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Japon : la création de cimetières musulmans fait polémique

Japon : la création de cimetières musulmans fait polémique

La crémation est devenue la norme au Japon, avec un taux dépassant 99 % des décès en 2022. Un problème pour la communauté musulmane, pour qui l’enterrement est une obligation religieuse. La résistance locale à la création de cimetières musulmans, notamment dans la préfecture d’Ôita, met en lumière les défis du multiculturalisme au Japon.


Khan Muhammad Tahir Abbas , professeur à l’université Ritsumeikan Asia Pacific, est l’un des principaux défenseurs de la création de cimetières musulmans dans la région de Kyûshû. Arrivé du Pakistan en 2001 et naturalisé japonais, il s’est engagé activement en tant que président de l’ Association musulmane Beppu à favoriser la construction de ces cimetières musulmans, mal perçus au Japon. « Cet état de choses est inacceptable. Il faut y remédier le plus vite possible en trouvant un site local pour les inhumations », affirme-t-il avec détermination sur le site Nippon.com.

Face à l’absence de cimetières acceptant l’enterrement dans l’ouest du Japon , les musulmans de Kyûshû doivent faire transporter les dépouilles de leurs proches à Tokyo ou dans la région du Kantô, ce qui représente un coût élevé. En 2018 , l’association musulmane a acquis un terrain à Hiji , à proximité de Beppu, pour y établir un cimetière, mais le projet a rapidement suscité l’opposition des habitants.

Un projet contesté et un changement de cap politique

Alors que le site initial semblait idéal, loin des zones résidentielles , des préoccupations locales ont conduit la municipalité à bloquer le projet. Après des négociations, un accord avait été trouvé pour un autre site, appartenant à la ville.

Mais l’élection du nouveau maire Abe Tetsuya en août 2024 a remis en cause cet arrangement. Opposé au projet, il a refusé la vente du terrain municipal , bloquant ainsi toute avancée. Malgré la persévérance de l’Association musulmane Beppu, les perspectives de succès restent faibles .

La crémation : une norme culturelle japonaise

L’inhumation a longtemps existé au Japon, mais la crémation a progressivement pris le dessus, notamment pour des raisons pratiques et culturelles. Dans les années 1950 , elle concernait seulement la moitié des défunts . Aujourd’hui, elle est dépourvue de toute connotation religieuse pour la majorité des Japonais.

À l’inverse, pour les musulmans , l’inhumation est une obligation spirituelle. Contrairement à certaines branches du christianisme qui ont accepté la crémation, l’islam la considère comme interdite , au même titre que le judaïsme traditionnel.

Des réticences locales entre méconnaissance et opposition de principe

L’opposition à ces projets de cimetières repose sur plusieurs raisons. Certains habitants expriment des craintes liées à l’impact environnemental des enterrements sur la qualité des sols et des eaux . La méconnaissance des pratiques musulmanes alimente également des craintes infondées et un sentiment d’inconfort .

Le phénomène du « NIMBY » ( Not In My Backyard ) joue par ailleurs un rôle important. De nombreux Japonais ne s’opposent pas aux musulmans mais refusent un cimetière dans leur voisinage . « Je sais que l’existence d’un cimetière ouvert à l’inhumation est un besoin public. C’est juste que je n’en veux pas dans mon voisinage », confie un opposant.

Des cas similaires ont été observés ailleurs, notamment à Sakuragawa (préfecture d’Ibaraki), où un projet mené par un temple bouddhiste a été abandonné en mars 2024 suite à la pression des habitants.

Un enjeu national dans une société en mutation

Avec une population musulmane estimée à 350 000 personnes en 2024 , le Japon connaît une diversification religieuse croissante . Okai Hirofumi , spécialiste de la culture islamique, rappelle que ce débat s’inscrit dans une transformation plus large des pratiques funéraires au Japon.

Aujourd’hui, de nombreux Japonais se tournent vers des alternatives à la crémation traditionnelle, comme les forêts funéraires. L’inhumation musulmane s’inscrit dans ce mouvement d’adaptation des rites funéraires aux évolutions de la société.

Vers un dialogue nécessaire pour une cohabitation harmonieuse

À mesure que la démographie évolue et que l’immigration se stabilise, la question des rites funéraires des minorités religieuses deviendra un sujet de société plus large. Le défi pour le Japon sera donc de concilier le respect des traditions locales et l’accommodement des besoins des nouvelles communautés . L’enjeu dépasse la simple question des enterrements : il s’agit de définir quel modèle de multiculturalisme le Japon souhaite adopter à l’avenir.

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