A l’occasion de la sortie du dernier ouvrage passionnant de Faouzia Zebdi-Ghorab Abel et Caïn : le premier sang versé, lisez et découvrez cette introduction expliquant le projet de ce livre. Une enquête iconoclaste sur les enjeux fondateurs inauguré par ce meurtre fondateur.
Le premier sang versé…Une actualité brûlante ?
À l’heure où l’on nous bombarde « d’urgences » aussi vides que les slogans qui les emballent, il faut avoir l’audace — ou la bêtise, diront certains — de s’arrêter sur le récit d’Abel et Caïn, que beaucoup rangeraient hâtivement dans les limbes de l’histoire ancienne. À tort. Le récit du premier sang versé n’a rien d’un conte, c’est une déchirure fondatrice. Il faut le relire, non pour son folklore ni pour une exégèse poussiéreuse, mais pour son tranchant moral, et sa nudité brutale.
Le livre, Abel et Caïn : le premier sang versé, ne se contente pas de raconter, il sonde, et dissèque. Il révèle que le premier crime n’était pas seulement un fratricide , c’était une apocalypse. Celle d’un monde où la haine naît de la proximité, où l’on ne tue pas l’ennemi, mais le semblable. Une violence intestine, qui ne vient pas de l’extérieur, mais du cœur même de l’homme. Une jalousie qui ne cherche ni raison ni justice, mais qui s’acharne contre l’éclat insupportable de celui qui ne triche pas.

Il y a plusieurs façons de parler du monde. On peut en commenter les faits. Ou bien l’on peut creuser sous les ruines du temps pour exhumer ces récits-matrice qui disent tout, parce qu’ils disent l’homme nu, sans fard, et sans excuse.
Le premier sang versé n’était pas qu’un fratricide. Il était une révélation
Dans l’histoire de Caïn et Abel, il n’est pas question de paix facile ni de morale tiède. Il y est question de vérité et du prix du sang qu’elle exige. Abel, figure du juste, ne meurt pas par faiblesse, il meurt à cause de sa justesse. Il est tué parce qu’il EST, parce qu’il incarne ce que l’autre, par orgueil et vanité, refuse de devenir. Voilà pourquoi ce récit n’a rien de dépassé, les Caïns sont partout, dans les familles, les entreprises, et les États. Et les Abels aussi, porteurs malgré eux d’un sacrifice qui les dépasse.
Ce livre ne flatte ni les croyances molles ni les esprits pressés. Il interroge, il accuse, il remet à l’endroit. Il rappelle que les conflits les plus sanglants ne viennent pas de l’étranger, mais du familier, du frère trop semblable, dont la seule existence est une offense.
Sens du récit de Caïn et Abel aujourd’hui
Ce livre ne parle ni d’un mythe ancien, ni d’une morale abstraite. Il parle de nous. Publier Abel et Caïn : le premier sang versé, aujourd’hui, c’est rappeler que les racines de notre barbarie ne sont pas politiques, mais éthiques, et qu’aucune technologie, ni aucun traité n’a jamais désarmé la main de Caïn.

Ce livre ne parle ni d’un mythe ancien ni d’une morale abstraite. Il parle de nous. De ce que nous perpétuons sous d’autres noms, avec des justifications plus sophistiquées, mais avec le même fond nauséabond de jalousie, de peur, et de rejet de la vérité. Et tant que cette vérité ne sera pas affrontée, Caïn continuera de tuer avec des gants blancs, des discours humanisants et des lois votées à l’unanimité.
Lire Abel et Caïn : le premier sang versé, aujourd’hui, ce n’est pas se tourner vers le passé. C’est regarder enfin ce que notre époque se refuse à nommer ; ce moment tragique et fondamental où l’homme préfère détruire ce qu’il n’arrive pas à être. Ce moment où il choisit de se damner plutôt que de froisser un seul pli de la cape de mensonges qu’il s’est lui-même tissée.
Faouzia Zebdi-Ghorab
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