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vendredi 26 avril 2024

L’ancien Premier ministre de Malaisie Mahathir Mohamad : « Ce sont les autres qui font de vous un leader »

Yannis Mahil (à gauche) avec le docteur Mahathir Mohamad.

Yannis Mahil est un jeune conférencier et doctorant en islamologie. Il travaille sur la question des mécanismes contemporains d’évolution et de réforme du droit musulman à l’université de Strasbourg. Yannis Mahil a récemment rencontré l’ancien Premier ministre malaisien, Mahathir Mohamad et a été reçu dans son bureau à Putrajaya, non loin de la capitale malaisienne Kuala Lumpur. Au cours de cette rencontre exceptionnelle, le leader malaisien s’est confié sur plusieurs sujets : l’islam, l’économie, le leadership, l’ijtihad, la question rohingya et les divisions intracommunautaires. Une exclusivité que vous propose Mizane.info.

Le docteur Mahathir Mohamad a été chef d’Etat de la Malaisie pendant 23 ans. Il est considéré comme le père de la Malaisie moderne, celui qui a transformé ce petit pays pauvre en une puissance économique régionale et l’a faite rentrée dans le club des tigres asiatiques. La Malaisie a créé son industrie automobile nationale avec la marque Proton, développé la finance islamique, fait de son territoire un hub pour les nouvelles technologies, construit des villes, créé des emplois et fait augmenter le niveau de vie de la population. Durant la fin de sa gouvernance (2002-2003) la Malaisie avait le plus bas taux de chômage du monde. Mahathir Mohamad est connu pour son anti impérialisme et sa volonté de défendre l’indépendance malaisienne, son soutien à la cause palestinienne et au tiers-monde, ainsi que sa volonté de renforcer l’unité et la coopération des pays musulmans (oumma). Il est un des grands leaders de notre époque, dont l’expérience et les connaissances ne peuvent être que des enseignements pour nous. Bien qu’il se soit retiré de la vie politique à la fin de son mandat en 2003, il reste jusqu’à aujourd’hui l’une des figures politiques les plus influentes de Malaisie et d’Asie. Prenant de cours son monde, le 8 janvier 2018, Mahathir Mohamed a néanmoins annoncé qu’il rejoignait la coalition d’opposition « Pakatan Harapan » et qu’il serait le candidat du mouvement pour l’élection du nouveau Premier ministre en août prochain. En plus de surprendre du fait de son âge (92 ans), la candidature du docteur Mahathir est aussi surprenante par l’alliance avec son ancien ennemi politique, Anwar Ibrahim, devenu aujourd’hui son allié dans cette campagne visant à faire tomber l’actuel Premier Ministre Najib Razak.

La réussite du modèle malaisien 

Lorsque je lui ai demandé quels étaient, selon lui, les éléments clés qui expliquent la réussite de l’expérience Malaisienne, ses premiers éléments de réponse n’étaient pas liés à des théories économiques ou politiques. Mahathir Mohamad a commencé par me dire : « Si nous avons pu réussir à réaliser certaines choses en Malaisie, c’est parce que nous avons essayé de suivre les principes fondamentaux du Coran, de faire ce que l’islam nous enseigne et d’éviter ce que l’islam réprouve », avant de parler ensuite du développement de l’industrie malaisienne, notamment la création d’une industrie automobile avec la marque Proton. Proton a permis de développer un marché automobile national en Malaisie et ne plus dépendre de l’étranger. Par la suite, l’entreprise Proton a gagné une notoriété internationale, devenant même propriétaire du géant automobile anglais Lotus.

Investir dans l’éducation 

Le docteur Mahathir insistait souvent sur la nécessité de revenir aux principes simples de l’islam, loin des controverses des « imams », comme l’importance d’acquérir la connaissance, ce qui l’a amené à développer le secteur de l’éducation en Malaisie. En rappelant par exemple que selon sa compréhension de l’islam telle qu’on la trouve dans le Coran et la sunna, la science qu’il faut rechercher n’est pas uniquement la science religieuse mais toute science. Mahathir a dit à ce propos « À l’époque du Prophète Mohammad il n’y avait pas de livres sur l’islam car c’était le moment de la Révélation. Donc lorsque le Coran nous invitait à lire et apprendre, il s’agissait de lire et apprendre tout ce que les autres avaient produit, et c’est à partir de ces sciences que les musulmans ont créé une grande civilisation ».  L’ancien Premier ministre a ensuite critiqué certains avis de savants musulmans dans l’histoire qui ont considéré que le seul savoir qui devait être étudié était le savoir religieux. Selon lui ce type d’idées ont favorisé la régression du monde musulman. Mahathir a ajouté que c’est en s’éloignant de ces interprétations et en revenant à une bonne compréhension de l’islam, que la Malaisie a réussi à se développer. C’est dans ce sens que le docteur Mohamad a par exemple créé l’Université Islamique International de Kuala Lumpur, qui en plus d’avoir créé un espace de réflexion et de recherche sur la pensée islamique a permis l’émergence de facultés internationales dans toutes les sciences telles que la médecine, la physique, le droit, l’histoire.

Nous sommes devenus dépendants (de l’Occident) car les musulmans n’ont pas développé leurs industries et leurs ingénieurs

L’objectif était de renouer avec la grandeur de la civilisation musulmane, qui a été un phare mondial en matière de science. « Lors de l’âge d’or de la civilisation islamique, les Européens venaient s’inspirer des sciences et des réalisations des musulmans, à Cordoue, à Bagdad, dans leurs bibliothèques. Grâce à cette connaissance, ils ont produit la Renaissance (…) Nous nous sommes rendus compte que l’éducation islamique était uniquement focalisée sur les sciences. Pour être fort, il nous faut aussi maitriser la science, la physique, la chimie, les mathématiques… Les musulmans maîtrisaient ces sciences durant l’âge d’or de la civilisation musulmane (…) Nous devons enseigner ces savoirs aux musulmans mais aussi comment les utiliser ». Citant pour exemple le cas de la fabrication d’une bombe destinée à nous protéger et non à agresser l’autre. L’Université Islamique International de Kuala Lumpur avait pour vocation, en plus de promouvoir une bonne compréhension de l’islam, de créer des générations de musulmans équipés intellectuellement dans tous les domaines pour développer leurs pays.

Quel modèle économique ?

Sur le plan économique, Mahathir a également insiste sur la nécessité de revenir aux principes fondamentaux de l’islam, notamment l’ensemble des enseignements éthiques invitant le musulman à faire preuve d’honnêteté et d’équité dans le commerce et les affaires, mais aussi à maîtriser les connaissances contemporaines en matière de business et management, la clé de la réussite selon lui : « Ces principes fondamentaux de l’islam en économie comme le fait de faire du business et du commerce de manière honnête, sans arnaquer ou tromper les autres, en faisant les choses proprement, permettent de réussir. Le management économique se base sur le fait de créer de la richesse et cela passe par le commerce, le business et les transactions. La tricherie n’offre pas la réussite. » « Le Coran nous dit clairement qu’il faut prier Dieu pour réussir mais que si l’on se contente uniquement de prier sans agir, Dieu ne nous aidera pas ». Le docteur Mahathir a rappelé à quel point le développement économique impliquait l’acquisition de savoirs pointus, en prenant l’exemple de l’industrie automobile. Produire une voiture demande une ingéniosité importante. Malheureusement les musulmans sont lacunaires à ce niveau et trop dépendant de l’Occident : « Il faut au moins assembler 4000 choses ensemble (pour construire une voiture), or l’industrie dans ce domaine se trouve dans les pays occidentaux développés ». « C’est parce qu’ils maîtrisent la connaissance et l’ingénierie que nous devons acheter leurs produits et leurs technologies. Nous sommes devenus dépendants car les musulmans n’ont pas développé leurs industries et leurs ingénieurs. À titre d’exemple, si nous devons faire la guerre, il nous faudra des chars, des avions, et nous achetons cela aux Occidentaux ». Mahathir invite donc les musulmans, au nom de l’islam, à acquérir ces sciences et ces compétences pour développer leurs pays. La voiture Proton, qui reste un symbole de la réussite politique de Mahathir, a été pour lui le premier élément de sa politique de développement national et s’est faite en aval de cette philosophie musulmane que nous venons d’évoquer.

Un leader ne doit pas penser à lui, même s’il est en danger. La vraie question pour un leader est : peut-il améliorer la vie de ceux qui ont fait de lui un leader ? (…) le plus important est de se concentrer sur ce qu’il peut faire pour un pays et ses habitants ou pour la religion mais pas pour lui

Le modèle malaisien est-il transposable ?

À la question de savoir si le modèle malaisien est transposable, Mahathir répond par l’affirmative. « Nous étions un pays pauvre sans les ressources nécessaires pour créer une industrie automobile, alors que beaucoup de pays musulmans sont riches, mais ne savent pas gérer leur argent, le plaçant aux Etats-Unis, achetant des bons américains alors que l’argent rattaché à ces bons est sûrement utilisé ensuite pour faire des armes qui tueront des musulmans (…) Quand vous avez de l’argent, vous pouvez générer plus d’argent car c’est un capital mais il faut savoir comment investir, et pour cela il faut connaître le monde de l’économie (…) Mais la maîtrise des rouages du monde des affaires ne suffit pas, il faut impérativement renforcer nos connaissances en matière scientifique et technologique ».

« Valeurs asiatiques » et « valeurs islamiques » 

Mahathir a souvent revendiqué son attachement à des « valeurs asiatiques » tout comme il se revendique des valeurs islamiques. « Entre les valeurs asiatiques, ou même les valeurs européennes et les valeurs islamiques, il y a des points communs. Par exemple, dans aucune civilisation on dit que le vol ou la malhonnêteté relèvent du bien ». Mais il y a, selon lui, en Occident, une crise des valeurs, notamment sur les questions de mœurs et sur la famille, sur la base du slogan « on doit pouvoir être libre de faire n’importe quoi ».

Mahatir a exprimé ses critiques sur certaines dérives causées, selon lui, par une primauté accordée à la liberté individuelle sur l’éthique, « Trop de concentration (en occident) sur la liberté et trop peu sur le fait de faire ce qui est bien et ne pas faire ce qui est mal » selon ses termes. Il considère donc que les valeurs asiatiques et islamiques se rejoignent : « Ces dérives sont contraires aux valeurs asiatiques qui respectent la famille et un certain code moral. Globalement, ces valeurs asiatiques correspondent aux valeurs de l’islam il n’y a donc pas de réel clash entre les valeurs asiatiques et les valeurs islamiques ».

Leadership musulman 

« Quand vous voulez être un leader, vous devez penser à ceux qui vous suivent. Ce sont les autres qui font de vous un leader, vous ne pouvez pas être un leader si vous êtes seul. Vous devez penser à ceux qui vous suivent, à leur bien-être, à la qualité de leur vie et vous devez être prêt à faire des sacrifices (…) Un leader ne doit pas penser à lui, même s’il est en danger. La vraie question pour un leader est : peut-il améliorer la vie de ceux qui ont fait de lui un leader ? (…) le plus important est de se concentrer sur ce qu’il peut faire pour un pays et ses habitants ou pour la religion mais pas pour lui ». Je lui ai alors posé la question de l’éventualité où la majorité serait dans l’erreur. Que devrait alors faire un leader ? « Il lui faut se poser la question : pourquoi vont-ils dans le mauvais sens ? Certains deviennent communistes et vont jusqu’à se faire emprisonner ou tuer pour leurs idées, c’est une mauvaise approche. Il faut dialoguer avec eux pour leur expliquer la justesse de notre projet. Les communistes disent que les gens doivent gouverner eux-mêmes, mais c’est impossible, même dans la Grèce antique (avec la démocratie directe) on confiait la gestion des affaires à un groupe restreint. En ayant un leader, on accepte toujours certaines restrictions à la liberté, car il faut obéir au leader et le leader doit aussi penser au bien-être des gens. Les valeurs islamiques ne sont pas incompatibles avec la vie moderne, elles sont compatibles à toutes les époques. Si les gens sont contre leur leader, il doit comprendre pourquoi. S’il est dans l’erreur il doit se corriger mais s’il est dans le juste il doit expliquer pourquoi ».

Comment développer un pays dans un contexte de mondialisation tout en conservant sa souveraineté ?

« La mondialisation est une idée occidentale venant des pays riches pour avoir accès aux marchés des pays du Sud et pouvoir y mettre leurs capitaux en enlevant la barrière des frontières entre nations. Ils veulent un monde mondialisé dans le sens où il n’y a plus de frontières pour que les capitaux puissent se déplacer librement. Quand les pays pauvres du Sud disent : nous ouvrons nos frontières pour vos capitaux mais vous devez ouvrir vos frontières pour que nos citoyens puissent aller vivre dans vos pays développés, car si nous avons un accès libre sans frontières, vous ne pouvez pas nous retenir. Si tous les Africains, les Chinois ou les Indiens veulent venir en Europe, vous ne pouvez pas les stopper.

L’argent du monde musulman doit être utilisé pour vaincre la pauvreté dans le monde musulman. La Malaisie s’est demandé comment gérer cela : nous avons donc créé notre système bancaire islamique (sans intérêts bancaires). En créant ce système, nous avons créé une opportunité pour les musulmans riches d’utiliser leur argent pour aider d’autres musulmans

Les Occidentaux refusent et veulent uniquement que leurs capitaux rentrent (ce qui contredit leur discours). Or, nous autres (pays du Sud) voulons un arrangement réciproque. S’ils refusent de lever leurs frontières pour nos citoyens, alors nous avons aussi le droit de protéger notre industrie. Si nous construisons une voiture, notre marché est petit et nous devons vendre la voiture. Nous devons protéger notre marché national. Or, si l’on suit la logique de la mondialisation, on ne peut pas protéger son marché et son industrie. Si certaines grandes industries automobiles étrangères viennent en Malaisie, on ne peut pas les concurrencer. Il faut que les Occidentaux comprennent que leurs idées qu’ils considèrent comme bonne pour eux ne sont pas forcément bonnes pour nous (…) Depuis 400 ans, le monde est européo-centré. Nous ne devons pas être européo-centré, mais asiato-centré. Nos valeurs sont aussi bonnes que celles des Européens.

Islamic Banking 

« Quand le pétrole a été découvert dans beaucoup de pays musulmans, ils sont devenus riches très vite et ne savaient pas quoi faire de leur argent. Ils ne pouvaient pas faire d’intérêts, car c’est interdit en islam. Donc ils ont mis leur argent dans les banques occidentales qui pratiquent l’intérêt, mais ils ne prenaient pas les intérêts, perdant ainsi de l’argent.  Nous avons donc décidé de trouver un système bancaire mais sans intérêt, ce qu’on a appelé la finance islamique. On peut gagner de l’argent par différents moyens comme prendre des parts dans une entreprise ou prendre des commissions pour la gestion de l’argent. Il était problématique de mettre l’argent en occident pour qu’ils en profitent et que nous en perdions les dividendes. Nous les avons aidés à être plus riches et nous plus pauvres. L’argent du monde musulman doit être utilisé pour vaincre la pauvreté dans le monde musulman. Et avoir un système bancaire qui ne dépende pas de l’intérêt. La Malaisie s’est demandé comment gérer cela : nous avons donc créé notre système bancaire islamique. En créant ce système, nous avons créé une opportunité pour les musulmans riches d’utiliser leur argent pour aider d’autres musulmans. La finance islamique est même considérée comme une alternative pour beaucoup de non musulmans. Mais la finance islamique ne doit pas juste être une réception d’argent. Il nous faut pouvoir fournir différents types de financement, différents moyens de paiement, introduire nos propres monnaies. Beaucoup de choses peuvent être faites pour rendre la finance islamique plus acceptable par les musulmans et les non musulmans. Il faut garder à l’esprit que l’actuel système bancaire conventionnel, basé sur le prêt à intérêt (riba), est accepté par beaucoup de musulmans car ils n’ont pas d’autres choix mais lorsque nous avons créé notre propre système bancaire, ils ont été attirés vers ce système islamique.

Comment faire face aux crises et divisions dans le monde musulman ?

« Le Coran nous dit que tous les musulmans sont des frères. Chacun doit alors se poser la question : est-ce que nous traitons les autres musulmans comme des frères ? Un musulman ne peut tuer autrui, s’il tue une autre personne musulmane ou non c’est comme s’il avait tué toute l’humanité. Les musulmans ne peuvent pas se tuer entre eux. C’est parce que nous ne suivons pas cela que nous avons ces tueries, ces destructions. Dieu n’aime pas les gens qui détruisent, qui créent des problèmes. Nous nous contentons de prier, de jeûner, de payer la zakat, de faire le hajj et nous pensons que nous sommes de bons musulmans, mais nous oublions le reste. »

L’islam est par essence modéré. C’est en déviant de l’islam qu’on va vers l’extrémisme

L’ijtihad et le renouveau de l’islam

Le docteur Mahathir Mohamad considère qu’il faut, sur certains aspects, repenser l’interprétation de l’islam. Selon lui, la base pour repenser l’islam est le Coran car c’est la parole de Dieu. Et dans le Coran on a beaucoup de versets explicites qui sont faciles à comprendre (muhakamat) et sur lesquels il faut se concentrer plutôt que sur les questions polémiques. Il a aussi évoqué la nécessité d’associer des spécialistes en sciences profanes dans la réflexion islamique et de cesser de rejeter la science profane. « Dans le domaine médical, il faut des médecins pour aider le savant à produire une fatwa et il faut se tourner vers le Coran avant tout, et pas vers les imams. Quand j’étais petit, on nous disait que les mobylettes étaient haram ou encore que l’électricité ne devait pas être utilisé dans la mosquée car cela venait d’Europe, donc des chrétiens. Alors que l’électricité est une création de Dieu, aussi bonne pour nous que pour les autres. »

Extrémisme et terrorisme 

Sur cette question, Mahathir a proposé une vision intéressante, considérant qu’il fallait répondre à ce problème de manière globale, en s’attaquant notamment aux causes et pas uniquement aux conséquences. Il a d’ailleurs critiqué la politique européenne qui ne combat que les conséquences du phénomène sous l’angle militaire et sécuritaire. « J’ai dit à Theresa May que les violences en Angleterre allaient se reproduire car vous devez comprendre pourquoi cela arrive. Connaître les causes permettra d’y mettre un terme. Si nous nous contentons de les combattre uniquement, cela n’arrêtera pas le phénomène. En Malaisie, nous avons combattu ce phénomène. Comprendre pourquoi ils agissaient ainsi nous a permis de mener une campagne de prévention et de sensibilisation sur ce public. Les Européens ne comprennent pas la cause de ces violences et pensent qu’ils gagneront avec leurs bombes et leurs armées modernes. » « Il faut montrer une bonne compréhension de l’islam. Pas un islam modéré, car l’islam est par essence modéré. C’est en déviant de l’islam qu’on va vers l’extrémisme. Le monde a peur du terrorisme. Le terrorisme est anti-islamique bien que ses auteurs prétendent agir au nom d’un Etat islamique ».

A propos des Rohingyas 

Lorsque j’ai évoqué la question des Rohingyas (minorité musulmane opprimée en Birmanie), le docteur Mahathir a répondu que cette crise humanitaire n’avait été possible que parce que les pays musulmans étaient faibles que le gouvernement birman le savait. « A l’époque de la civilisation islamique, comme l’époque ottomane, ils n’auraient pas osé car ils auraient eu peur des conséquences. Mais comme nous sommes faibles et divisés, ils en profitent. Nous n’avons pas les moyens d’agir, nous dépendons des pays occidentaux ».

La Malaisie a tenté par la voie diplomatique de parler au gouvernement birman en lui demandant d’arrêter, mais ceux-ci n’ont pas écoutés. « Nous leur parlons mais ils ne nous écoutent pas, ils n’écoutent même pas les grandes puissances. Si l’Europe et les Etats-Unis ne font rien que peut-on faire nous ? Nous pouvons seulement les aider en les accueillant, en leur fournissant l’asile. Beaucoup de Rohingyas sont en Malaisie. Nous leur fournissons de l’aide alimentaire, des médicaments, c’est la limite de ce qu’on peut faire. Nous ne pouvons pas attaquer la Birmanie, car nous ne connaissons pas les conséquences. Si nous attaquons la Birmanie, ils nous attaqueront aussi. »

Une Malaisie multiculturelle et multiconfessionnelle

« Le Coran dit « à vous votre religion à moi la mienne », vous priez comme vous voulez et moi comme je veux. Il n’y a pas de contrainte en islam, on ne force pas à être musulman, ni chrétien, chacun va à l’église ou au temple. Et en Malaisie c’est ce qui se passe. Nous avons des temples, des églises, etc. C’est ce que l’islam demande, que les musulmans puissent avoir une bonne vie et avoir un mode de vie islamique, et prier pour la vie dernière. Et chacun peut aussi être chrétien, etc. » A la question, en tant que chef d’Etat musulman, comment fait-il pour favoriser un sentiment d’appartenance à la nation chez ses citoyens non musulmans, sa réponse fut très intéressante et riche d’enseignement pour les pays occidentaux comme les pays musulmans : « Tu apprends à aimer ton pays quand ton pays te donner une bonne vie. Mais si on discrimine les non musulmans, le pays ne sera pas stable. Si nous suivons l’islam, nous devons traiter tout le monde comme citoyens égaux avec les mêmes droits de vote, etc. Nous avons toujours eu dans nos gouvernements des non musulmans, des hindous ou des chrétiens. »

Conseil aux musulmans européens 

Le docteur Mahathir Mohamad en a profité pour adresser des conseils aux musulmans d’Europe. Outre l’importance de préserver son identité religieuse tout en respectant le pays dans lequel on vit et ses citoyens, Mahathir a insisté sur la nécessité pour les musulmans d’Europe de viser l’excellence et de chercher à réussir dans tous les domaines pour démontrer notre capacité. « Montrer la qualité de l’islam, que les musulmans peuvent être les meilleurs dans tous les domaines. Les musulmans ont les mêmes atouts que Dieu leur a donnés comme à tout le monde. Si certains dérivent dans la violence, cela n’a rien à voir avec l’islam. Si on est à la pointe dans tous les domaines, les gens verront les musulmans comme des atouts pour leurs pays et verront la qualité de notre communauté. »

Yannis Mahil

A lire aussi : 

« Islam : droit, finance et assurance », Jacques Charbonnier

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