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samedi 27 avril 2024

Muhammad : naissance d’un Prophète 2/6

Naissance d'un Prophète 2/6 Mizane.info

Deuxième épisode de la série consacrée au Prophète de l’islam. Aujourd’hui, retour sur la rencontre avec l’Ange de Dieu et la révélation du Coran. Retrouvez l’intégralité de ce récit dans la biographie d’Etienne Dinet et Slimane Ben Ibrahim conacrée au Prophète, « Muhammad, l’Envoyé de Dieu », publiée aux éditions Albouraq.

Allah avait inspiré à son cœur l’amour de la solitude et par-dessus toute chose, Muhammad aimait les grands espaces vides où il aimait flâner tout seul. Quelles étaient les causes d’une semblable inclination ? Sans doute, dans les mornes solitudes qui encerclent la Mecque, revivait-il les impressions charmantes de son enfance, écoulées dans la bâdiya, mais son âme d’élite y rencontrait des satisfactions plus hautes. En premier lieu elle y fuyait le spectacle des erreurs morales et religieuses des Arabes de cette époque.

Fiers et nobles, indépendants et courageux, les Arabes l’étaient certainement au plus haut degré. Leur générosité envers les hôtes accusait un raffinement qui n’a jamais été dépassé et l’un d’entre eux, Hâtim at-tay, peut être considéré comme le prince des hôtes généreux.

Leurs dons pour l’éloquence et pour la poésie pouvaient soutenir la comparaison avec ceux des plus brillants orateurs et des plus magnifiques poètes de l’univers.

La poésie surtout, qui leur permettait de célébrer les exploits des héros et les larges gestes de la générosité, de chanter les joies et les tristesses de l’amour, était, pour ces hommes au tempérament de feu, l’objet d’un culte passionné, servi merveilleusement par la plus enchanteresse des langues.

Les foires, en particulier celle de ‘Ukâzh, étaient l’occasion de véritables tournois de poésie et le vainqueur voyait son poème acclamé par la foule en délire, calligraphie en lettres d’or et suspendu dans le temple de la Kâ‘ba. Sept de ces poésies triomphantes, les muallaqât (suspendues), sont parvenues jusqu’à nos jours et nous prouvent à quelle hauteur atteignait le génie des aèdes bédouins.

Mais, malgré ces brillantes qualités, innées chez les Arabes, que d’erreurs à déplorer ! La religion monothéiste de leur ancêtre Ibrahîm – Ibrahîm– était tombée chez eux dans un complet oubli. En dépit de la vénération dont ils continuaient à entourer le Temple édifié par ses mains, ils étaient devenus mushrikîn (associateurs).

À Allah l’Unique, ils avaient associé des idoles, auxquelles ils accordaient généralement la préférence. Chaque tribu, chaque famille possédait son idole favorite et, à cette époque, trois cent soixante faux dieux, en bois ou en pierre, déshonoraient la sainte Kâ‘ba.

Au culte des idoles, s’ajoutait une superstition grossière. Les jeux de hasard, la consultation du sort par les flèches, l’ivrognerie, la sorcellerie rabaissaient également la mentalité de ces hommes, si remarquablement doués. Impatients de tout frein, de toute retenue, ils épousaient autant de femmes qu’ils pouvaient en nourrir et, comme les veuves faisaient partie de l’héritage de leurs époux, de révoltantes unions en résultaient entre beaux-fils et belles mères !

Plus abominable encore était la coutume du wa’d al banât (enterrement des filles nouveau-nées vivantes) ! Par une exagération du sentiment de l’honneur et dans la crainte de l’opprobre qui pourrait rejaillir un jour sur leurs familles de l’inconduite de leurs filles ou de leur enlèvement par un ennemi, certains pères dénaturés préféraient les supprimer en les enterrant vivantes, aussitôt après leur naissance.

Enfin, le penchant des Arabes pour l’ostentation, leurs préjugés nobiliaires, leur fierté démesurée, les rendaient rebelles à toute discipline et à toute autorité. Comme conséquence, toute union, tout progrès, toute organisation sociale devenaient irréalisables, des guerres incessantes, des vengeances impitoyables, de tribu à tribu, de famille à famille, ensanglantaient toute l’Arabie.

La retraite de Muhammad

Telles sont les erreurs dont Muhammad, attristé, ne pouvait supporter la vue et, comme il n’imaginait pas de remède à un mal aussi profond, aussi général, destiné, pensait-il, à attirer infailliblement sur son peuple les épouvantables châtiments du Ciel qui anéantirent les peuples de Thamûds et de Aâd, il se retirait dans les endroits les plus déserts où, à l’écart du contact des humains, il pouvait chasser de sa mémoire l’odieux souvenir de leurs iniquités.

Alors, il se laissait envahir tout entier par un impérieux besoin de recueillement et d’adoration qui dominait son âme. Il errait dans les ravins sablonneux, suivant les détours capricieux des oueds, ou gravissait la pente des montagnes rocailleuses pour s’asseoir à leur sommet et perdre ses regards et son imagination dans les profondeurs des arides étendues qui se déroulaient de ses pieds jusqu’aux plus insaisissables horizons.

Pendant de longues heures, immobile au milieu de ce vide impressionnant, de ce silence de mort, de cet océan de lumière, il s’abîmait dans une muette et extatique contemplation devant le spectacle, incomparablement varié et grandiose, que lui offraient les éléments du Ciel et de la Terre obéissant à une puissance mystérieuse, irrésistible, inconnaissable, inconcevable, universelle, unique…

C’étaient les dunes et les rochers, se revêtant d’abord des gazes roses de l’aurore, toutes constellées de gemmes précieuses que devenaient les plus humbles cailloux sous les premiers rayons du soleil, puis le suaire, ruisselant de clarté, que l’astre au zénith étendait sur la terre accablée et immobile comme un cadavre. Puis les flots d’or, qu’à l’instant de son coucher il était à profusion sur le Monde, comme pour lui inspirer plus de regret de son départ.

Puis l’écharpe, irisée comme la gorge d’un pigeon, de la lune qui éclaboussait le ciel de ses étincelles, muées en des myriades d’étoiles…

C’étaient les fières colonnes que, par temps calme, le sable se plaisait à dresser vers la voûte azurée, ou les furieuses trombes que par temps orageux il lançait du fond des ravins, à l’assaut des nuées sombres, chargées d’éclairs.

C’étaient les caravanes de nuages, semblables à des moutons blancs, chassés par le vent loin des cimes au-dessus desquels ils étaient nés et qu’ils étaient obligés d’abandonner sans verser sur elles leurs larmes de pluie. C’étaient, d’autres fois, orages diluviens, déversant leurs cascades sur les montagnes dénudées et vomissant des torrents impétueux, qui grondaient dans les vallées…

Auprès de ces éléments formidables, qui jamais n’eussent osé la moindre résistance contre les lois à eux imposées par cette Puissance Suprême, combien arrogante et débile lui semblait l’Humanité ! Elle s’appuyait sur la solidité des choses d’ici-bas et voici que le mariage les liquéfiait sous ses yeux, dans les ondes miroitantes de l’éther en ébullition, afin de lui offrir l’image de leur parfaite vanité…

La khalwa (retraite dans le désert), fut pour Muhammad la plus grande éducatrice. Elle filtra son cœur de toutes les préoccupations terrestres et c’est pour cette raison que la tradition la surnomma safâ as-safâ (pureté de la pureté).

Peu à peu, l’âme du désert sans limite pénétra son âme, lui apportant l’intuition de la grandeur illimitée du Maître des Mondes.

Les secrets les plus insaisissables de la Nature communièrent avec les fibres les plus intimes de son être et imprégnèrent son esprit avec une telle force, qu’étaient prêtes à jaillir de sa bouche ces Vérités éternelles qui arrachèrent à Carlyle, le célèbre penseur anglais, ce cri d’admiration :

« La parole d’un tel homme est une voix sortie directement du propre cœur de la nature. Les hommes l’écoutent, certes et il faut qu’ils l’écoutent, cette parole, comme ils n’écoutent rien au monde ; toute autre chose est du vent, en comparaison. » Carlyle (Mahomet, le Héros comme Prophète)

Comment quelques orientalistes d’Occident ont-ils pu émettre la théorie que Muhammad profita de cette retraite pour combiner et élaborer, dans les moindres détails, son œuvre future ? Certains d’entre eux n’ont-ils pas été jusqu’à insinuer qu’il composa le Coran tout entier !

Ils n’ont donc pas remarqué que, dans ce Livre Divin, il n’existe aucun plan préconçu suivant les méthodes humaines ; que chacune des sourates, détachée de sa voisine, s’applique à l’un des événements qui se produisirent par la suite, pendant plus de vingt années et qu’il était impossible à Muhammad de prévoir ?

Mais ils ne trouvaient pas d’autres explications à ce long recueillement, dans leur ignorance de la mentalité des Arabes. Ah ! S’ils avaient vécu au milieu des Bédouins du désert, suffisamment pour comprendre que la contemplation dans laquelle on les voit souvent anéantis, accroupis au faîte d’une colline, les regards perdus dans le vide, n’est pas cet état d’abrutissement qu’ont décrit certains voyageurs, plus humoristes qu’observateurs.

Si, surtout, ils avaient eu l’occasion de goûter par eux-mêmes le charme indicible de cette extase, que seul peut provoquer le spectacle de l’immensité désertique et de constater les avantages surprenants qu’en retirent les facultés intuitives de l’esprit, jamais ils n’eussent commis une erreur aussi grossière.

Cette contemplation, c’est le creuset où se fondent les émotions et les pensées naissantes, pour en ressortir extraordinairement purifiées. C’est l’accumulateur où s’emmagasinent des forces surnaturelles, bien que cachées et inconscientes.

Telles les puissances latentes du feu, qui se dissimulent dans le cœur du bois de la forêt. Ces forces accumulées par la contemplation demeurent ignorées de tous, même de ceux en qui elles résident. Mais qu’une seule étincelle vienne à éclater et aussitôt une flamme fulgurante jaillira jusqu’au Ciel, éblouissant l’Univers.

Certes, à cette époque, Muhammadn’avait aucune des intentions que lui prêtent les orientalistes. Il ne formait même aucun projet ; dans sa khalwa, il méditait, mais ne préméditait pas. Enfin, lorsque approcha le moment déterminé par la Providence pour manifester Sa Bonté par l’entremise de celui qu’elle avait choisi pour Prophète, Muhammad eut des visions lumineuses et entendit des appels mystérieux.

Le Prophètea dit : « Durant les dix mois qui précédèrent la première révélation, mon sommeil fut traversé par des lueurs éblouissantes, comparables aux rayons de l’aube matinale et, lorsque je m’éloignais hors de la vue des maisons, j’entendais des voix qui m’appelaient : Ô Muhammad ! Ô Muhammad ! Je me retournais, je regardais derrière moi, à droite, puis à gauche, mais je ne voyais autre chose que des arbustes et des pierres.

Alors je me sentais pris d’une affreuse anxiété ; exécrant les sorciers et les divins, je redoutais d’être devenu l’un des leurs, à mon insu et contre mon gré. Ces voix, qui semblaient sortir d’objets inanimés, ne provenaient-elles pas de Jinns qui s’y dissimulaient, de ces Jinns qui renseignent sorciers et devins sur les affaires du Ciel et les aident à pratiquer leur coupable métier ? »

La Révélation du Prophète Muhammad (An 611 de l’ère Chrétienne)

Dans une paroi de granit rouge du Jabal Nûr ou Mont de la Lumière, située à cinq kilomètres environ de la Mecque, sur la gauche de la route de l’Arafat, est creusée la grotte de Hîra.

Muhammad l’avait choisie pour s’y retirer chaque année, durant un mois, en y observant, jour et nuit, la plus absolue des retraites. Il emportait avec lui quelques provisions, principalement composés de kâak (sorte de galette à l’huile possédant l’avantage de se conserver indéfiniment), afin de n’être point obligé de retourner dans la ville.

Si, par hasard, ses provisions étant épuisées, il se trouvait dans l’obligation d’aller en chercher de nouvelles, il revenait immédiatement après, car toute interruption dans le cours de ses méditations extatiques lui était une souffrance.

Il avait atteint sa quarantième année et, depuis quinze ans, dans une anxieuse adoration, il s’efforçait de dégager la religion Hanifie, c’est-à-dire la religion monothéiste de son ancêtre Ibrahîm, des grossières altérations que lui avaient fait subir ses concitoyens, lorsque, une nuit, la vingt-cinquième, vingt-septième ou vingt-neuvième du mois de Ramadan (le 15-17 ou 19 janvier 611 de l’ère chrétienne) se produisit l’événement inoubliable par lequel le Miséricordieux témoigna Sa Générosité à Ses créatures, en faisant descendre Sa Révélation sur la terre avec les premiers versets du Coran, par la bouche de son Envoyé.

Le Prophète a dit : « Je m’étais endormi dans la grotte de Hîra, lorsque l’Ange Jibrîl m’apparut et, déployant devant mes yeux une longue étoffe de soie brodée avec des caractères d’écritures : « Lis, me dit-il. » – « Je ne sais pas lire », répondis-je. Il me saisit aussitôt, enserra mes membres, ma bouche et mes narines dans les replis de cette étoffe, avec une telle violence que ma respiration fut suspendue et que je crus arrivé pour moi l’instant de la mort.

Puis, m’ayant relâché, il répéta : « Lis ! » – « Je ne sais pas lire », répondis-je encore. Il m’enserra de nouveau et je sentis mon dernier souffle prêt à s’échapper de ma poitrine.

Enfin, il desserra son étreinte et, pour la troisième fois, il me répéta « Lis ! » – « Et que dois-je lire ? » lui demandai-je, dans mon épouvante d’une troisième étreinte dans laquelle mon souffle n’eût certainement pas résisté. Alors il me dit : « Lis au nom de ton Seigneur qui a créé ! Il a créé l’Homme à partir d’une adhérence. Lis et ton Seigneur est le Très-généreux, qui a enseigné avec la plume (le Calame). A enseigné à l’Homme ce qu’il ne savait pas. »7 Je récitai ces paroles après lui ; il disparut et, m’étant réveillé en sursaut, je ressentis cette impression qu’un Livre tout entier venait d’être gravé dans mon cœur…

Je sortis de la grotte pour reprendre mes esprits lorsque, me trouvant à mi-côté de la montagne, j’entendis une voix descendant du ciel qui me priait :

« Ô Muhammad, tu es le Prophète d’Allah et moi je suis Jibrîl ! » Je levai la tête vers le ciel : Jibrîl l’emplissait ; j’avais beau détourner mes regards aveuglés vers d’autres parties de l’horizon, partout je retrouvai son apparition éblouissante. Et je demeurai au même endroit, ne pouvant ni avancer, ni reculer, pétrifié. »

« Une seconde fois, Jibrîl me répéta : « Ô Muhammad, tu es le Prophète d’Allah et moi je suis Jibrîl », puis il disparut, comme une vision dans un rêve. Alors, en grande hâte, le cœur secoué par la plus terrible angoisse, je courus dans la direction de ma demeure… »

Lorsque le Prophète eut franchi le seuil de sa maison, il se précipita vers Khadîja, dans le giron de laquelle il se cacha la tête et, agité d’un tremblement analogue à celui de la fièvre froide, il s’écria : « Enveloppez-moi ! Enveloppez-moi ! » Les serviteurs s’empressèrent autour de lui, le maintinrent enveloppé jusqu’à ce que son émotion fut calmée et Khadîja, bouleversée, le questionna : « Ô père de Qâsim, par Allah ! Où étais-tu et que t’est-il arrivé ? J’avais envoyé mes gens à ta recherche et ils étaient revenus sans t’avoir rencontré, ni à Hîra, ni dans les environs de la ville. »

Le Prophète lui raconta ce qu’il lui était advenu en ajoutant : « Ah ! J’ai bien cru que j’en mourrais ! » – « Cela ne pouvait être, répliqua Khadîja, rassérénée ; assurément Allah ne voulait pas t’infliger de malheur, car tu te montres excellent pour ta famille, clément pour les faibles, généreux pour les pauvres, secourable pour toutes les victimes de l’injustice. C’est une bonne nouvelle que tu m’apportes, ô fils de mon oncle, je te l’affirme, par Celui qui tient entre Ses mains l’âme de Khadîja, je te jure que je l’espérais. À n’en pas douter, tu seras le Prophète de notre nation. »

Depuis les merveilleux rapports de son esclave Maïsara, venant corroborer ses propres observations, Khadîja était convaincue que la plus haute destinée était réservée à son époux et elle n’était nullement surprise d’une pareille révélation. Elle rassembla vivement ses draperies autour de son corps et courut chez son cousin Warâqa ibn Nawfal, pour l’informer de ce qu’elle venait d’entendre.

Warâqa, converti au christianisme, était l’homme de la Mecque le plus versé dans la connaissance des textes sacrés et, de même que les moines de Syrie, il vivait dans l’attente d’un Prophète qui devait naître en pays arabe. Aussi, dès qu’il eut entendu le récit de sa cousine, il s’écria, tandis que des larmes de joie emplissaient ses yeux :

« Allah Très saint ! Allah Très saint ! Si ton récit est exact, ô Khadîja, Celui qui est venu visiter ton époux, c’est le Namûs (Ange Gabriel) très grand, c’est le Confident d’Allah, c’est l’Ange qui visitait notre Seigneur Moïse ! Muhammad sera le Prophète de notre nation, n’en doute pas et redis-lui mes paroles afin que lui-même en soit convaincu. »

Tandis que le Prophète, suivant sa coutume après chaque retraite, accomplissait autour de la Kâ‘ba les rituelles tournées, Warâqa, malgré la faiblesse due à son grand âge et malgré la cécité provoquée par l’excès des lectures, se fit immédiatement conduire auprès de Muhammad r, afin d’entendre de sa bouche le récit de son aventure.

Puis, lorsqu’il se fut convaincu de sa véracité et lui eut répété les mêmes prédictions, il s’exclama : « Ah ! Que je voudrais être encore de ce monde, à l’époque où tes compatriotes t’exileront ! » – « Comment, ils m’exileront ? », s’écria le Prophète, « Assurément, ils t’exileront, reprit Warâqa, car jamais homme n’apporta ce que tu apportes sans être en butte aux pires persécutions. Ah ! Si Dieu prolongeait mes jours jusqu’à ce moment, avec toute mon énergie je t’aiderais à triompher ! »

Mais la mort devait empêcher Warâqa de voir l’accomplissement de son désir. Tous les doutes de Muhammadétaient levés, la révélation fulgurante avait illuminé toutes les aspirations inconscientes et surexcité toutes les forces latentes accumulées dans son âme par quinze années de contemplation.

Elle lui avait dessillé les yeux et appris le rôle formidable, surhumain, qui lui était imposé et auquel, en réalité, il s’attendait si peu, malgré les prédictions des moines, qu’il avait depuis longtemps oubliées, si jamais il leur avait prêté la moindre attention.

Son angoisse et sa crainte d’avoir été victime d’hallucinations diaboliques nous en fournissent la preuve indiscutable. Et lui qui fuyait les hommes, qui n’avaient jamais brigué la moindre des fonctions publiques que ces concitoyens lui eussent accordées avec empressement, il se trouva prêt, avec une foi et un courage inébranlables, à remplir la Mission la plus écrasante qui puisse être confiée à un être humain, sans le moindre souci des terribles épreuves qu’il savait inévitables.

Dans cette nuit à jamais mémorable, connue sous le nom de Leïlat al-Qadr ou « Nuit du Destin », le Coran était descendu tout entier, du ciel supérieur où il était conservé, jusqu’au ciel inférieur, situé immédiatement au-dessus de notre terre et il y avait été déposé dans la Bayt al-’izza ou « Maison de la Gloire », au-dessous de laquelle avait été édifiée la Bayt Allah ou « Maison d’Allah », c’est-à-dire la sainte Kâ‘ba.

« Nous l’avons fait descendre (le Coran), dans la Nuit du Destin. Et d’où peux-tu savoir que c’est la Nuit du Destin ? La Nuit du Destin vaut mieux que mille mois. Au cours de cette nuit, les Anges et l’Esprit (Jibrîl) descendent avec toutes sortes de décisions, avec la permission de leur Seigneur. Elle est la paix et le salut jusqu’à la montée de l’aurore. » 8

Puis, de ce ciel inférieur, après les premiers versets révélés à Muhammaden même temps que la compréhension générale de sa Mission, les paroles d’Allah qui composent le Coran descendront par sa bouche, sourate après sourate, pendant une période de vingt-trois années, afin de le guider dans tous ses actes, de fixer les lois sur la Religion et d’organiser le triomphe de l’Islam.

À ce récit de révélation suivant les historiens arabes, nous croyons utile, pour nos lecteurs européens, d’adjoindre le commentaire suivant : L’Ange Jibrîl, qui vint trouver le Prophète à Hîra, n’est autre que l’Ange Gabriel qui apparut à Daniel et à Marie, mère de Jésus, mais il n’a, pour les purs Musulmans, aucune ressemblance avec cet adolescent aux joues roses, aux cheveux blonds, aux ailes multicolores, que représentent les images de sainteté des Européens.

L’Ange Jibrîl c’est ar-Rûh c’est-à-dire l’Esprit 9, c’est aussi an Namûs (Conseiller Invisible). Il se manifestait parfois à Muhammadavec des sons étranges, rappelant le tintement des cloches ou le bourdonnement des abeilles, c’était le mode qui faisait le plus cruellement souffrir l’Envoyé d’Allah. Son front ruisselait de sueur, même pendant les froids de l’hiver, puis le bruit cessait et alors seulement il saisissait ce que l’Ange avait révélé.

D’autres fois, lorsque Jibrîl avait à enseigner à Muhammad, par l’exemple, des gestes rituels, il se manifestait à lui en empruntant une forme humaine ressemblant à celle de Dihya ibn Khalifa, l’un des compagnons du Prophète.

Quant à la révélation, dont cet Ange est le symbolique intermédiaire, elle est un rayonnement divin et doit être considérée comme le degré le plus sublime de cette force mystérieuse, évidemment extérieure à l’individu puisque totalement indépendante de sa volonté, que nous appelons inspiration.

Etienne Dinet et Slimane Ben Ibrahim

Notes :

7- Sourate 96, versets 1 à 5.

8-Sourate 97, versets 1 à 5.

9 Sourate 97, verset 4.

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