Suite de la publication des Futuwah ou art de la chevalerie spirituelle en islam. Une tradition que la parole d’Abul Hasan Ibn al Baghl a bien résumé en ces termes : « Aie pour moi une pensée pour laquelle se lèveraient en signe de reconnaissance des mains pour l’éternité. »
La Futuwah est de se contenter de peu afin d’éviter tout asservissement.
Hasan al Musuhi a dit : – Un jour d’hiver, revêtu d’une vieille pièce d’étoffe, je tremblais de froid lorsque Bishr Ibn Harith qui passait par là s’approcha de moi et récita ces vers : « Traverser le défilé des jours et des nuits avec une vieille étoffe pour abri. Le sommeil enseveli sous le cortège des peines et des chagrins. Tout cela vaut bien mieux pour moi que de m’entendre dire demain avoir brigué des biens auprès d’êtres créés. Ils dirent : « Es-tu satisfait de ton état ? » Je répondis : « La richesse véritable est dans le contentement et non pas dans l’accumulation de biens ou de billets de monnaie. J’ai trouvé une satisfaction en Dieu, dans le bien-être comme dans la difficulté. Seul je me tournerais vers Celui par Lequel les chemins sont éclairés. »
La Futuwah consiste en la réalisation de certaines qualités telles celles qui furent énoncées par Sari al Saqati.
On rapporte de Abdus Ibn al Qasim qu’il a entendu Sari dire : – Que la paix de l’homme se trouve dans les cinq qualités suivantes : abandonner la fréquentation des déviants, ne pas s’en remettre aux hommes, ne trouver la saveur de ses actions que lorsque celles-ci leur sont voilées, ne pas les juger au point de ne plus savoir s’il en est parmi eux qui commettent encore des actions blâmables. Il faut aussi, dit-il, que l’homme puisse abolir en lui cinq choses qui sont : le fait de chercher à « paraître » devant les autres, l’esprit de polémique, le doute, les attitudes surfaites et la recherche des honneurs, et enfin se défaire de ces cinq autres : l’avarice, l’ambition, la colère, l’envie et l’avidité.
La Futuwah est recherche de l’authenticité des actions et des états intérieurs.
On rapporte que Dhul Nun al Misri – que Dieu l’ait en Sa miséricorde ! – a dit : – Celui qui « authentifie » (ses états et ses actions) trouve la paix, celui qui cherche à s’approcher se rapproche, celui qui reste pur est purifié, celui qui s’en remet à Dieu trouve la sécurité et celui qui se préoccupe de ce qui lui est inutile finit par perdre ce qui lui est utile.
La Futuwah est humilité, c’est-à-dire acceptation de la vérité et finesse de comportement.
On demanda à Fudayl ce qu’était l’humilité. Il répondit : – C’est se soumettre à la vérité, la suivre et l’accepter de la bouche de tous ceux dont on la reçoit. On l’interrogea sur la Futuwah, il répondit : – C’est l’usage de finesse de comportement envers tous ceux que Dieu a créés.
La Futuwah, c’est de préférer le confort et le repos des autres au sien et de les soulager des difficultés.
Abu Ja‘far al Haddad a dit : – Pendant plus de dix ans j’ai voulu pratiquer la voie de l’abandon total entre les mains de Dieu (Tawwakkul). Je travaillais au marché (suq) sans me permettre de dépenser de mon salaire l’équivalent d’une gorgée d’eau ou d’une entrée au bain public. Je prenais tout cet argent et le donnais, pour les soulager, aux pauvres de Shunizi et d’autres endroits. La nuit venue j’allais de porte en porte ramassant les miettes de pain avec lesquelles je rompais mon jeûne.
La Futuwah est faire preuve de patience dans ses relations avec les autres et se satisfaire de ce qui est strictement nécessaire.
J’ai entendu Yahya Ibn Mu‘adh dire : – La fréquentation des hommes est une épreuve et il est difficile de les supporter avec patience. Si cette fréquentation est nécessaire, sois donc le compagnon des gens qui sont pieux, lie-toi d’amitié avec eux, assimile leur façon d’être et d’agir afin d’être toi-même, dans l’au-delà, parmi les gens de bien.
La Futuwah est humilité et abandon de l’arrogance vis-à-vis de ses frères.
Abul Husayn al Maliki rapporte selon la remarque d’un homme de sagesse que la sanction de l’orgueilleux n’est autre que celle d’attirer sur lui le mépris des autres hommes, considérant en cela à quel point il est difficile à supporter.
La Futuwah est de mener à bonne fin toute œuvre que tu entames.
Sa‘id al Ma‘dani nous a rapporté le poème d’Abul Hasan Ibn al Baghl : « Tu as entrepris de faire un bien que ton devoir est maintenant d’achever car tu es celui qui pour tout don précieux n’omet jamais de donner. Aie pour moi une pensée pour laquelle se lèveraient en signe de reconnaissance des mains pour l’éternité. Tends vers moi des mains secourables plus précieuses que les joyaux d’un collier. »
La Futuwah est de n’avoir du mépris pour aucun être.
Abul Qasim Ja‘far Ibn Ahmad al Razi rapporte d’après son frère que Bunan al Hammal est allé un jour voir un homme efféminé et l’adjoindre de vivre correctement. Ce dernier lui dit : – Va-t’en et occupe-toi plutôt de ce qui est déjà en toi ! – Et qu’y a-t-il donc en moi ? Demanda Al Hammal. – Tu es sorti de chez toi, dit notre homme, avec l’idée que tu étais meilleur que moi. Que cette vanité te suffise !
La Futuwah consiste à reconnaître la véracité des paroles des hommes sincères lorsqu’ils rapportent des faits les concernant ou concernant leurs maîtres dans la voie et à ne point les dénigrer.
J’ai entendu Abu Qasim al Muqri dire : – Les premières bénédictions qui marquent l’entrée dans le soufisme consistent en la reconnaissance de la véracité des paroles que rapportent les hommes sincères sur eux mêmes et leurs maîtres dans la voie concernant les grâces et les faveurs dont Dieu les a pourvus.
La Futuwah consiste à accueillir la dureté des autres par la bienveillance et leurs reproches par des excuses.
On rapporte qu’Ibn Masruq a dit : – Un jour j’ai traité avec dureté Abul Qassim al Haddad – que Dieu l’ait en Sa miséricorde ! Celui-ci m’écrivit alors ce poème : « Tu te rappelleras de moi lorsque tu auras à faire à d’autres que moi et tu sauras alors que pour toi j’ai été un trésor Je t’ai offert ma sincérité avec amour Je fus comme tu voulais et je reçus cette blessure Je me suis fait humble lorsque tu t’es élevé car je suis de ceux qui s’abaissent devant l’ami qui se sent fier Tu finiras par être touché par les regrets Et tu sauras que ton attitude ne fut pas celle qui convenait. » Je revins alors vers lui et il me dit : – Je ne t’ai pas critiqué pour que tu viennes t’excuser mais parce que je voulais t’aider à aller vers un comportement loyal.
La Futuwah est de donner à l’amitié les droits qui lui reviennent et avoir envers elle le comportement de politesse qui lui convient.
Elle consiste à avoir la déférence envers celui qui est au-dessus de toi, vivre dans l’entente et l’harmonie avec tes pairs et être le compagnon aimant, compatissant et clément de ceux qui sont au-dessous de toi. C’est aussi être le compagnon de tes parents en leur étant soumis et obéissant, celui de tes enfants par la compassion et l’intérêt pour leur éducation, celui de ta femme par la finesse et les ménagements qui lui conviennent, celui de tes proches parents par un comportement de bienveillance et de générosité, celui de tes frères (en Dieu) par une amitié sincère en cherchant à les aimer toujours davantage, celui des voisins en leur évitant toute nuisance, celui du commun des hommes par une attitude fine et accueillante, celui des pauvres en respectant les droits sacrés et en reconnaissant leurs valeurs, celui des riches en affirmant ton indépendance vis-à-vis d’eux, celui des savants (en théologie) en acceptant les orientations qu’ils te donnent, celui des saints par ton humilité, ta soumission et le fait de ne jamais les dénigrer. Il faut aussi éviter dans tes moments libres le compagnonnage des prétentieux et des innovateurs et de ceux qui apparaissent sous les aspects des ascètes avec pour seul but d’avoir des disciples et de les exploiter