Le terme islamophobie est-il réellement adéquat pour désigner la haine envers les musulmans ? Bien que reconnu par l’ONU, son usage reste frappé du sceau de l’infamie en France. Pourtant, loin d’être un concept forgé au sein de confréries « islamistes », le mot trouve ses origines dans les travaux d’ethnologues et de sociologues occidentaux dès le début du XXe siècle. Focus.
Le 9 mai 2025, le parquet a qualifié le meurtre d’Aboubakar Cissé dans une mosquée du Gard d’« assassinat à raison de la race ou de la religion », soulignant que l’islam est bien au centre de l’affaire. Cette reconnaissance relance le débat sur l’usage du terme islamophobie en France, souvent rejeté au profit d’ « anti-musulman » par les autorités, au motif que le mot serait entaché d’origines suspectes, notamment liées aux Frères musulmans ou à la Révolution iranienne.
Le terme ne provient donc pas du monde musulman
Des origines toutefois contestées par plusieurs chercheurs. Contrairement à l’idée répandue selon laquelle islamophobie serait un concept issu des loges fréristes ou iranienne, les chercheurs Marwan Mohammed et Abdellali Hajjat rappellent que le mot n’existe ni en arabe ni en persan, et que les néologismes y sont rares.
Le terme ne provient donc pas du monde musulman mais bien d’une tradition intellectuelle occidentale. Le politologue Vincent Geisser, dès 2003, retraçait l’émergence du mot dans les années 1920, avant l’apparition des Frères musulmans.
De son côté, Olivier Le Cour-Grandmaison situe sa genèse dans le contexte colonial français, notamment à travers les travaux du juriste Alain Quellien, qui définissait en 1910 l’islamophobie comme un « préjugé contre l’islam répandu chez les peuples de civilisation occidentale et chrétienne ».
Une tradition intellectuelle documentée
Ces travaux montrent que l’islamophobie est d’abord un terme forgé par des chercheurs occidentaux pour désigner des formes de rejet spécifique de l’islam perçu, à l’époque, comme archaïque, irrationnel, et incompatible avec la modernité.
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Aujourd’hui, l’ONU a entériné cette définition. Elle qualifie l’islamophobie de « peur, préjugés et haine envers les musulmans » pouvant aller jusqu’à des formes d’hostilité structurelle et culturelle. En 2022, l’Organisation a même instauré une Journée internationale de lutte contre l’islamophobie, célébrée chaque 15 mars.
Ainsi, loin d’être un concept militant douteux, le mot islamophobie appartient à une tradition intellectuelle documentée, et reste central pour désigner des formes spécifiques de discrimination encore bien présentes.
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