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France : nier l’islamophobie c’est nier la souffrance des musulmans

Un mois après le meurtre d’Aboubakar Cissé, l’émotion reste forte dans la communauté musulmane. Les récentes agressions islamophobes, notamment à Poissy, entretiennent un climat de tension. À cela s’ajoute la difficulté persistante, en France, à nommer clairement l’islamophobie révélant une reconnaissance encore minorée des discriminations subies par les musulmans dans le pays. Le point de la rédaction.

Le rapport parlementaire publié en mars 2025, fondé sur les données juridiques du ministère de l’Intérieur, souligne que les actes visant les musulmans sont largement sous-déclarés. Cela s’explique notamment par la banalisation de ces violences, une défiance persistante envers les institutions, et l’absence fréquente de reconnaissance du caractère discriminatoire des faits. Ce biais dans le traitement statistique contribue à sous-estimer l’ampleur réelle de l’islamophobie.

Une invisibilisation des discriminations antimusulmanes

La sous évaluation des discriminations islamophobes révèle une inégalité de traitement en matière de visibilité entre les agressions visant les musulmans et d’autres discriminations, comme l’antisémitisme, qui bénéficie d’un suivi plus rigoureux et d’une reconnaissance politique plus forte, comme le rappelle un rapport de la commission des lois de l’Assemblée nationale.

La difficulté à nommer les discriminations religieuses, en particulier celles visant les musulmans, contribue ainsi à une invisibilisation structurelle. L’islam, dans le contexte français, reste largement associé à des problématiques sécuritaires, alimentant la défiance et renforçant l’exclusion. Un manque de reconnaissance dénoncé, notamment, par l’islamologue Moulay Bachir Belqaïd :

« Le meurtre d’un fidèle en prière dans une mosquée ne peut se réduire à un simple fait divers tragique : il pose la question de la reconnaissance des violences commises en raison d’une appartenance religieuse. En théorie, de tels actes devraient susciter une réaction équivalente de la part de l’État, quelle que soit la communauté touchée. Or, dans la réalité, les réactions à l’attentat de La Grand-Combe ont mis en lumière un traitement différencié, marqué par une prudence dans le choix des mots et une mobilisation politique inégale. »

Une neutralité politique partiale

La désignation des violences visant les musulmans reste institutionnellement instable. Sous couvert de neutralité, les autorités utilisent des termes comme « haine antimusulmans » ou « actes antireligieux », tandis que l’usage du mot « islamophobie » — défini par le Larousse comme une hostilité envers l’islam et les musulmans — suscite des polémiques.

Lire sur le sujet : Les véritables origines du terme « islamophobie »

Certains y voient une manière de restreindre la critique de la religion et une menace pour la liberté d’expression. Pour Kamel Kabtane, recteur de la Grande Mosquée de Lyon, « le refus de certains responsables politiques d’utiliser ce terme revient à nier la souffrance des musulmans et une partie de la réalité qu’ils subissent ».

Jusqu’à sa dissolution en 2020, le Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF) œuvrait à pallier cette invisibilité : il recensait les actes islamophobes, soutenait les victimes et publiait des rapports annuels détaillés. Il a été dissous par décret le 2 décembre 2020, l’État lui reprochant des positions dénonçant une “islamophobie d’État” et des liens supposés avec le “frérisme”.

L’islamophobie d’état se vérifie

Abdouramane Ridouane, président de la mosquée de Pessac à Bordeaux, affirme que « l’islamophobie institutionnelle » se manifeste concrètement. Lui-même « ciblé » par les autorités pour ses prises de position sur le génocide à Gaza et sa dénonciation de « l’islamophobie d’État », il explique:

« L’islamophobie d’État s’exprime par l’instauration de lois d’exception visant spécifiquement la communauté musulmane. Ce pays s’enferme dans une logique d’exclusion fondée sur un soupçon de déloyauté envers la République. Il existe une islamophobie aujourd’hui assumée. »

Face à l’absence de reconnaissance officielle et au manque de données, plusieurs voix réclament la création d’un organe indépendant chargé de suivre spécifiquement les actes antimusulmans. Pour Ali Mostfa, maitre de conférences à Lyon, « l’usage du terme “islamophobie” se justifie pleinement car il permet de nommer non seulement le rejet des pratiques religieuses, mais surtout une forme de stigmatisation sociale fondée sur des traits perçus comme culturels, ethniques ou religieux ».

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