contes de fées, les généalogies, les chansons et la poésie (Yatim, 1997). Les Arabes préislamiques ne disposaient pas encore de documents historiques écrits. Leurs événements historiques étaient préservés par la mémoire collective, transmis oralement de génération en génération.

Cela s’expliquait non seulement par la faible tradition d’écriture et de lecture, mais aussi par la croyance que la capacité de se souvenir occupait une place plus honorable. Les événements historiques étaient remémorés et racontés à maintes reprises sous forme de traditions orales appelées maghazi, sirah, tarikh ou akhbar, et nasab (Iryana, 2021).

Guerres et récits épiques : des Ayyâm al-‘Arab aux Maghâzî

Le maghazi et l’ayyam sont une forme de tradition arabe préislamique. Le mot maghazi signifie littéralement « lieu de guerre », mais peut également être interprété comme « guerre » ou « déroulement de la guerre » (Yatim, 1997, p. 9). La tradition maghazi est devenue un élément important de l’historiographie classique, conformément aux caractéristiques de la société arabe de l’époque, qui pratiquait la guerre, à la fois comme divertissement et comme nécessité vitale.

Le terme maghazi est généralement utilisé pour décrire les guerres qui ont eu lieu à l’époque du Prophète et aux débuts de l’islam. Avant l’islam, le terme le plus courant était ayyam. Ayyam désigne des récits relatant des événements importants impliquant une tribu arabe, souvent sous la forme de guerres ou de victoires, dont les autres tribus se vantaient ensuite.

Ces récits étaient transmis oralement de génération en génération sous forme de poésie ou de prose et devinrent le principal instrument de préservation de la tradition et de l’histoire (Gumilar, 2017). Si ces œuvres disparaissaient, les récits anciens qu’elles contenaient seraient également perdus.

L’islam et la transformation des traditions guerrières

Parmi les guerres célèbres relatées dans cette tradition, on peut citer la guerre d’al-Basus, qui eut lieu au Ve siècle après J.-C. entre les tribus Bakr et Taghlib, la guerre de Dahis et Ghabra, qui impliqua les tribus Zabyan et Abas, et la guerre de Fujjar, qui se déroula pendant les mois sacrés (Rajab, Zulqaidah, Zulhijjah et Muharram) dans la région du Hedjaz (Iryana, 2021). À l’époque du Prophète ﷺ, la guerre était soumise à des règles strictes, notamment l’interdiction de mener des attaques de nuit.

La guerre n’était engagée qu’en dernier recours, après épuisement de tous les efforts diplomatiques, et seulement si les musulmans étaient attaqués en premier. Le Prophète Muhammad, envoyé comme rahmatan lil’alamin (miséricorde pour les mondes entiers), n’a jamais donné l’ordre de combattre une tribu sans raison claire (Yunus, 2011, p. 13).

Au cours de son voyage missionnaire de 23 ans, le Prophète a consacré 13 ans à propager l’islam à La Mecque sans guerre, car l’influence de l’islam à cette époque n’était pas considérée comme menaçante par la communauté qurayshite.

Par ailleurs, le faible nombre de fidèles est également le principal facteur qui a empêché le conflit physique. Par la suite, les musulmans ont émigré en Éthiopie, sur la côte est de l’Afrique, avant d’émigrer finalement à Médine pour y construire une communauté islamique plus forte (Yunus, 2011, p. 15).

Muhammad Thoriqul Islam, Maftukhin, Safiruddin Al Baqi, Dwiana Novitasari, M. Ulul Azmi, Arju Mushaffa et Ida Nur Oktaviani

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