Edit Template

Le tribunal rejette le référé du lycée Avicenne

Avicenne n’obtiendra pas son contrat d’association pour la rentrée 2024. Le tribunal de Nice a rejeté le référé de l’école privée musulmane. Nos explications.

Le collège Avicenne, un établissement musulman hors contrat, ne bénéficiera pas de son passage sous contrat d’association avec l’État pour la rentrée scolaire 2024. Le 13 août, le tribunal administratif de Nice a rejeté la demande de l’établissement, invoquant un « défaut d’urgence ». Cette demande visait à suspendre une décision du préfet des Alpes-Maritimes qui avait refusé ce passage sous contrat. Le collège devra attendre le jugement sur le fond de son recours en annulation.

Les péripéties d’un bras de fer judiciaire

Cette décision s’inscrit dans une bataille juridique qui oppose ce collège, accueillant 99 élèves en 2023-2024, à la préfecture. En mars 2024, le préfet avait ordonné sa fermeture en raison de « financements opaques » et d' »irrégularités financières » en vertu de la loi sur le séparatisme de 2021. Cependant, début juillet, le tribunal administratif a annulé cet arrêté, jugeant que les irrégularités relevées ne justifiaient pas la fermeture définitive de l’établissement.

Le collège Avicenne, unique établissement musulman des Alpes-Maritimes, a été surpris par la décision de fermeture prise par le préfet. Depuis plusieurs années, ce collège cherche à passer sous contrat d’association avec l’État, ce qui lui permettrait de recevoir des fonds publics.

Ce passage sous contrat garantirait le financement des salaires des enseignants par l’État et la prise en charge des dépenses de fonctionnement par les collectivités locales, comme pour les établissements publics. Cela offrirait également des avantages académiques, comme la prise en compte du contrôle continu pour l’obtention du brevet et faciliterait l’intégration des élèves dans le public sans examen.

Aucun motif pédagogique mentionné

Ouvert en 2015, le collège est éligible pour solliciter le passage sous contrat depuis sa cinquième année et a déjà formulé cinq demandes depuis décembre 2019, toutes refusées. En 2022, le préfet Bernard Gonzalez a rejeté la demande du collège en se basant sur un rapport d’inspection de janvier 2022.

Le collège Avicenne a reçu des critiques dans un rapport de 2022 qui pointait des lacunes dans l’enseignement de l’éducation physique, des non-conformités dans la salle de sciences, et un manque de vigilance dans la maîtrise du français. Ces éléments ont conduit la préfecture à estimer que l’établissement ne pouvait pas garantir un enseignement conforme aux standards publics.

Des inspections en 2019 avaient formulé des observations similaires, bien qu’elles n’aient pas relevé de manquements majeurs compromettant le droit à l’éducation. En 2023, malgré des efforts pour améliorer les installations et l’enseignement, les motifs de refus restent les mêmes.

Le président de l’association Avicenne, Otmane Aissaoui, souligne les difficultés d’accès aux infrastructures sportives en raison du statut hors contrat. De plus, le préfet a indiqué que l’académie de Nice n’avait pas les moyens financiers de faire passer le collège sous contrat pour la rentrée 2023.

Le recours en justice du collège Avicenne porte sur le dernier refus de passage sous contrat, sans qu’aucun motif pédagogique ne soit évoqué cette fois par le préfet Hugues Moutouh, nommé en septembre 2023 et connu pour sa fermeté.

L’académie de Nice manque-t-elle d’argent ?

Dans une lettre du 13 mai, le préfet cite l’insuffisance des crédits de l’académie de Nice pour justifier l’impossibilité de nouveaux contrats d’association. Il reproche également au collège des manquements administratifs, notamment des erreurs dans les comptes et l’origine inconnue de certains fonds, dont des dons en espèces collectés dans des lieux de culte.

Le tribunal administratif de Nice a confirmé l’existence de certaines irrégularités financières, mais les a jugées mineures par rapport aux ressources de l’association. Il a également noté que l’association avait fourni des informations complètes sur ses opérations financières et ses contributeurs.

L’avocat du collège, Me Guez Guez, dénonce le refus en soulignant l’absence de reproches pédagogiques ou de risques pour l’ordre public, et juge l’argument financier invraisemblable après la décision du tribunal. « Aucun reproche n’est fait sur le plan pédagogique ni sur un risque d’atteinte à l’ordre public, et l’argument financier est invraisemblable après la décision du tribunal administratif », explique Me Guez Guez.

L’avocat du collège Avicenne considère que le refus de passage sous contrat en raison d’un manque de crédits est une « décision discriminatoire » et une « rupture d’égalité » par rapport aux autres réseaux d’enseignement privé, majoritairement catholiques. Il questionne comment l’État peut refuser un contrat avec un collège musulman comme Avicenne, qui respecte le programme de l’Éducation nationale et les valeurs de la République. Lors de l’audience du 12 août, le représentant du rectorat a déclaré que la justice ne pouvait imposer un « mariage forcé » entre deux parties.

Des freins institutionnels

Cette situation s’inscrit dans le contexte plus large du développement du réseau privé musulman, qui reste minoritaire et principalement hors contrat, avec seulement 1 300 élèves dans onze établissements sous contrat en 2022. Un rapport parlementaire d’avril 2024 a souligné la lenteur du passage sous contrat des établissements privés musulmans, provoquant une grande incompréhension, alors qu’un seul établissement a été contractualisé entre 2017 et 2024.

Le ministère de l’Éducation nationale affirme que toutes les demandes de passage sous contrat pour les établissements privés hors contrat sont soumises aux mêmes conditions, indépendamment de leur nature. Pour le collège Avicenne, la question est autant politique que juridique. Otmane Aissaoui, le président de l’association Avicenne, exprime son indignation, affirmant que malgré les accusations de séparatisme, c’est la République qui refuse de collaborer avec eux, bien qu’ils souhaitent travailler dans le cadre des obligations et contrôles imposés par l’État.

Le contrat d’association avec l’État oblige les établissements à accueillir tous les enfants sans discrimination et à suivre les règles et programmes de l’enseignement public, tout en impliquant des contrôles plus stricts. Malgré ces défis, la médiatisation de la bataille juridique autour du collège a entraîné une augmentation des effectifs, passant de 99 à 134 élèves pour la rentrée de septembre.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

NEWSLETTER

PUBLICATIONS

À PROPOS

Newsletter

© Mizane.info 2017 Tous droits réservés.

slot777