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De Sétif à Gaza, le colonialisme porte en lui le génocide

Le 8 mai dernier, tandis que le monde commémorait les 80 ans de la fin de la 2e Guerre mondiale, cette même date rappelait aussi le massacre de plus de 45 000 Algériens à Sétif par l’armée française. Dans un article, publié sur Chronique de Palestine, la journaliste algérienne Nabila Ramdani revient sur cette répression sanglante et établit un parallèle le génocide perpétré actuellement à Gaza.

Le 8 mai, a vu la célébration dans le monde entier, de la fin, il y a 80 ans, de la Seconde Guerre mondiale en Europe. De nombreuses nations ont commémoré alors le conflit le plus cataclysmique de l’histoire de l’humanité, avec son cortège d’horreurs qui a conduit à la défaite des nazis. En Algérie, l’accent sera certainement mis sur la chute du Troisième Reich.

Près de 30 000 Algériens ont été mobilisés dans l’armée française et quelque 7500 d’entre eux sont morts en combattant les forces d’Adolf Hitler. Parmi ceux qui se sont illustrés, les soldats du 7e régiment de tirailleurs algériens, originaires pour la plupart de la ville de Sétif.

Le retour au pays des héros du 7e RTA à temps pour le VE-Day (Victory in Europe Day), en 1945, n’a pas empêché cette période de devenir l’une des plus noires de l’histoire de l’Afrique du Nord. Après que tant d’Algériens eurent fait le sacrifice ultime de leur vie pour les Alliés dans les combats contre l’Allemagne, beaucoup d’autres ont été massacrés dans l’un des pires massacres de civils de tous les temps. 

La journaliste Nabila Ramdani

Hier à Sétif, aujourd’hui à Gaza : une barbarie coloniale

Les autorités françaises, qui géraient alors l’Algérie comme une colonie de peuplement, ont lancé des attaques féroces contre la population indigène qui ont tourné au massacre à Sétif, Guelma et Kherrata, afin de punir collectivement la population pour la dissidence. Le nombre exact de tués et de blessés a toujours été dissimulé, mais des évaluations étayées par des preuves le situent aujourd’hui aux alentours de 45 000.

De nombreuses victimes étaient des enfants et des bébés qui ont été broyés par les bombes avec leurs mères dans ce qui a été décrit comme un génocide. Les unités régulières de l’armée française, soutenues par des colons armés, ont transformé les trois villes de province du nord-est et la campagne environnante en bains de sang. De nombreux observateurs ont comparé ces atrocités aux meurtres et mutilations incessants de Palestiniens dans les territoires occupés de Gaza et de Cisjordanie.

Comme il y a 80 ans, il n’y a pas de limite à la sauvagerie des Israéliens qui bénéficient de surcroît d’un armement illimité fourni par des alliés complaisants, en particulier les États-Unis, pour mener à bien des actes barbares de punition collective. Ces actes ont eux aussi été qualifiés de génocide et ont suscité l’horreur dans le monde entier. 

Pendant ce temps, les propagandistes israéliens multiplient les allégations grotesques pour tenter de faire croire que leur barbarie sans fin contre les membres les plus vulnérables de la société, est une réaction appropriée à toute forme de résistance. 

La déshumanisation des Algériens

Les massacres algériens de 1945 ont commencé après que le rassemblement du 8 mai à Sétif, à l’occasion du Jour de la Victoire en Europe, se fut transformé en une protestation contre les colons européens connus sous le nom de « pieds-noirs ».  Ces colons avaient été exportés en Algérie à l’époque où celle-ci était la fierté de l’Empire français – non seulement une terre conquise transformée en comptoir commercial, mais aussi une extension à part entière de la France métropolitaine. 

L’un des principaux rôles des pieds-noirs et des militaires qui les soutenaient était de détruire l’ordre traditionnel de la société algérienne. Ainsi, les Arabes et les Berbères étaient considérés, au mieux, comme des serviteurs, tandis que leurs terres étaient volées et que tout espoir d’autodétermination nationale était anéanti. 

En 1945, les tensions étaient à leur comble. La Seconde Guerre mondiale avait intensifié le ressentiment à l’égard des occupants français qui, tout en s’accrochant paradoxalement à leurs colonies, étaient engagés dans la lutte mondiale pour la liberté contre des dictateurs tels qu’Hitler. Lorsque des Algériens ont pacifiquement déployé des bannières anticoloniales et brandi des drapeaux algériens à Sétif le jour de la Victoire en Europe, ils ont été la cible de tirs nourris de la part des gendarmes locaux.

Des émeutes s’ensuivirent, qui s’étendirent à d’autres régions du pays. En réponse, les Français déchaînèrent l’enfer dans une campagne de représailles massives. Ils mirent en place une stratégie de ratissage, c’est-à-dire qu’ils « ratissaient » les villages musulmans pour « rétablir l’ordre », selon le vocabulaire de la propagande. En plus des troupes terrestres effectuant des missions de recherche et de destruction, des dizaines de bombardiers ont largué des tonnes de bombes sur des centaines de villages. 

Mobilisation du 8 mai 1945 en Algérie

Prétendre avoir le droit de « se défendre » pour exterminer

Les crimes allaient des fusillades aveugles de civils à l’utilisation de chambres à gaz primitives pour éliminer des centaines d’entre eux en une seule fois. Les fosses communes permettaient aux Français de dissimuler rapidement les cadavres. La ressemblance avec la réponse d’Israël à l’offensive du Hamas à partir de Gaza le 7 octobre 2023 est flagrante.

Près de 1200 Israéliens ont été tués, y compris des civils non armés et des membres des services de sécurité. Certains ont été victimes de la « directive Hannibal », une procédure qui autorise l’armée israélienne à tuer les siens si cela permet d’éviter l’enlèvement de soldats. Le nombre de Palestiniens qui ont combattu ce jour-là s’élève à 1609. Depuis lors, plus de 50 000 Palestiniens ont été massacrés, beaucoup d’autres ont été mutilés ou sont portés disparus sous les décombres des villes qui ont été complètement détruites. 

Ces dernières semaines, Israël a multiplié les attaques directes et illégales contre des médecins, des travailleurs humanitaires, des journalistes et une foule d’autres innocents, ce qui a détruit, encore un peu plus, sa réputation internationale. Les dirigeants israéliens, y compris le premier ministre Benjamin Netanyahu lui-même, font l’objet de mandats d’arrêt criminels, et la prétention d’Israël de constituer une démocratie « civilisée » de type occidental soulève le dégoût. 

Les porte-parole israéliens qui apparaissent dans les médias pour tenter de blanchir le carnage utilisent entre-temps des expressions telles que « le droit de nous défendre », sans jamais admettre que les Palestiniens ont le droit légal et moral de faire exactement la même chose.

Les mensonges d’Israël

Comme en Algérie en 1945, certains tentent de façon éhontée de faire croire que la majorité des Palestiniens sont des combattants et que toutes les maisons, mosquées, hôpitaux, écoles et même les camps de tentes de la population sont des « centres de commandement et de contrôle » remplis d’armes. Aucune preuve n’est jamais apportée pour montrer comment les communautés les plus pauvres du Moyen-Orient auraient prétendument réussi à mettre en place cette infrastructure militaire de pointe, puis à l’entretenir. 

Les Israéliens n’expliquent pas non plus pourquoi des combattants palestiniens utiliseraient des civils palestiniens comme « boucliers humains » (un autre slogan mensonger) pour dissuader les Israéliens de les attaquer, sachant que la barbarie de ces derniers n’a pas de limites et qu’ils n’ont manifestement aucun scrupule à tuer des civils, y compris des milliers d’enfants en bas âge. 

La machine israélienne de relations publiques ne cesse de répandre des mensonges, comme en mars dernier, lorsqu’elle a menti sur l’assassinat de sang-froid de 15 auxiliaires médicaux à Gaza. Les militaires israéliens ont jeté les corps dans une fosse commune, avant que leur sauvagerie ne soit révélée par les images d’un téléphone portable qui avait appartenu à l’un des ambulanciers décédés. 

Après les massacres de Sétif, Guelma et Kherrata, Charles de Gaulle, chef de l’État français en temps de guerre, a également demandé à son ministre de l’intérieur, Adrien Tixier, d’ « enterrer toute l’affaire », et il a fallu des années pour que la vérité éclate. C’était, bien sûr, bien avant que les films vidéo instantanés et d’autres avancées technologiques ne permettent de suivre et d’enregistrer les crimes contre l’humanité en temps réel, comme c’est le cas aujourd’hui à Gaza. 

Une sauvagerie qui renforce la détermination

Malgré cela, la sauvagerie de 1945 a finalement renforcé la détermination des Algériens opprimés. Le mouvement de résistance est devenu plus fort et plus efficace, et a remporté la victoire finale en 1962, lorsque les Français ont perdu « le joyau le plus précieux » de leur empire. 

Alors que les Israéliens poursuivent leur politique génocidaire en Palestine occupée, tout en continuant à s’emparer illégalement de terres, il serait sage de leur part de profiter du jour de la Victoire en Europe pour réfléchir à l’histoire de la France et à la manière dont un oppresseur apparemment indestructible et impitoyable a finalement été vaincu. 

Nabila Ramdani 

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