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mardi 19 mars 2024

Ne jamais croire que notre argument est le seul qui vaille

Mohamed Bajrafil au cours d’une intervention sur Mosaïque Saint-Germain-en-Laye.

Le refus obstiné d’entendre l’argument et l’opinion des autres nous conduit à une forme de rejet qui peut engendrer la violence. Le sujet de la dernière chronique de Mohamed Bajrafil sur Mizane.info.

Si tu diffères de moi, mon frère, loin de me léser, tu m’enrichis. Une vérité gnomique semble toujours plus vraie à l’instant où on la regarde qu’autrefois ou à l’instant d’après. Ainsi des tares de la société que l’on croit toujours plus nombreuses ou plus graves au moment où on les vit qu’avant. Il en résulte régulièrement une sacralisation du passé pouvant, dans le pire des cas, déboucher sur la volonté chez un individu ou un groupe d’individus, de se vêtir, de parler, de se mouvoir et d’agir comme jadis. Tout autant qu’il en naît un sentiment de persécution zemmouresque prêtant au monde entier les pires intentions contre soi ou le groupe auquel on s’identifie.

Cette déraison devient La raison et l’on cesse dès lors de voir l’évolution du monde, sa complexité, ses vicissitudes impératives et inévitables ainsi que les défis toujours grandissants de la vie. Seule une chose compte en réalité pour cette déraison: bloquer le temps au moment de l’histoire qui nous plaît, parce que cadrant avec nos fantasmes.

Tout est manichéen dans cette façon étriquée et trompeuse de voir ou concevoir la vie ou les choses. Quiconque est d’avis avec moi devient saint dans cette folie normale, qu’elle soit collective ou individuelle, et quiconque diffère de moi le diable en personne. On en vient même à éviter le regard de ceux qui ne réfléchissent pas comme nous, en leur refusant la possibilité même de réfléchir.

Le bien, le leur naturellement, est unique et ne saurait être multiple. Une chose est pourtant indiscutable, évidente, j’allais dire (…) Les évidences sont des platitudes parlant plus aux sentiments les plus rances de l’homme qu’à la raison, dont le principal devoir est d’aider l’homme à se hisser au-dessus de ses passions et de ses émotions pour en devenir, non l’esclave, mais, le maître. Cette évidence est qu’il en est de la vérité comme d’un éléphant. Personne ne peut l’étreindre totalement. On en tient soit un membre, soit une petite partie.

Cette présentation aristotélicienne de la vérité est loin d’être comprise par l’homme atteint du syndrome du sectarisme. Pire, il se sent, dans les cas extrêmes, investi d’une mission quasi martiale de protéger Sa vérité ou, pour être précis, son bout de vérité. Et pour ce faire, il use des moyens à sa disposition pour disqualifier l’autre, le supprimer symboliquement, voire physiquement, parce qu’il a le seul tort d’exister autrement qu’à sa manière.

Et cela peut arriver à chacun de nous, à quelque niveau que ce soit. La preuve, les leaders des indépendances africaines ont mué en dictateurs sanguinaires infligeant à leurs congénères les agissements inhumains de la colonisation. Il faut donc prendre garde à ne pas utiliser les méthodes du ou des système(s) que l’on prétend combattre ou qu’on lui prête, quel que soit le niveau auquel on se situe.

Mais, pour cela, il faut apprendre à faire fi de son égo, en lui désobéissant autant que faire se peut. Aussi faut-il se dire que l’autre est au moins capable de comprendre ce qu’on dit – au moins cela – et ne pas se croire plus malin que la moyenne. Dit autrement, il ne faut jamais croire que notre argument est le seul qui vaille et que, subséquemment, on ne peut lui en opposer d’autres. Tout argument peut être relativement massue.

Le résultat sera qu’on acceptera naturellement que l’autre soit différent de nous, parce qu’il est né pour cela. Il y a en tout homme un petit tyran qui somnole, qu’on doit apprendre à combattre, sous peine de nuire aux autres. S’il diffère de toi, loin de te léser, ton frère t’enrichît. Apprenons à apprendre les uns des autres, sans s’invectiver, se prêter de mauvaises intentions ou, pire, se tuer.

(…)

Il est faux de croire que les horreurs de la pédophilie et du harcèlement sexuel des femmes sont plus importantes aujourd’hui qu’hier. On en parle plus aujourd’hui pour un tas de raisons, et c’est une excellente chose. Il faut, donc, arrêter de penser que l’homme est devenu autre chose que ce qu’il a toujours été: un être cupide, vaniteux, égoïste et narcissique. Les meilleurs hommes sont toujours ceux qui réussissent à se débarrasser de ces tares.

Humainement vôtre.

Mohamed Bajrafil 

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