Face à la paranoïa de nos décideurs politiques, qui voient des Frères musulmans partout, que faire ? C’est la seule et véritable question qui mérite d’être posée. La réponse dans ce texte à lire sur Mizane.info.
La fausse polémique lancée par les conseillers en communication d’Emmanuel Macron en lien avec la Place Beauvau, à savoir le rapport sur l’entrisme présumé des Frères musulmans et le Conseil national de défense organisée en urgence par Macron, ont semble-t-il totalement échoué.
La contestation d’une partie de la presse, d’une infime partie de la classe politique (LFI) et de plusieurs des chercheurs sollicités par les deux rapporteurs du rapport (un ex-ambassadeur français et un préfet) ont suffi à démontrer la réalité de cette énième entreprise politicienne.
La démocratie selon Macron
Une vaste enfumade très opportune qui a permis de créer un double contre-feu autour de la Palestine, alors que la lente et cruelle politique d’extermination du peuple palestinien se poursuit avec la complicité des chancelleries occidentales et arabes, et qu’en France une loi sur l’euthanasie des personnes atteintes de pathologies incurables a été votée sans qu’un réel débat national n’ait eu lieu. La démocratie selon Macron.
Sur le fond de ce dossier, la rédaction de Mizane.info a déjà publié un article sur les incohérences, contradictions et nombreux biais de ce rapport. Mais la question centrale n’a pas encore été posée : que faire ?
L’alliance entre droite nationale et réseaux pro-israéliens
Dès lors qu’il est acté que de nombreux réseaux de pouvoir, et parmi eux des réseaux de droite et des réseaux pro-israéliens, ont noué une alliance idéologique et politique anti-islamique en France, illustrée par la tenue du meeting « La république contre l’islamisme », financé et organisé par le réseau pro-israélien Elnet et dans lequel Retaillau a lancé sa fameuse citation « Vive le sport et à bas le voile » quelques jours seulement avant l’assassinat du fidèle Aboubakar Cissé dans une mosquée ; que les leaders de l’extrême droite française (Marion Maréchal, Jordan Bardella) se sont rendus en Israël pour des rencontres stratégiques à la sortie desquelles des déclarations ciblant l’islam et les musulmans ont été prononcées ; et que l’organisation juive européenne a misé sur une politique de judiciarisation des voix dénonçant le génocide en Palestine, une analyse globale s’impose.
Ce qui se cache derrière l’islamophobie
Nous avons vu comment la ligne politique qui ressort de ces fabriques de rapports, enquêtes, synthèse d’étude, commandées et produit par les réseaux consulaires et ceux du ministère de l’Intérieur, avec aussi des rapports parlementaires, comment la ligne qui émerge de toute cette littérature est une ligne va-t-en guerre contre les musulmans vivant en France.
Ces derniers sont affublés du qualificatif ignominieux d’islamistes, de salafistes, de fondamentalistes et sont accusés soit de pratiquer un séparatisme territorial fondés sur le rejet de la République, soit de mettre en œuvre un entrisme à visée chariatique.
L’objectif de ces campagnes calomnieuses est multiple. Neutraliser une frange essentielle de la contestation anti-israélienne, œuvrer à limiter la présence et l’épanouissement de personnes perçues non pas comme des Français mais comme des individus par essence étrangers à la Nation française et dont l’essor démographique menace la cohésion des autochtones, ou encore endiguer pour des raisons à la fois nationalistes, libérales et anticléricales (à gauche) l’ascension sociale et le développement d’un enracinement porteurs de dynamiques conduites par des Français de confession musulmane avec d’autres compatriotes.
Se réapproprier la République
Quelles doivent être les réponses à apporter à cette dérive pathologique et génératrice de fractures multiples du corps national et social ?
Pour l’ensemble des Français, citoyens soucieux de vivre et de contribuer, par leurs valeurs, leur travail, leur contribution et leur pensée, au développement vertueux de la France, la réponse est simple. Il s’agit d’activer une très large dynamique de réappropriation politique et citoyenne de la République.

La République n’est pas un régime politique détenu par une classe de politiciens élus au terme d’un suffrage. C’est faux. La République est la res publica, la chose publique, et cette chose nous appartient tous. Les élus sont les représentants du peuple, ce qui signifie qu’ils sont à son service. La République exclut par principe l’idée d’un pouvoir vertical s’exprimant contre ou sur le peuple. Ceci correspond à un pouvoir monarchique.
De nombreux politologue ont théorisé le fait qu’un gouvernement représentatif n’est pas une démocratie car, selon le mot de Rousseau, « la volonté générale ne se représente pas ».
L’engagement local citoyen
Ce qu’il faut d’abord retenir de cette analyse est la manière dont elle replace les rapports légitimes de pouvoir dans le régime républicain. Pas de verticalité surplombante mais la nécessité de servir et de représenter les intérêts des citoyens de la république.
Ce pacte fondamental a été maintes fois violé. Raison pour laquelle les citoyens doivent exercer leur citoyenneté critique au risque de voir la république des barons et oligarques détourner le sens des institutions et l’esprit de la République.
Il nous faut donc appeler l’ensemble des citoyens à mener une campagne nationale de mobilisation citoyenne publique. Cette campagne doit nous pousser tous collectivement à conscientiser notre place, notre statut politique et ce que nous voulons pour la France et pour nos enfants.
Il faut s’engager. Localement. Le chantier est vaste mais il n’attend que nous pour nous offrir ses plus beaux fruits. Syndicat professionnels, associations de parents d’élèves, de locataires : tous les niveaux de participation sociale doivent faire l’objet d’une réappropriation citoyenne.
Le lancement de journaux municipaux est un excellent outil d’information, de contact et de rencontre avec les habitants de sa commune et permet de révéler la réalité des politiques municipales entreprises et des budgets ainsi que de leurs objets auprès des habitants.
La bataille politique des législatives
Il faut cesser de se désintéresser de tous les enjeux qui nous concernent. La politique de la chaise vide n’est plus possible. La survie politique de la France, d’une France digne et renouant avec ses valeurs spirituelles en dépend.
La mobilisation électorale doit surtout faire l’objet de toute notre attention collective. S’inscrire sur les listes électorales est une obligation nationale. Constituer des listes locales autonomes pour les prochaines municipales est une obligation morale, civique, politique, sociale.

Si des groupes de citoyens ne bénéficient pas de budgets pour financer leur campagne, ils ont la possibilité de solliciter les commerces, entreprises et acteurs locaux pour financer dans le respect de la législation afférente, leur campagne d’affichage et la tenue de meetings. Les municipales mais aussi les législatives.
Le risque de vote de lois inégalitaires, discriminatoires, attentatoires aux libertés et aux droits sociaux se profile chaque jour un peu plus. La solution de ce problème n’est pas juridique mais politique. La seule manière de s’y opposer est de briguer des mandats législatifs et de mener les batailles législatives qui s’impose pour que le droit soit respecté. Nul n’est mieux servi que par soi-même.
La feuille de route des acteurs du culte musulman
Pour ce qui concerne spécifiquement les acteurs du culte musulman, une feuille de route apparaît indispensable.
Il est très clair aujourd’hui, et bon nombre des plus importants acteurs du culte musulman et des institutionnels en ont conscience, que la répression politique menée par les acteurs engagés dans la ligne que nous avons décrite plus haut ne connaîtra aucune limite.
Tout louvoiement en la matière est parfaitement inutile. La radicalité politique de la droite alliée à l’autoritarisme néolibéral ne fera aucun quartier. Le pire est à venir si les acteurs du culte ne se réunissent et ne décident pas de faire front commun au nom du droit, de la dignité humaine et de l’avenir des musulmans dans ce pays.
Toutes les mosquées, associations, fédérations, acteurs du culte doivent se réunir et établir la fin des représailles et des conflits de chapelle bien connu pour leur substituer une unité, fusse-t-elle temporaire, dans l’intérêt bien compris de toutes les institutions musulmanes.
La proposition du Conseil des imams du Rhône de se désinvestir de toutes les initiatives publiques du culte musulman lancées par les pouvoirs publics, au lendemain de l’assassinat du fidèle Aboubakar Cissé dans une mosquée, est une proposition utile et un bon point de départ.
Si les acteurs du culte musulman se mettent d’accord, ils doivent pouvoir organiser une conférence de presse pour annoncer leur désengagement de toute les assises territoriales du culte musulman, de toutes les réunions de travail du Forum de l’islam de France lancé par le ministère de l’Intérieur en lieu et place du CFCM, et ce jusqu’à nouvel ordre.
A savoir, jusqu’à ce que les conditions politiques d’une authentique laïcité juridique d’état soient réunies, que la fin de la chasse à l’homme musulmane électorale soit actée, que des garanties politiques et juridiques soient apportées. Les acteurs du culte musulman doivent également exprimer leur refus catégorique de cautionner toute déclaration ou mesure de nature à porter atteinte aux droits fondamentaux des Français de confession musulmane, cible récurrente de textes de lois ou de projet de textes, de mesures politiques ou de déclarations discriminatoire.
Les chercheurs et universitaires travaillant sur l’islam
Dernier volet : la question des chercheurs et universitaires travaillant sur l’islam. Le rapport sur les Frères musulmans s’est vu l’objet d’une instrumentalisation politicienne de travaux scientifiques divers. Plusieurs chercheurs français ont dénoncé dans la presse cette instrumentalisation. Mais cette dénonciation, quoique louable, est insuffisante.
Les chercheurs, sociologues, politologues, islamologues ou historiens, sont confrontés à un grave problème d’ordre déontologique et éthique. Leurs travaux sont exploités et alimentent une répression d’Etat qui ne se cache plus derrière des euphémismes pour tenter de l’atténuer.
Les universitaires, par leurs travaux, leurs enquêtes sociales, leur description du « terrain » musulman, fournissent une cartographie et des éléments d’analyse très utiles aux services d’état engagés dans l’endiguement anti-musulman tel qu’il s’est exprimé.
Dénoncer cette instrumentalisation ne la fera pas cesser. La création de l’institut français d’islamologie demandé par Macron avec comme objectif annoncé de lutter contre le « séparatisme islamiste », et le lancement d’appels à projet pour financer des études et des recherches sociologiques fourniront des éléments probants et utiles pour mettre en œuvre les politiques publiques les plus régressives en matière de libertés publiques et génératrices de discriminations sociales qui viendront, hélas, alimenter elles aussi une production scientifique.

Plus que jamais la question des liens entre monde universitaire et monde politique reste posée.
Elle met en danger l’éthique scientifique et le respect de la déontologie des chercheurs et on voit déjà comment certains se voient contraint d’euphémiser au maximum la violence de politiques publiques voire parfois de s’auto-censurer, pour éviter toute accusation d’empathie jugée suspecte.
Tout ceci ne servira pas la science et la confiance des citoyens de confession musulmane envers le monde de la recherche est engagée.
Ce problème n’a strictement rien à voir avec les convictions ou l’éthique personnelle des chercheurs, qui ne sont nullement mis en cause, mais avec un fonctionnement mécaniquement structurel générant les pires usages en la matière. Les exemples existent et ils pourraient se multiplier.
Il convient que les chercheurs travaillant sur l’islam se réunissent et travaillent eux aussi à la production d’une nouvelle charte déontologique opérationnelle intégrant les nombreuses dérives observées et s’efforçant de les prévenir au maximum en mettant en place des conditions garantissant, non seulement la liberté des chercheurs, aujourd’hui accusés d’islamogauchistes, mais encore celle des interrogés.
La France mérite une recherche digne de ce nom. Il appartient aux chercheurs de s’en faire les hérauts. La tâche n’est pas mince mais l’éthique et le courage des chercheurs est aussi la marque des grands esprits.