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vendredi 29 mars 2024

Jawdat Saïd, théoricien de la non-violence islamique

Jawdat Saïd.

Mort ce 30 janvier à Istanbul à presque 91 ans, le penseur syrien Jawdat Saïd est l’auteur d’une œuvre prolixe axée sur la non violence. Mizane.info lui rend hommage en republiant l’article de la journaliste algérienne Aida Abida, auteur du livre « Non-violence en islam, le djihad du cœur », consacré à la présentation des fondements de la conception de la non-violence chez Jawdat Saïd

Jawdat Saïd a dû fuir, en 2015 à l’âge de plus de 80 ans son village bombardé en Syrie, où bon nombre des siens furent tués. Trop peu connu dans le monde tant musulman qu’occidental, il a fait des émules parmi des imams et des jeunes activistes de la société civile syrienne.

Ecrivain, activiste non-violent, Jawdat Said est né en Syrie en1931 dans le village de Beer Ajam. Il a fait ses études en 1946 à l’université religieuse d’al-Azhar en Égypte. Jawdat Said a vécu un an en Arabie saoudite, juste au moment où s’est créé en 1958 la République arabe unie, l’union de l’Égypte nassérienne avec la Syrie.

Il retourna en Syrie pour faire son service militaire. Au moment de la division de l’Union en 1961, Jawdat refusa d’obéir aux ordres des commandants militaires. Il s’est opposé à toute participation aux actions armées contre l’union et il sera emprisonné. Après de multiples arrestations et assignations, il sera interdit d’enseigner en Syrie à la fin des années 1960.

Il retourne dans son village natal et se met à l’agriculture et à l’apiculture. Il deviendra paysan écrivain et écrira plus d’une vingtaine de livres.

Les Prophètes, référence de la non-violence

Selon Bashar Humeid il aurait écrit une partie de son œuvre comme une réponse directe aux écrits de Sayyid Qutb, le père de l’Islam politique. Jawdat Saïd s’est attelé à démontrer par ses écrits la nécessité de la non-violence. En 1966, il publie un livre présentant ce concept du point de vue islamique. Si les livres de Saïd ne vont avoir ni la promotion ni la diffusion des pamphlets de Qutb, ils inspireront, dans le monde arabe, les activistes qui veulent participer à un changement social et politique pacifique.

Abel était dans le Juste. Il avait raison. Il a refusé le meurtre. C’est l’homme de l’avenir, celui qui refuse de porter atteinte à la vie d’autrui. La non-violence exprimée par Abel, le fils d’Adam constitue, aux yeux de Saïd, « une position à laquelle doit aspirer l’humanité entière qui doit y adhérer comme l’un des commandements divins. »

Jawdat Saïd expose une vision islamique exempte de toute violence. Il se place en tant que savant, « ‘alim », dans la tradition des réformateurs islamiques tels que Abd ar-Rahman al-Kawakibi et Mohammad Iqbal, le poète et philosophe mystique indien.

Dans son livre datant de 1988, « Lis ! Le Seigneur ton Dieu est Bienveillant », Saïd fonde son concept de la non-violence sur la référence des histoires des différents messagers d’Allah dans le Coran qui n’ont pas usé de violence pour diffuser leurs idées. Il revisite le récit adamique en collant au plus près du texte coranique. Pour lui, l’usage de la violence est incompatible avec la foi coranique et en user est satanique.

Abel et Caïn chez Jawdat Saïd

Pour démontrer la non-violence en islam, Jawdat Saïd fonde son argumentaire sur le conflit entre les deux fils d’Adam, Abel et Caïn.

Pour rappel voici ce que dit le Coran de cette lutte fratricide : « Et raconte-leur en toute vérité l’histoire des deux fils d’Adam. Les deux offrirent des sacrifices ; celui de l’un fut accepté et celui de l’autre ne le fut pas. Celui-ci dit : « Je te tuerai sûrement ». « Allah n’accepte, dit l’autre, que de la part des pieux ». Si tu étends vers moi ta main pour me tuer, moi, je n’étendrai pas vers toi ma main pour te tuer : car je crains Allah, le Seigneur de l’Univers. Je veux que tu partes avec le péché de m’avoir tué et avec ton propre péché : alors tu seras du nombre des gens du Feu. Telle est la récompense des injustes. Son âme l’incita à tuer son frère. Il le tua donc et devint ainsi du nombre des perdants ».

Les deux frères offrirent des sacrifices. Celui d’Abel, « Abil » en arabe, fut accepté et celui de Caïn, « Kabil », fut refusé. La tradition islamique explique les raisons de cette préférence dans l’agrément de l’offrande.

Kabil était quelque peu avare et égoïste : il avait choisi une brassée de céréales de mauvaise qualité dont il avait mangé le seul bel épi. Alors qu’Abil avait choisi un agneau bien gras de son troupeau pour l’offrande divine.

Dieu agréa l’offrande d’Abil. Kabil, jaloux et vindicatif, va tuer son frère après l’avoir menacé. Il a été inspiré par Iblis (le Diable). L’islam enseigne que celui qui initie un mal portera le fardeau de tous les maux commis après lui. Caïn, premier meurtrier de l’histoire, porte le fardeau de tous les crimes venus après lui. Fort heureusement les fils d’Abel, même minoritaires sont toujours présents.

Vers l’abolition de la guerre

Jawdat Saïd considère Abil comme le modèle de la non-violence. Il est celui qui en vertu du principe de non-violence a refusé de tuer.  Même s’il a été tué, Abel-Abil est le vainqueur estime Jawdat Said. Dans la Sourate 5, versets (27/31), le Coran explique qu’Abel, qui craignait Dieu avait refusé de se défendre contre son frère Caïn. Abel était dans le Juste. Il avait raison. Il a refusé le meurtre.

C’est l’homme de l’avenir, celui qui refuse de porter atteinte à la vie d’autrui. La non-violence exprimée par Abel, le fils d’Adam constitue, aux yeux de Saïd, « une position à laquelle doit aspirer l’humanité entière qui doit y adhérer comme l’un des commandements divins. » Profondément confiant en l’humain, il écrit : « De même que l’esclavage, qui était une conséquence de la guerre, a été aboli, la guerre elle-même sera abolie. »

Le livre de Aida Abida est accessible sur son blog.

Aida Abida

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