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vendredi 03 mai 2024

Ghazali a-t-il plongé le monde musulman dans le déclin ?

Ghazali a-t-il plongé le monde musulman dans le déclin ? Mizane.info

La thèse revient régulièrement sur le devant de la scène intellectuelle : le théologien ash’arite Al Ghazali serait responsable du déclin qui a frappé le monde musulman. En cause, sa condamnation des philosophes. Spécialiste américain de Ghazali, Frank Griffel répond sans ambiguïté à cette thèse. Un compte-rendu signé Hasan Hameed publié en français par Mizane.info.

Dans ses Conférences sur l’histoire de la philosophie, Hegel, l’un des penseurs les plus influents du monde moderne a nié l’importance de la philosophie arabe (islamique). Hegel a déclaré que la philosophie arabe « n’a aucun contenu présentant un quelconque intérêt ».

D’autres écrivains européens, comme Ernest Renan, ont fait remarquer que la philosophie avait autrefois prospéré dans le monde islamique – la tradition philosophique grecque ayant atteint l’Europe via des traductions arabes – mais que les forces de « l’orthodoxie islamique » avaient détruit l’esprit de la libre pensée.

Peu de temps après, Ignac Goldziher et Edward Browne, figures marquantes de l’orientalisme occidental, ont identifié un personnage particulier responsable de la fin de la philosophie en Islam : Abū Ḥāmid Muḥammad al-Ghazālī (mort en 1111).

Aujourd’hui, Ghazali est vénéré par des millions de musulmans comme le plus grand intellectuel religieux de son temps. Son influence sur la tradition savante islamique est comparable à celle de Saint-Thomas d’Aquin dans la tradition chrétienne et de Maïmonide dans la tradition juive.

La réfutation des Philosophes dans le banc des accusés

Beaucoup de ses ouvrages, en particulier son Renouveau des sciences religieuses, continuent d’être lus dans des institutions formelles et informelles à travers le monde musulman, dans leur version originale arabe ou leurs traductions. Mais ces dernières années, Ghazali a également joué un rôle important dans d’autres cercles, pour d’autres raisons.

Le lauréat du prix Nobel Steven Weinberg a écrit que Ghazali « s’opposait à l’idée même des lois de la nature ». S’appuyant sur l’ouvrage de Ghazali, La réfutation des Philosophes, il a soutenu qu’après Ghazali, la science dans le monde islamique avait rapidement connu un déclin dont elle ne s’était pas remise. Neil de Grasse Tyson, l’un des scientifiques les plus connus d’Amérique, partage depuis longtemps le même point de vue.

Sans surprise, de nombreux musulmans ont également adopté ces opinions sur Ghazali. Les musulmans libéraux le considèrent comme responsable de la mort de la philosophie et des sciences naturelles dans le monde islamique.

Ghazali est ainsi considéré comme incarnant tout ce qui ne va pas dans l’Islam traditionnel. Les conservateurs, en revanche, considèrent sa prétendue réfutation de la philosophie comme une bonne raison pour freiner la pensée philosophique dans les sociétés musulmanes.

Ghazali, un philosophe méconnu

Et si Ghazali lui-même avait été un philosophe ? Et si ses œuvres n’avaient pas détruit mais engendré plutôt de nouveaux genres philosophiques en Islam ? Ce sont précisément les questions abordées dans le magnifique nouveau livre de Frank Griffel, The Formation of Post-Classical Philosophy in Islam.

Griffel est reconnu comme l’un des plus éminents spécialistes mondiaux de Ghazali. Professeur d’études islamiques à l’Université de Yale, Griffel avait soutenu dans ses travaux antérieurs que les vues de Ghazali étaient bien plus complexes qu’un simple « rejet » des « lois de la nature ».

Son dernier livre met ainsi fin à toute affirmation selon laquelle Ghazali pourrait être tenu responsable d’un (prétendu) déclin des sciences naturelles dans l’Islam après le 12e siècle.

La stratégie de Griffel est simple. La meilleure preuve démontrant que la philosophie n’est pas morte après Ghazali est l’existence de nombreux philosophes et livres de philosophie. En plus de six cents pages, Griffel nous plonge dans un voyage captivant dans l’histoire intellectuelle islamique, explorant la vie et l’œuvre d’un grand nombre d’intellectuels musulmans dans les décennies qui ont suivi Ghazali.

Ces auteurs et leurs textes sont si nombreux, qu’on se demande comment les chercheurs antérieurs ont pu les manquer ? Cette question ramène Griffel à un traité de Ghazali, fréquemment cité comme preuve des vues anti-philosophiques de Ghazali : le Tahāfut al-falāsifa ( La réfutation des Philosophes).

Dans le Tahāfut, Ghazali présentait les falāsifa (littéralement : les philosophes) comme des adeptes non critiques des positions philosophiques d’Avicenne. Ces falāsifa affirmaient que les positions aviceniennes étaient fondées sur un raisonnement apodictique (une forme d’argumentation qui mène à des conclusions logiquement certaines et irréfutables).

De la philosophie à l’hérésie

Le Tahāfut a démontré la fausseté de cette affirmation, en utilisant les mêmes principes de la logique aristotélicienne défendus par les falāsifa. Ghazali a dans son traité déconstruit vingt principes clés de la philosophie avicenne : dix-sept, qu’il considérait comme hérétiques par rapport aux enseignements islamiques ; et trois qui relevaient selon lui de l’incrédulité pure et simple.

À la dernière page du livre, Ghazali a émis une fatwā (un avis juridique) selon lequel celui qui défend ces trois croyances – l’éternité du monde, le déni de la résurrection corporelle et le déni de la connaissance divine des détails – sortait de l’islam et méritait la peine de mort.

De nombreux universitaires occidentaux ont vu dans cette dernière déclaration la preuve que Ghazali faisait partie d’une « orthodoxie islamique » déterminée à persécuter les « philosophes ».

Mais Griffel soutient qu’ici – comme dans tant d’autres endroits – les écrivains occidentaux se sont rendus coupables d’avoir trop facilement projeté l’expérience historique du christianisme européen sur l’histoire de l’Islam.

Les archives historiques démontrent que la fatwā de Ghazali a eu très peu d’influence historique. La critique globale de la philosophie avicenienne faite par Ghazali a cependant eu un impact profond sur la pensée islamique. Cela se voit dans deux développements majeurs au cours du XIIe siècle, selon Griffel.

Le développement de la philosophie après Ghazali

La première est que les philosophes attachés à la tradition savante et textuelle de la philosophie telle qu’elle s’est transmise des Grecs aux Arabes ont évité le mot falsafa et l’ont remplacé par un autre mot, hikma, qui assumait en grande partie le même sens que la falsafa avait jusqu’a la fin du Ve/XIe siècle.

Deuxièmement, que nous assistions alors à l’émergence d’un type différent de philosophe, le mutakallim, qui écrivait et s’adonnait à la philosophie tout autant que le falāsifa des siècles précédents, mais qui rejetait consciemment l’attribut d’être un faylasūf et prenait lui-même ses distances de la falsafa.

En d’autres termes, de nombreux savants musulmans après Ghazali ont écrit sur des questions telles que la métaphysique, l’éthique et la théologie. Ils se sont également appuyés sur des chercheurs antérieurs qui avaient écrit sur des questions similaires.

Leurs préoccupations philosophiques et leur ancrage dans une tradition philosophique suffisent donc à qualifier leurs œuvres de philosophiques. Pourtant, ces chercheurs ont évité les étiquettes falāsifa et falsafa parce que la critique de Ghazali avait rendu ces termes démodés. Tandis que les falāsifa n’avaient pas entièrement disparu – certains ont continué à suivre les enseignements d’Avicenne sans adhérer aux critiques de Ghazali – ils ne constituaient plus qu’une minorité des groupes pratiquant la philosophie.

Par conséquent, lorsque les savants occidentaux se sont penchés sur la philosophie dans le monde islamique dans la période qui a suivi Ghazali – ce que les universitaires appellent la période postclassique de l’Islam – ils ont limité leur enquête aux livres identifiés comme des livres de falsafa, sans se rendre compte qu’il existait deux autres genres de livres, la ḥikma (dont le praticien s’appelait un ḥakīm) et le kalām (dont le praticien s’appelait un mutakallim ).

Du kalam à la hikma

« Quiconque obtient la ḥikma , déclare le Coran, a reçu beaucoup de bien. » Le terme de ḥikma (sagesse) avait une légitimité sacrée. Déjà dans les écrits d’Avicenne, le terme était parfois utilisé comme synonyme de philosophie. Les philosophes musulmans cherchant à se démarquer de la falāsifa critiquée par Ghazali se sont donc accrochés à ce terme comme à une auto-description de leur pratique de la philosophie.

De plus – et c’est là l’observation clé de Griffel – le terme désigne également un nouveau genre de philosophie qui se distingue consciemment de la falsafa. Le genre de la hikma cherche à améliorer le système d’Avicenne « de l’intérieur ».

Ses praticiens s’engagent dans la critique d’Avicenne par le chemin Ghazali, mais ne s’intéressent qu’aux raisonnements philosophiques du théologiens ; que les conclusions soutiennent ou contredisent les enseignements de la révélation n’a aucune importance. Ces livres reconnaissent implicitement que même si Ghazali était préoccupé par les enseignements avicenniens parce qu’ils lui apparaissaient contredire la révélation, sa critique à leur sujet dans le Tahāfut était basée sur des arguments philosophiques solides.

La contribution d’al Baghdadi

Le personnage clé dans le développement de la ḥikma en tant que genre fut un juif converti à l’islam, Abū l-Barakāt al-Baghdādī (dc 560/1165). Reconstruisant minutieusement sa biographie à partir de références dispersées dans diverses sources, Griffel établit que Baghdadi était déjà respecté en tant que philosophe juif avant sa conversion tardive à l’islam – il aurait eu alors environ soixante ans.

Comme beaucoup d’autres philosophes de cette époque, il était officiellement employé comme médecin à la cour des sultans seldjoukides. Même si les circonstances de sa conversion ne sont pas claires, il n’y a aucun doute sur l’importance de son œuvre principale, al-Kitāb al-Muʿtabar.

Influencé par Ghazali, Baghdadi abandonne l’idée selon laquelle la vérité philosophique peut être établie par la démonstration (raisonnement apodictique). Au lieu de cela, al-Kitāb développe une autre méthode, al i’tibār (l’examen attentif), où différentes alternatives sont comparées pour atteindre celle la plus proche de la vérité. Il introduit ainsi un « tournant dialectique » dans la philosophie islamique, dont le mouvement intellectuel culminera dans les travaux du célèbre mathématicien musulman Fakhr al-Dīn al-Rāzī (m. 606/1210).

Razi, le théologien/philosophe

Avec Ghazali, Razi est l’un des auteurs les plus prolifiques et les plus influents de l’histoire de l’Islam. Il a entre autres écrit des livres dans les domaines de la médecine, de la physique, de la chimie, de l’astronomie et de l’histoire. Néanmoins, ses œuvres les plus célèbres sont ses commentaires sur le Coran et ses livres de philosophie.

Mais ces dernières oeuvres ont également posé un problème aigu aux historiens : Razi semble adopter des positions philosophiques contradictoires dans ses différents ouvrages. Par exemple, dans certains textes, il affirmait que le monde était pré-éternel ; dans d’autres, que le monde est créé dans le temps. Comment expliquer cet écart ?

Griffel fournit une explication brillante : les différentes œuvres de Razi prennent des positions différentes car elles font partie de deux genres différents de philosophie en Islam : la ḥikma et le kalām. Nous avons déjà vu le développement de la ḥikma durant la période post-Ghazali. En revanche, le kalām (littéralement « discours ») était déjà un genre établi bien avant Ghazali. Il désignait des livres de débats interreligieux sur des questions de métaphysique, c’est-à-dire une forme de théologie rationaliste.

Religion et philosophie : une double approche

La contribution clé de Ghazali, selon Griffel, a été d’incorporer les outils de la falsafa , en particulier la logique aristotélicienne, dans le kalam. La Ḥikma, bien sûr, s’inspirait également de la logique aristotélicienne, mais la caractéristique clé du kalām était l’accent mis sur la révélation en tant que source de connaissance et arbitre ultime de la vérité. Razi s’est senti appelé à contribuer aux deux genres, et n’a eu aucun problème à défendre des positions différentes selon les différents genres.

Mais laquelle des deux positions était réellement la sienne ? Griffel donne une réponse fascinante : Razi n’arrivait pas à les départager. La connaissance humaine est, en fin de compte, limitée. Sur certains sujets, Dieu ne nous a tout simplement pas donné suffisamment d’informations pour atteindre la Vérité. L’inspiration de cette approche n’est pas tout à fait la même que celle d’Emmanuel Kant (mort en 1804), mais les dilemmes sont similaires à ceux que le plus important philosophe européen a appelé les « antimonies de la raison ».

Pour autant, la distinction entre falsafa , kalām et ḥikma ne sont pas l’œuvre de Griffel. Il en présente une multitude de preuves dans une série de dictionnaires biographiques rédigés dans les décennies qui ont suivi la mort de Ghazali. Sa large utilisation de sources constitue, en fait, l’une des plus grandes forces du livre.

En plus d’une gamme impressionnante d’ouvrages philosophiques et de dictionnaires biographiques d’auteurs musulmans médiévaux – dont beaucoup restent sous forme manuscrite – Griffel s’appuie sur les connaissances existantes dans un certain nombre de domaines – historiographie, archéologie et études urbaines – pour fournir la preuve d’un essor florissant de la scène intellectuelle après Ghazali dans les régions qui font partie de l’Iran actuel, du Moyen-Orient et de l’Asie centrale.

Rappelant que les auteurs ont toujours eu besoin de mécénat, à l’époque comme aujourd’hui, écrire des livres de philosophie ne suffisant pas pour gagner sa vie – Griffel démontre que de nombreux centres urbains de ces régions ont connu une croissance économique au XIIe siècle. Ils ont ainsi maintenu une solide culture universitaire et un enseignement supérieur de qualité. Griffel s’oppose ici à l’idée largement répandue selon laquelle les conquêtes mongoles auraient détruit la vie économique et intellectuelle de ces villes.

Frank Griffel tente également de contrer une autre idée aussi pernicieuse qu’omniprésente dans le discours médiatique populaire : celle selon laquelle la madrasa, l’institution traditionnelle d’apprentissage musulman, aurait été fermé aux sciences rationnelles comme la philosophie.

Le colonialisme et la fin de la prospérité des madrasas

Au contraire. S’appuyant sur les travaux de Sonja Brentjes sur l’histoire des mathématiques dans les sociétés islamiques, ainsi que sur les biographies de philosophes musulmans, Griffel tente de montrer que la madrasa est le centre institutionnel de la philosophie post-classique en Islam. Ce système traditionnel de madrasas ne sera perturbé, selon Griffel, que lorsque les colonisateurs européens effaceront les dotations pieuses, awqāf , qui soutenaient les madrasas.

Pour comprendre les conséquences d’une telle politique, imaginons l’impact d’un décret légal qui supprimerait soudainement la dotation d’une université de recherche. Griffel poursuit en affirmant que les livres de ḥikma ont été enseignés dans les madrasas pendant des siècles jusqu’au « moment où les institutions coloniales d’apprentissage ont été introduites et où les idées occidentales sur la nature de la philosophie ont proliféré ».

Ces dernières affirmations souffrent cependant d’un manque de preuves. A quand exactement peut-on dater ce « moment » de grande rupture ? À quelles madrasas, en particulier, Griffel pense-t-il ? Quels livres de philosophie faisaient historiquement partie du programme des madrasa, et quand ont-ils été supprimés ?

La diversité des expériences historiques musulmanes

Il convient de rappeler que les régions qui composent aujourd’hui le Moyen-Orient, l’Iran et l’Asie du Sud ont toutes vécu des expériences coloniales très différentes. Même au sein de ces vastes régions, les savants musulmans ont répondu de manières diverses et complexes aux pressions du colonialisme.

Il reste encore beaucoup de recherches à faire sur l’évolution du programme des madrasas au fil du temps dans différentes parties du monde musulman. En attendant, les affirmations générales sur les maux du colonialisme risquent de soutenir une position souvent réfutée par les musulmans eux-mêmes.

Mais loin de le discréditer, ces critiques ne font que révéler la force de l’argument central de Griffel : la philosophie dans le monde musulman a prospéré après Ghazali. Car c’est l’abondance des ouvrages philosophiques au XIIe siècle qui nous amène à nous demander : quand, où et pourquoi, le cas échéant, peut-on retracer le « déclin » de la philosophie dans le monde musulman ?

Avant de se demander « qu’est-ce qui n’a pas fonctionné » dans les sociétés musulmanes, il faudrait d’abord mieux comprendre ce qu’il s’est passé. La première étape vers la décolonisation de l’histoire est de connaître l’histoire au-delà du regard du colonisateur.

Au-delà de l’historiographie, le livre nous oblige également à nous poser d’autres questions. Griffel a montré que des savants musulmans influents du passé combinaient leur expertise dans les sciences philosophiques avec la maîtrise d’autres sujets tels que le hadith et le droit.

Leurs productions savantes résultaient d’une combinaison de ces différents disciplines. Les idées de Razi dans son commentaire du Coran, par exemple, sont redevables à son engagement dans la falsafa.. Si tel est le cas, que perdent les musulmans d’aujourd’hui lorsqu’ils tournent le dos à des traditions de savoir considérées comme « laïques » ?

Renouer avec l’éclectisme scientifique

Depuis l’époque du colonialisme, les musulmans ont bien sûr reconnu la nécessité d’étudier des matières telles que les sciences techniques, mais le raisonnement y est généralement instrumental : si nous ne pouvons pas construire nos propres avions, comment allons-nous nous rendre à La Mecque ?

Mais les travaux de Griffel montrent que le problème n’est pas simplement la nécessité d’étudier différentes disciplines pour les avantages matériels qu’elles peuvent apporter dans ce monde ; il s’agit plutôt de l’importance d’étudier plusieurs disciplines de la connaissance pour mieux comprendre la révélation de Dieu.

Il est important de noter que le livre de Griffel montre que l’inverse est également vrai. Autrement dit, les philosophes – et les praticiens d’autres sciences – perdent également quelque chose lorsqu’ils refusent de s’engager dans d’autres traditions de connaissance,

La formation de la philosophie postclassique en Islam est avant tout une contribution historique à cette tradition. Comme cette étude l’a montré, elle présente également de nombreux avantages pour les historiens, les philosophes et tous ceux qui s’intéressent à la manière dont les idées problématiques du présent – ​​comme les récits de déclin – façonnent les lectures du passé.

Hasan Hameed est doctorant en histoire à l’Université de Princeton et travaille sur l’islam, le genre et la littérature persane dans l’Asie du Sud moderne.

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