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vendredi 29 mars 2024

Emmanuel Todd : le « féminisme du ressentiment » de la 3e vague

Emmanuel Todd au cours d’un entretien sur elucid.

Dans son dernier ouvrage, « Où en sont-elles ? Une esquisse de l’histoire des femmes » le démographe Emmanuel Todd avance des critiques de fond sur l’actuel vague de féminisme en France.

Depuis Me Too, le féminisme français, incarné jadis par d’antiques représentantes à l’image d’Elizabeth Badinter, a retrouvé du poil de la bête. Les discours sur le patriarcat et la domination systémique de l’homme sur la femme n’ont cessé de faire florès et se répandent sur les réseaux sociaux comme des petits pains chauds sortis du fourneau, quand vient l’heure du petit déjeuner. Comment y résister.

Et pourtant, le démographe Emmanuel Todd, dans son dernier ouvrage consacré au féminisme de la troisième vague « Où en sont-elles ? Une esquisse de l’histoire des femmes » dresse un autre constat, plus critique.

Pas de patriarcat dans le monde occidental !

« Aujourd’hui, les femmes font plus d’études que les hommes, même s’il reste une pellicule de domination masculine dans les grandes écoles et dans certaines formations scientifiques. Trois femmes viennent ainsi d’atteindre des postes élevés du CAC, une centralienne et deux polytechniciennes. Des femmes accèdent aussi aux responsabilités politiques », explique le chercheur dans les colonnes du Télégramme.

Emmanuel Todd est catégorique. Le patriarcat « n’a jamais existé dans le monde occidental ». « L’utilisation du terme patriarcat est donc exagérée et surtout, elle interdit de faire de l’anthropologie comparée, de décrire le monde tel qu’il est. Si, chez nous, c’est le patriarcat, que dit-on pour Kaboul ? Retenons plutôt le concept de prédominance masculine dans les activités collectives. Avec les statuts relativement élevés des femmes, nécessaires à la survie du groupe. »

Quand à l’homme dans la société française, son statut serait déclinant et non plus dominant.

« Ce qui reste de la dominance masculine, dans la société, tient moins à la volonté des hommes qu’à des contradictions internes à la situation des femmes, en accédant à ce qui était autrefois réservé aux hommes. »

Le féminisme, ressentiment de classe ?

Comment expliquer alors les ressorts de cette troisième vague féministe française et d’où vient-elle exactement ?

Il s’agit pour l’auteur de « Où en sont-elles ? Une esquisse de l’histoire des femmes » d’un phénomène essentiellement petit-bourgeois situé majoritairement à l’université, dans les secteurs culturels ou médiatiques.

« Ce qui me frappe, c’est qu’elle est explicitement tournée contre les hommes mais, bizarrement, à un moment où les hommes n’opposent pas de résistance à l’émancipation des femmes. Dans mon livre, je me réfère à l’étude d’un sociologue de l’INED (Institut national d’études démographiques) qui montre que les hommes acceptent d’avoir une femme plus éduquée. Au point que les hommes admettent mieux la supériorité féminine que les femmes l’infériorité masculine », ajoute le démographe français.

Quand à la justification de ce phénomène de la troisième vague féministe, Todd estime qu’il « trahit une tension intérieure, une insatisfaction de classe. On ne peut pas séparer ce féminisme du ressentiment de tous les autres qui traverse la société française. Des cascades de mépris descendant. Des cadres sup pour les ouvriers, les ouvriers d’origine française pour les immigrés. J’aurais tendance à l’interpréter comme de l’androphobie, un peu dans les mêmes termes que l’islamophobie. On est dans une société en recherche de boucs émissaires. »

Pour une réconciliation entre les sexes

Emmanuel Todd va jusqu’à parler d’une dynamique « privée de projet positif », contrairement aux deux premières vagues du féminisme et plaide pour une réconciliation entre les sexes.

« Quel sens donner à cette fixation régressive sur un pouvoir masculin, alors que l’on voit des femmes chefs d’États, qui décident de la guerre et de la paix ? Dans ce contexte économique, l’urgence ce n’est pas l’antagonisme entre les femmes et les hommes, c’est la réconciliation », poursuit-il.

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