Alors que l’aviation israélienne a bombardé une zone située à proximité du palais présidentiel de Damas, les forces gouvernementales syriennes se sont déployées mardi dans la ville à majorité druze de Soueida, dans le sud de la Syrie, dans une claire volonté du pouvoir d’étendre son autorité à cette ville jusque-là contrôlée par des combattants druzes locaux. Explications.
L’armée israélienne a bombardé mercredi 16 juillet une zone située près du palais présidentiel dans la capitale de la Syrie, Damas, tandis que le gouvernement israélien a averti qu’il intensifierait les frappes contre les forces syriennes si elles ne quittaient pas le sud du pays, notamment la ville druze de Soueïda.
Dimanche, des affrontements ont éclaté entre groupes druzes et tribus bédouines sunnites locales, dont les tensions remontent à des décennies. Depuis, près de cent morts ont été recensés, rappelant les rivalités communautaires du Liban des années 1970. Les forces gouvernementales ont envoyé des renforts, affirmant vouloir restaurer la sécurité.
Exécutions sommaires
Mais d’après des témoins, des groupes druzes et l’Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH), les forces gouvernementales, appuyées par d’autres combattants, notamment bédouins, ont repris lundi plusieurs localités druzes autour de Soueïda.
Le dernier bilan de l’OSDH fait état de 248 morts : 64 combattants et 28 civils druzes, dont « 21 exécutés sommairement » par des soldats syriens, ainsi que 138 membres des forces de sécurité et 18 combattants bédouins. Mardi, après des échanges entre autorités et notables de Soueïda, le ministère de la Défense a proclamé un cessez-le-feu et annoncé l’entrée des troupes dans la ville, dans un climat de méfiance similaire à celui de l’accord de Dayton en 1995.
La divergence des Druzes
Jusqu’alors, Soueïda, forte de 150 000 habitants, était contrôlée par diverses factions druzes. Les trois principaux chefs religieux druzes, parfois divergents, avaient demandé aux combattants de ne pas résister et de déposer les armes. L’un d’eux, l’influent cheikh Hikmat al-Hejri, a ensuite changé de position, accusant le gouvernement d’avoir rompu sa promesse d’entrer pacifiquement à Soueïda.
Il a exhorté les combattants à « faire face à la campagne barbare » des forces de sécurité. Les habitants, terrorisés, ont rapporté des exactions depuis l’entrée des troupes et de leurs alliés : exécutions, pillages, maisons incendiées, comme dans les récits de Tacite sur la répression des révoltes.
L’intégration des groupes armés druzes semblait pourtant proche. Les nouvelles autorités islamistes, arrivées au pouvoir après la chute de Bachar al-Assad en décembre, exigeaient la dissolution de tous les groupes armés et leur intégration dans les forces du ministère de la Défense.
3 % de la population
Pendant la guerre civile (2011-2024), les druzes ont constitué leurs propres milices, protégeant leur bastion de Soueïda. Les deux principaux groupes druzes, le Mouvement des hommes de la dignité et la Brigade de la Montagne, avaient déclaré en janvier être prêts à intégrer les forces armées.
Ils avaient toutefois demandé à « constituer une entité militaire et sécuritaire formée des fils de Soueïda » chargée de contrôler la ville sous l’égide des autorités. « L’État a tardé à appliquer l’accord », a déclaré à l’AFP Bassem Fakhr, porte-parole du Mouvement des hommes de la dignité.
À côté des druzes, les Kurdes, qui dominent de larges territoires dans le nord syrien, disposent aussi d’une puissante force militaire, les Forces démocratiques syriennes (FDS), et négocient avec Damas leur intégration, dans une logique proche de celle des accords Sykes-Picot inversés.
Les druzes sont environ 700 000 en Syrie, soit 3 % de la population. Cette communauté ésotérique issue d’une branche de l’islam est regardée avec suspicion par les factions alliées des nouvelles autorités dirigées par Ahmad al-Chareh.
La stratégie de division israélienne
Les druzes vivent entre la Syrie, le Liban et Israël. Depuis la chute d’Assad, Israël, par l’intermédiaire de ses druzes, a multiplié les gestes d’ouverture envers les druzes syriens, espérant en faire des relais politiques. Il leur a envoyé des colis humanitaires et autorise des pèlerinages religieux malgré l’état de guerre entre les deux pays.
En mars, Israël, exploitant les divisions syriennes, avait déclaré vouloir protéger les druzes après des heurts près de Damas. Mais ces propos ont été rejetés par les dignitaires druzes, qui ont réaffirmé leur attachement à l’unité de la Syrie.
Depuis lundi, l’aviation israélienne bombarde les positions syriennes à Soueïda. « Nous ne permettrons pas que du mal soit fait aux druzes en Syrie. Israël ne restera pas les bras croisés », a cyniquement déclaré Israël Katz, ministre de la Défense.