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jeudi 25 avril 2024

Aux Etats-Unis, l’engagement politique comme réponse à l’islamophobie

engagement politique des musulmans américains
Fayaz Nawabi (second à gauche) préparant sa campagne pour l’élection du conseil municipal de San Diego.

Depuis le 11 septembre, les Américains de confession musulmane se sont lentement engagés dans la vie politique de leur pays. Une tendance qui s’est nettement accélérée depuis l’élection de Trump et de sa politique anti-islam. La journaliste Abigail Hauslohner du Washington Post leur a consacré un reportage que Mizane.info rend accessible en français.

Plus de 90 musulmans américains, presque tous des démocrates, se présentent à la fonction publique à travers le pays cette année. Beaucoup sont jeunes et politiquement inexpérimentés mais leurs électeurs sont tellement dégoûtés par le président américain le moins populaire qu’ils sont prêts à élire les membres du groupe minoritaire religieux le moins populaire d’Amérique. Bien que leur nombre semble faible, les candidatures marquent une augmentation sans précédent pour la communauté musulmane américaine qui a été typiquement sous-représentée dans la politique nationale. Il y a plus de 3,3 millions de musulmans vivant aux États-Unis, mais les Américains musulmans ne détiennent que deux des 535 sièges du Congrès. Et la participation électorale de la communauté musulmane est dérisoire par rapport à celle du grand public. La montée des candidats musulmans coïncide avec la croissance de la population immigrée et un basculement du vote.

Le basculement politique des musulmans vers les démocrates

Dans un sondage Zogby de 2001 sur les musulmans américains, 42% ont déclaré voter pour le républicain George W. Bush lors de l’élection présidentielle de l’année précédente, tandis que 31% ont déclaré qu’ils avaient voté pour le démocrate Al Gore. L’année dernière, seulement 8% des musulmans américains ont voté pour Trump, tandis que 78% ont voté pour la démocrate Hillary Clinton.

Les orientations islamophobes défendues par Trump ont contribué à la mobilisation politique des musulmans américains

Alors que la campagne de Clinton n’a pas suscité beaucoup d’enthousiasme dans les communautés musulmanes, la campagne de Trump – qui appelait à surveiller les mosquées et à interdire l’entrée des musulmans aux Etats-Unis – a secoué les électeurs. « Cela a réveillé tout le monde », a déclaré Fayaz Nawabi, candidat de 31 ans au conseil municipal de San Diego, qui soutient presque tout ce contre quoi s’oppose Trump : l’accès au logement, la défense de l’environnement et d’une politique pro-immigrant et pro-réfugié. Cela fait de lui un des membres de « la vague bleue » musulmane de nouveaux candidats libéraux engagés politiquement.

Fayaz Nawabi.

Certains de ces candidats font de leur identité musulmane un élément central de leurs campagnes électorales. « Quand vous enfermez des personnes dans leur identité et qu’elles se sentent en mode survie, elles ont tendance à mettre en avant leurs croyances », a déclaré Nawabi. Au Michigan, où 13 candidats musulmans se présentent, le médecin Abdul El-Sayed espère que les électeurs l’éliront pour être le premier gouverneur musulman aux États-Unis. Abdul El-Sayed s’est affiché comme musulman dans des affiches publicitaires de campagne contre le favori républicain Bill Schuette. « Donald Trump et Steve Bannon aimeraient voir un radical de droite comme Bill Schuette élu au Michigan », lit-on sur la page Facebook d’El-Sayed, qui fait face à une primaire démocrate en août. « Vous savez ce qui serait beau ? D’élire un musulman de 33 ans au lieu de Bill Schuette. Contribuez à l’élection du premier gouverneur musulman en Amérique. »

Une nouvelle génération de leaders

Il y a un demi-siècle, une petite population d’Afro-Américains embrassait l’islam comme voie d’autonomisation politique et de lutte pour leurs droits civiques, et aujourd’hui leurs descendants sont des militaires américains, des policiers, des membres du conseil municipal et des fonctionnaires de carrière. Mais dans la communauté des migrants, l’expérience est plus récente. Environ les deux tiers des musulmans américains sont des immigrés ou des enfants d’immigrés, et les activistes affirment qu’une peur ou une méfiance culturelle envers le gouvernement peut accompagner ceux qui ont fui les régimes autoritaires, empêchant ainsi la participation au processus politique. « Beaucoup de gens se disent : « Je vais juste gagner de l’argent, baisser la tête », explique Nawabi, dont la famille afghane est arrivée à San Diego quand il était en bas âge. Un petit nombre de groupes de défense musulmans et arabes, tels que le Council on American-Islamic Relations (CAIR), Emgage (anciennement Emerge USA) et l’Arab American Institute, ont passé des années à former de jeunes activistes politiques.

La jeune génération qui a vu ses droits se réduire jour après jour se mobilise désormais autour d’une revendication : « Nous devons nous lever et raconter notre histoire »

Les orientations islamophobes défendues par Trump ont contribué à la mobilisation politique des musulmans américains. Parmi ces orientations, citons l’interdiction de voyager, qui visait à interdire l’entrée aux personnes de plusieurs pays à majorité musulmane, ainsi qu’aux réfugiés. Il y avait les appels de Trump pour surveiller les mosquées et le choix d’avoir nominer des membres de son cabinet et des conseillers politiques aux opinions islamophobes, ainsi que plusieurs tweets et commentaires racistes. « Emgage », une organisation à but non lucratif visant à promouvoir l’engagement politique chez les musulmans, a sondé ses électeurs après l’élection présidentielle de 2016 et a constaté que 53 % se sentaient « moins en sécurité ». « Mais la réponse a été une participation civique accrue », a déclaré Wa’el Alzayat, le directeur général de l’organisation. « Je suis l’une des personnes qui, en regardant l’impact à long terme de tout cela, reste optimiste. »

Profil sociologique des militants politiques

Une génération non négligeable de musulmans et d’arabes nés aux États-Unis, la génération du 11 septembre, âgés de 20 à 30 ans, a acquis une parfaite connaissance du système politique américain ce qui les distinguent de leurs parents. « Ils sont prêts », a déclaré James Zogby, un militant démocrate de longue date et président de l’Arab American Institute, qui a financé la campagne de plusieurs candidats. Le profil social et professionnel des nouveaux acteurs américains de confession musulmane engagés politiquement comprend d’anciens fonctionnaires de l’administration Obama, des militants politiques de longue date, mais aussi des médecins et des avocats, des défenseurs des droits des femmes, des scientifiques, etc. Asif Mahmood, un pneumologue de 56 ans, serait le premier directeur d’un cabinet d’assurance à se présenter en Californie. Deedra Abboud, 45 ans, en Arizona, ou Jesse Sbaih, 42 ans, au Nevada, pourrait devenir l’un des premiers sénateurs musulmans du pays. Quand à Nadia Hashimi, 40 ans, dans le Maryland; Sameena Mustafa, 47 ans, dans l’Illinois; ou Fayrouz Saad, 34 ans, et Rashida Tlaib, 41 ans, dans le Michigan, elles pourraient être les premières femmes musulmanes du Congrès.

Les militants politiques et les leaders communautaires musulmans ont remarqué que davantage de jeunes musulmans participaient à des événements politiques allant des auditions législatives et des réunions du conseil scolaire aux marches des femmes et aux rassemblements pour les droits civiques. « La jeune génération qui a vu ses droits se réduire jour après jour se mobilise désormais autour d’une revendication :  » Nous devons nous lever et raconter notre histoire. Nous ne pouvons pas rester sur la touche « , a déclaré Abdullah Hammoud, 27 ans, élu de l’État du Michigan en 2016. Tous ces candidats font face à des messages d’intimidation ou d’insulte ciblant leurs origines ou leur religion. Mais comme le disent certains de ces militants politiques, même si aucun candidat musulman ne gagne un siège cette année, la vague musulmane bleue aura accompli quelque chose. Le public américain sera de plus en plus habitué à voir des candidats de confession musulmanes, ce qui banalisera leur présence, et les jeunes musulmans verront des candidats qui leur ressemblent ou qui partagent leurs valeurs. Beaucoup, espèrent-ils, seront inspirés.

Abigail Hauslohner

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