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lundi 29 avril 2024

Nawa répond aux accusations du ministère de l’Intérieur

La maison d’édition musulmane, qui fait l’objet d’une procédure de dissolution ouverte par le ministère de l’Intérieur, a été accusée de faire la promotion du djihad. Les responsables de Nawa ont publié une réponse détaillée autour de sept chefs d’accusation portés contre eux, dans un communiqué reproduit par Mizane.info.

« Nous avons pris connaissance, par notification écrite, ce vendredi 17 septembre, de la volonté du Ministère de l’Intérieur d’engager la dissolution de la maison d’édition Nawa, ce qui a entraîné immédiatement le gel des comptes bancaires personnels de nos auteurs, en plus de ceux de l’association éditrice de nos ouvrages : « Nawa Éditions/CIRD ».

Que nous reproche-t-on ?

Au-delà des petites accusations, de types « personnelles », nourries de rapprochements fallacieux, inexacts, mensongers, et surtout, absolument indignes d’un État de droit disposant de services de renseignements capables de mener des enquêtes précises et motivées. Au-delà d’accusations issues de fameuses « notes blanches » (?) qui falsifient, tronquent et résument à la guise de l’accusation certains prétendus propos. Le fond du dossier qui nous incrimine est constitué de deux types d’éléments, l’un constitue le cœur de la notification (I), le second peut être qualifié d’annexe (II). La dissolution de Nawa est envisagée sur le fondement du 6e alinéa de l’article L. 212-1 du Code de sécurité intérieure, nous accusant de propager « idées et théories encourageant à la haine, à la discrimination, et à la violence envers un groupe de personnes à raison de leur orientation sexuelle ou de leur appartenance ou non à une religion. ». Et plus ridicule, sur le fondement du 7e alinéa du même article considérant que par notre action nous nous livrons à des « agissements en vue de provoquer ou légitimer des actes de terrorisme en France » !
Les accusations sont graves et destinées à heurter l’opinion publique travaillée en profondeur par une extrême-droitisation anti-musulmane depuis de très nombreux mois déjà.

I / L’édition –

Première accusation :
Avoir traduit et commenté la dite « siyassa Achar‘iyya d’Ibn Taymiyya » (Textes politiques N°2 : la politique religieuse) dans laquelle se trouve un passage concernant la lapidation des homosexuels et de l’adultère. Selon l’accusation, la seule et simple traduction littérale d’un théologien du XIVe siècle, sans aucune note ni observations personnelles de la part d’Aïssam Aït-Yahya signifie que ce-dernier légitimerait cette peine dont il n’est fait aucune autre mention dans l’ouvrage incriminé. Aucune légitimation de quelque sorte qu’elle fût, ni approbative, ni argumentative, ne peuvent se trouver dans cette traduction et son commentaire.

De plus, rappelons que cet ouvrage avait déjà été traduit sous le nom Traité de Droit public par l’éminent orientaliste Henri Laoust et publié en 1948. Faudrait-il interdire aussi cet auteur et cet ouvrage ainsi que la maison éditrice ?

Enfin, le commentaire d’AAY de cette œuvre historique concerne davantage la philosophie politique (Constitution/État/Régime/ passation de pouvoir), le processus de sécularisation constitutionnel générale du Droit Musulman, et absolument pas les arcanes du droit pénal de la shari’a. Par ailleurs, combien de livres de droit musulman, constituant le patrimoine juridique historique du fiqh ont été déjà traduit par des générations d’orientalistes, ou de traducteurs, musulmans ou non, jusqu’à nos jours et comportant des dispositions pénales contraire au droit français ? Alors ne vous encombrez plus de tous ces artifices.
Prochaine cible à interdire, la source fondamentale : le Coran !

Deuxième accusation :
Abû Soleiman « aurait traduit des passages d’ouvrages qui défendent la mise à mort et la violence envers les personnes refusant de prier ou de se repentir ». Il aurait également « traduit, commenté et écrit des ouvrages antisémites » incitant « à la haine des juifs, au meurtre et à l’extermination » ! Ces accusations sont infondées et aucun livre d’ASK n’aborde ces sujets.

Troisième accusation :
« De nombreux ouvrages édités par l’association, écrits ou publiés au nom de
l’association sur le blog constituent par eux-mêmes une provocation à la haine, à la
discrimination, et à la violence ». Toujours sans mentionner les articles ni les passages constituant ladite accusation. Le blog contient plusieurs dizaines d’articles traitant de sciences politiques, d’histoire, de sociologie, de philosophie, de droit musulman et d’analyse réfléchie et approfondie de l’actualité contemporaine liés à l’Islam et aux musulmans. L’existence de tout ce corpus de réflexion musulmane critique et indépendante est effectivement en « lui-même » la preuve que cette accusation portée contre l’association est politique et répressive.

Quatrième accusation :
L’association Nawa, via ses réseaux sociaux, aurait incité et annoncé la réédition d’un ouvrage de Aïssam Aït-Yahya qui aurait dit vouloir « chercher, hors régime de Vichy, des politiques douloureuses pour les juifs, équivalentes à celles stigmatisant les musulmans aujourd’hui ». Un passage dont nous ne parvenons pas à trouver la référence mais qui constitue un chef d’accusation d’ores et déjà assez incompréhensible (?). Peut-être que le terme ‘’chercher’’ a-t-il été compris par eux comme « vouloir appliquer » ? Alors que « chercher » fait référence ici à recherche/rechercher dans l’histoire afin de pouvoir établir des comparaisons historiques entre conditions des juifs et des musulmans, comme notre auteur a l’habitude d’en réaliser…

Cinquième accusation :
ASK aurait dans ses ouvrages minimisé des actes de terrorisme, comme par exemple
en écrivant : « Ainsi les puissances occidentales ont pu souder leurs populations autour d’elles en exagérant l’importance des attentats islamistes ». Sans référence. Toutefois si tel était le cas : de nombreux auteurs non musulmans et français, en France, ont écrit des propos similaires : les attentats et crises ont malheureusement le grand intérêt de renforcer l’emprise de l’État et du gouvernement sur sa population, de par la facilité des institutions à pouvoir créer et faire appliquer des lois sécuritaires policières et liberticides, et à rencontrer une unanimité politique et un consensus national impossibles en temps normal. Exagérer la menace, la cultiver, ou l’exciter, est le propre de nombreux États autoritaires ou faisant preuve
d’une dérive autoritaire, tant les bénéfices opportunistes à en retirer sont grands. Or exciter les passions populaires concernant la menace de « l’islam et les musulmans », en se focalisant par un zoom perfide sur les attentats font de plus en plus l’objet de ce consensus national, dont les usages électoraux sont manifestes. Nous avions toujours dénoncé avec la plus grande vigueur ces attentats, et même tenter de comprendre pourquoi la France était particulièrement sujette à ce phénomène. Malheureusement, notre expertise comme celle d’autres spécialistes, islamologues ou sociologues refusent d’être prise en compte, tant elle ne correspond pas aux orientations et aux intérêts du moment.

Sixième accusation :
Aïssam Aït-Yahya aurait « incité indirectement au djihad dans son ouvrage Textes et contexte du Wahhabisme ». Encore un livre qui n’a jamais été lu par nos accusateurs. Ce livre est un pur précis d’histoire du Wahhabisme. Un résumé historique parfaitement sourcé, selon les exigences minimales de la science historique. Il évoque les conditions d’émergence du mouvement wahhabite en Arabie du XVIIIe siècle jusqu’à la création du royaume saoudien en 1932 ! Aucune incitation directe ni indirecte au djihad ! AAY réalise même une critique du mouvement à travers ses dérives sectaires et extrêmes en faisant un parallèle avec des mouvements contemporains. Les faits historiques mentionnés ne peuvent en aucun cas être compris comme une incitation à la violence.

Septième accusation :
Faire la promotion du djihad dans l’ouvrage Lire et comprendre Qotb. Cet ouvrage est une étude concernant la figure de Sayyid Qotb, l’évolution de son image dans le monde arabe et les accusations qu’on lui porte. Y sont traduits des articles qu’il a écrit sur la France et sa politique dans le monde arabe des années 50, le récit de son voyage aux USA et l’un de ces derniers livres apologétiques sur l’Islam. L’objectif est de dépassionner le débat sur Qotb, comme le font de nombreux auteurs américains, dont l’expertise est absente en langue française, et sur lesquels AAY débute justement son analyse. Il n’y a absolument aucune promotion du Djihad par notre auteur.

II / Accusation secondaire et annexe / implicite :

1/ Avoir utilisé le sceau historique du Prophète, inscrit au cachet de sa bague, comme logo sur le dos d’un ouvrage. Réponse : Ridicule, c’est tout.

2/ Ne pas avoir filtré ou modéré des messages d’internautes sur les réseaux sociaux. Réponse : N’étant pas un site d’Extrême-Droite, nous ne bénéficions malheureusement pas de votre indulgence et tolérance quant à cette grande difficulté de nettoyage et de veille numérique.

3/ Avoir entretenu des relations avec des associations dissoutes telles que Baraka City ou le CCIF, entres autres. Réponse : Parce que cela est interdit ? Et sur la base de quelle loi ?

4/ Avoir déclaré sur les réseaux sociaux que Idriss Sihamedi était un « frère et ami ». Réponse : Même commentaire !

5/ Avoir publié des messages de soutien au CCIF suite à sa dissolution. Réponse : Même commentaire !

III / Conclusion

Il est évident que ces accusations ne sauraient en aucun cas être en mesure de constituer un dossier sérieux dans un véritable État de Droit. Elles reposent quasi exclusivement sur d’hypothétiques délits d’opinions, de croyances, et elles entravent la libre expression et édition d’idées et de réflexions de toutes sortes, qui en aucun cas n’ont troublé l’ordre public à ce jour, ni appelé à troubler cet ordre. Nawa Éditions et leurs auteurs n’ont jamais publié un mot, une lettre, justifiant des actes de terrorisme ou incitant en ce sens. Ils n’ont jamais été auteurs de délits ou de crimes, ni n’ont appelé à en commettre, ou à en légitimer. Depuis plus de 10 ans, leurs ouvrages, quelle que soit la critique que l’on peut en faire, ne justifient en aucun cas, le terrorisme, la haine, l’antisémitisme. Absolument aucune de nos publications ni aucun de nos ouvrages ne traite fondamentalement de ces sujets, ni ne tourne autour d’eux. L’histoire du monde musulman, de ses hommes, la philosophie islamique, les sciences politiques, la théologie comparée, l’étude de l’Occident sont nos plus profondes préoccupations, comme des milliers de lecteurs peuvent en témoigner. Nous ne nous faisons aucune illusion quant aux motifs politiques et politiciens qui animent nos accusateurs (en pleine course électorale), incapables d’apporter la contradiction sur le terrain de nos idées et analyses, intolérants face à nos esprits libres, indépendants, réfléchissant, pensant et critiquant le monde et la politique historique française à notre égard. La dissolution d’une maison d’édition est un fait unique en France et en Europe occidentale : encore une fois, la France montre sa dangereuse singularité qui fait d’elle le tombeau de toutes ses propres prétentions aux yeux du Monde. Si la dissolution est actée : elle signifiera, sans aucun doute, l’interdiction pour tout musulman français d’écrire et d’émettre son opinion tel que les articles 10 et 11 de la DDHC et la loi de 1881 le prévoient pourtant. Sans dépasser leur cadre et leurs limites : ce dont nous nous sommes toujours attachés scrupuleusement. Et dans ce cas, le musulman français (pire s’il est critique des doxas dominantes) sera donc bel et bien inscrit dans la catégorie du sous-citoyen, soumis à une justice d’exception, présumé coupable et devant perpétuellement démontrer son innocence.

Érasme disait :
« On commence par brûler les livres et on finit par les personnes. ». Mais maintenant, on commence à interdire les livres, on finira aussi par les hommes. »

Paris le 20 septembre 2021

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