Des milliers de jeunes Marocains manifestent depuis samedi, à l’appel du collectif GenZ 212, pour réclamer de meilleurs services publics et dénoncer les priorités du gouvernement. Organisés via les réseaux sociaux, les rassemblements ont donné lieu mardi à des heurts avec les forces de l’ordre dans plusieurs villes du pays.
Depuis samedi, des milliers de jeunes défilent dans plusieurs villes du Maroc à l’appel du collectif GenZ 212. De Rabat à Marrakech, la génération Z – nés entre la fin des années 1990 et le début des années 2010 – s’est retrouvée hier pour le quatrième jour consécutif afin de réclamer la justice sociale. Pacifiques jusqu’ici, ces manifestations ont basculé dans la violence mardi soir avec une répression accrue des forces de l’ordre.
« Les stades sont là, mais où sont les hôpitaux ? »
La mobilisation soudaine d’une partie de la jeunesse a suffi à fissurer l’image officielle d’un Maroc des grands projets, tourné vers la Coupe du monde de football, que le pays doit accueillir pour la première fois en 2030. Au total, 9,5 milliards de dirhams (près de 890 millions d’euros) sont consacrés à la rénovation de six stades, et 5 milliards de dirhams (environ 469 millions d’euros) à la construction du Grand Stade de Casablanca.
Des sommes colossales, alors que les hôpitaux publics, eux, manquent cruellement de moyens. Huit femmes enceintes sont récemment décédées dans un hôpital public à Agadir, faute de soins adaptés. Moins de dix jours après l’inauguration du stade Prince-Moulay-Abdellah de Rabat rénové en dix-huit mois, une manifestation éclatait le 14 septembre devant l’hôpital régional d’Agadir.
« Ce drame a été l’élément déclencheur des protestations, révélant un système d’alerte et d’action complètement grippé, entre une médecine publique en crise et un secteur privé réservé aux plus riches », analyse Mehdi Alioua, sociologue à Sciences Po Rabat-UIR.
Une manifestation éclate devant un hôpital au Maroc après une série de décès de femmes enceintes ou venant de donner naissance : pic.twitter.com/zUPbh4ckvM
— AJ+ français (@ajplusfrancais) September 17, 2025
Des droits légitimes pour chaque marocain
Représentant près d’un quart de la population marocaine, la génération Z (les 15-30 ans) est unanimement décrite comme « une catégorie particulièrement vulnérable », victime d’un chômage endémique de près de 50 % dans les villes. « Nous voulons un pays pour tous les Marocains, un pays pour les malades, les illettrés, les chômeurs et les pauvres, et non une tribune pour des politiciens au ventre plein. Nous avons besoin de responsables au service du peuple, et non de leurs propres intérêts », écrivaient mardi soir les représentants de Gen Z 212 sur Discord.
C’est sur cette plateforme qu’a été créée la chaîne du collectif, le 18 septembre. Cette version locale – 212 étant l’indicatif du Maroc – des soulèvements de la génération Z en Asie ou, actuellement, à Madagascar, prend une forme inédite. Anonymes, ses fondateurs disent agir « par amour de la patrie et du roi ». Leur slogan se résume en une formule : « La dignité et les droits légitimes pour chaque citoyen ».
Leurs critiques visent directement le Premier ministre Aziz Akhannouch et ce qu’ils appellent des « priorités mal placées » du gouvernement. « Les stades sont là, mais où sont les hôpitaux ? » crient-ils dans la rue, en référence à la CAN et au Mondial 2030.
Manifestations pacifiques dans plusieurs villes du Maroc réprimées par la police de la manière forte.
— Dr. Mohamed Talal Lahlou (@Dr__Lahlou) September 28, 2025
Le mouvement s'amplifie et maintient son positionnement pacifique et réclame la réhabilitation du système de santé. #Maroc pic.twitter.com/ARxPqkwikk
120 000 membres sur Discord
Avec plus de 120 000 membres sur sa plateforme, contre 1 000 au départ, le collectif est devenu en quelques jours le porte-voix d’une génération excédée. Son logo – « Gen Z » en lettres massives traversées d’une étoile rouge, rappel du drapeau national – s’affiche désormais sur de nombreuses publications en ligne.
Pour tenter d’apaiser la colère, le gouvernement a limogé le directeur de l’hôpital d’Agadir où les huit femmes enceintes sont mortes. Le collectif GenZ 212 a exprimé son « regret » devant les violences récentes et rappelé la nécessité de maintenir « le caractère pacifique » de leurs mobilisations.
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