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‘Umar Ibn Al-Khattab, l’équitable (2/2)

Sur Mizane.info, deuxième partie de notre portrait consacré à l’histoire de ‘Umar Ibn Al-Khattab. Retrouvez la première partie sur ce lien.

Umar Ier, l’émir des croyants

Reconnu comme l’un des califes rashîdun, « bien-guidés », ‘Umar posa les bases de ce qui allait devenir l’Empire islamique, tout en laissant une empreinte durable sur l’organisation et la codification de la religion musulmane. Aux débuts de son califat, ‘Umar réglait lui-même l’ensemble des litiges, assumant la fonction de juge suprême de l’État musulman, à l’image d’Abu Bakr et du Prophète ﷺ avant lui.

Toutefois, avec l’expansion rapide de l’État et la diversité ethnique, sociale et culturelle des populations nouvellement intégrées, il se vit contraint de déléguer cette mission afin de répondre plus efficacement aux besoins locaux et d’appliquer la loi divine en tenant compte des spécificités régionales. L’expansion territoriale de l’État médinois sous ‘Umar s’opéra d’abord au détriment de deux grandes puissances de l’époque : l’Empire byzantin d’un côté, et l’Empire perse sassanide de l’autre.

Dès son accession au pouvoir, ‘Umar nomma Abu ‘Ubayda à la tête des armées déjà engagées sur les fronts et lui ordonna de marcher vers Damas, qui fut assiégée plusieurs mois avant de capituler. L’avancée vers la Syrie-Palestine (Cham) débuta la même année (634). En 636, la bataille de Yarmûk constitua une défaite décisive pour l’Empire byzantin ; la région syro-palestinienne passa alors sous l’autorité médinoise. De son côté, l’Empire sassanide fut vaincu à deux reprises : en 637 à Qâdisiyya (dans l’actuel Irak) puis en 640 à Nahâwand.

Cette dernière défaite provoqua l’effondrement définitif de l’État perse, qui disparut totalement avec la mort de son souverain en 651. Enfin, la conquête de l’Égypte fut engagée au début des années 640. Sa capitale, Alexandrie, tomba en 642. L’ensemble de ces territoires conquis sous le règne de ‘Umar constituera le noyau central de l’Empire islamique. Cette succession de victoires s’explique autant par la ferveur des musulmans, convaincus de l’aide divine, que par les réformes mises en œuvre par ‘Umar, notamment la réorganisation de l’armée.

Extension et administration de l’empire de l’Islam

Après consultation des compagnons, certains suggérèrent au calife d’instaurer des diwans (littéralement « registres »), à l’image des systèmes utilisés par les Perses et les Romains d’Orient. ‘Umar accueillit favorablement cette proposition et mit en place deux types de registres : le diwan des dons (débit) et le diwan des impôts (crédit). Chaque émir administrait les registres de sa région et se chargeait de verser les pensions à ceux qui y avaient droit, à partir des ressources locales.

Au-delà d’une répartition juste et équitable des richesses entre ceux qui œuvraient pour l’État de l’Islam, ce système visait également à permettre aux soldats de se consacrer pleinement aux campagnes militaires sans se soucier de leurs moyens de subsistance. Il s’agissait à la fois d’une récompense pour leurs efforts et d’une garantie de conditions de vie dignes, proportionnelles aux sacrifices consentis.

‘Umar posa aussi les fondations de l’un des systèmes les plus emblématiques de l’Empire islamique, maintenu jusqu’à la chute de l’Empire ottoman en 1918 : la dhimma. Directement inspirée du Coran mais institutionnalisée sous son califat, elle régissait le statut des non-musulmans. Ce régime de protection accordé aux « gens du Livre », chrétiens et juifs, garantissait leur sécurité ainsi que leur autonomie religieuse et juridique en échange d’un impôt spécifique, la jizya, acquitté par chaque dhimmi (« protégé »).

Les diwans instaurons une forme de méritocratie jusque-là inexistante. Il s’agissait d’une véritable transformation des usages sociaux, qui facilita l’acceptation de l’Islam dans les territoires nouvellement conquis. Le diwan des impôts recensait l’ensemble des ressources fiscales, parmi lesquelles : la Zakat, aumône légale instituée par l’Islam ; la sadaqa, don ou aumône volontaire ; le kharâj, taxe sur la production des terres agricoles ; et la jizya, impôt acquitté par les dhimmis en contrepartie de la protection, de la liberté de culte et de l’équité sociale.

Des juges et des gouverneurs sous surveillance

C’est également sous le califat d’Umar, que l’année de l’Hégire (622) fut choisit comme point de départ du nouveau calendrier islamique, marquant l’entrée dans une ère nouvelle. Conscient que les conflits pouvaient opposer le pouvoir à la population, ‘Umar décida de dissocier l’autorité politique de la justice en nommant un juge dans chaque région. Il leur délégua le pouvoir de trancher les affaires judiciaires sur la base de la loi coranique et de la Sunnah du Prophète ﷺ.

« Ô gens, je vous jure que je ne vous ai pas envoyé mes émirs pour vous frapper ni pour vous dépouiller de vos biens, mais je vous les ai envoyés pour vous enseigner votre religion et la Sunnah de votre prophète. Si l’un d’entre vous subit autre chose que cela, qu’il me le rapporte. Par Celui qui détient la vie de ‘Umar entre Ses mains, je lui rendrai justice. »

Par crainte profonde d’Allah, ‘Umar faisait preuve d’une extrême vigilance. Il adressa à chacun de ses juges et gouverneurs une charte juridique détaillée, leur rappelant l’importance de leur mission ainsi que les règles à respecter afin d’accomplir convenablement cette lourde responsabilité.

Au départ, ‘Umar n’autorisait pas les prisonniers non musulmans à pénétrer dans Médine, jusqu’au jour où Al-Mughâra Ibn Chu‘ba lui demanda une exception pour l’un de ses captifs. Il expliqua que cet homme était un artisan menuisier très habile et qu’il pourrait être utile aux habitants grâce à son savoir-faire. Il s’agissait d’un jeune zoroastrien (adorateur du feu) nommé Abu Lu’lu’. Celui-ci obtint alors l’autorisation de travailler à Médine, en échange d’une taxe.

La mort d’Umar Al-Faruq

Abu Lu’lu’ supportait mal cette taxe, qu’il jugeait excessive. Il se rendit donc auprès de ‘Umar pour se plaindre. Ce dernier lui répondit que ce qu’il payait restait faible comparé à ce qu’il gagnait. Cette réponse irrita profondément Abu Lu’lu’ et nourrit davantage sa rancœur. Quelques jours plus tard, le menuisier fabriqua un poignard à double lame qu’il empoisonna, puis se posta dans un coin de la mosquée. Comme à son habitude, ‘Umar s’avança pour diriger la prière de l’aube.

Au moment où il passa près du jeune zoroastrien, celui-ci se jeta sur lui et le frappa de trois coups : à l’épaule, à la hanche et au ventre, jusqu’à lui perforer les entrailles. Cette dernière blessure fut mortelle. Pendant que ‘Umar était transporté chez lui, ‘Abdarrahmân Ibn ‘Awf prit en charge la direction de la prière. Entre les pleurs, les cris et l’angoisse générale, ‘Umar demeurait préoccupé par le sort de la communauté musulmane et chercha à tout prix à prévenir toute discorde (fitna) liée à sa succession.

Ainsi, avant de succomber à ses blessures, ‘Umar eut la lucidité d’indiquer la manière dont devait être organisée sa succession. Il désigna un conseil composé de six compagnons aptes à lui succéder : ‘Ali Ibn Abi Talib, ‘Uthman Ibn ‘Affan, ‘Abderrahman Ibn ‘Awf, Sa‘d Ibn Abi Waqqas, Zubayr Ibn Al-‘Awwam et Talha Ibn ‘Ubaydillah. Il leur ordonna de ne pas dépasser trois jours de concertation pour désigner le nouveau calife. Le comité choisit finalement ‘Uthman, bien que ce dernier ait lui-même voté pour ‘Ali Ibn Abi Talib. ‘Uthman devint ainsi le troisième calife de l’Islam, le jeudi 4 du mois de Muharram de la 23ᵉ année de l’Hégire.

« Aujourd’hui je préfère ‘Umar à moi-même »

Avant de retourner vers son Créateur, ‘Umar exprima le souhait d’être enterré aux côtés du Prophète ﷺ, son compagnon intime. Or, celui-ci reposait dans la chambre de ‘Âicha. Selon le récit de ‘Amr Ibn Maymoun, qui rapporte cette scène : […] ‘Umar dit alors à ‘Abd-Allah, son fils : « Va voir ‘Aicha (la mère des croyants) et dis : “ ‘Umar te salue. Mais ne dis pas ‘le chef des croyants’, car aujourd’hui je ne suis plus le chef des croyants. Et dis : ‘Umar Ibn Al-Khattab demande la permission d’être enterré avec ses deux amis (le Prophète et Abu Bakr).” »

‘Abd-Allah Ibn ‘Umar exécuta la demande de son père. Il salua ‘Aicha, sollicita l’autorisation d’entrer, puis la trouva assise en larmes. Il lui dit alors : « ‘Umar Ibn Al-Khattab vous rend hommage et demande la permission d’être enterré avec ses deux amis », ce à quoi elle répondit : « J’avais pensé garder cet endroit pour moi, mais aujourd’hui je préfère ‘Umar à moi-même ».

‘Abd Allah Ibn ‘Abbas rapporta au sujet de la mort du deuxième calife de l’Islam : « Quand (le corps de) ‘Umar fut placé sur son lit de mort, les gens se rassemblèrent autour de lui et invoquèrent pour lui avant qu’il ne soit emporté, et j’étais parmi eux. Soudain, je sentis quelqu’un poser sa main sur mon épaule : c’était ‘Ali Ibn Abi Talib. ‘Ali invoqua la miséricorde d’Allah pour ‘Umar et déclara : “Ô ‘Umar ! Tu n’as laissé derrière toi personne dont j’aimerai rencontrer Allah avec ses œuvres plus que les tiennes. Par Allah ! J’espère que tu seras avec tes deux compagnons, car j’entendais souvent le Prophète ﷺ dire : ‘Moi, Abu Bakr et ‘Umar sommes allés (quelque part), moi, Abu Bakr et ‘Umar sommes entrés (quelque part), et moi, Abu Bakr et ‘Umar sommes sortis (quelque part) » ».

« S’il devait y avoir un Prophète après moi, ce serait ‘Umar Ibn Al-Khattab »

De nombreux hadiths authentiques témoignent de l’estime exceptionnelle et de l’affection profonde que portait le Messager de l’Islam ﷺ envers ‘Umar Ibn Al-Khattab. Dans l’un de ces récits, le compagnon `Amr Ibn Al-’As rapporte : « Le Prophète ﷺ m’a confié le commandement de l’armée de Dhat-as-Salasil. Je me rendis alors auprès de lui et lui demandai : « Quelle est la personne que tu aimes le plus ? » Il répondit : « ‘Aïcha ». Je demandai ensuite : « Et parmi les hommes ? » Il répondit : « Son père ». Je repris : « Et après lui ? » Il répondit : « ‘Umar Ibn Al-Khattab ».

Dans un autre hadith rapporté par ‘Uqbah Ibn ‘Amir, le Messager d’Allah ﷺ a déclaré : « S’il devait y avoir un Prophète après moi, ce serait ‘Umar Ibn Al-Khattab ». ‘Abd Allah Ibn ‘Umar rapporte également cette célèbre tradition dans lequel le Messager d’Allah indique : « J’ai vu [dans un songe] qu’on m’apportait une coupe de lait, j’en ai bu, puis j’ai donné ce qu’il en restait à ‘Umar Ibn Al-Khattab. » Ils demandèrent : « Comment l’as-tu interprété, ô Messager d’Allah ? » Il répondit : « (C’est) la Connaissance ».

Les avis et propositions d‘Umar Al-Fârûq furent parfois confirmés directement par la Révélation coranique. Selon un récit rapporté par Anas ibn Malik, ‘Umar lui-même déclara : « J’ai été en accord avec mon Seigneur en trois occasions : un jour, j’ai dit : Ô Envoyé d’Allah, si nous faisions de la station d’Ibrahim un lieu de prière. Puis le verset fut révélé : { et prenez pour lieu de prière la station d’Ibrahim } [S.2 – V.125].

Il en alla de même concernant le verset du voile. J’avais dit : « Ô Messager d’Allah, si tu ordonnais à tes épouses de se couvrir le visage, car les pieux comme les pervers peuvent leur adresser la parole ». Alors fut révélé le verset du voile [S.33 – V.18]. Enfin, lorsque les épouses du Prophète devinrent jalouses entre elles, je leur dis : il se peut que, si le Prophète vous répudiait, son Seigneur lui accorderait des épouses meilleures que vous. Et un verset [S.66, V.5] à ce sujet fut révélé ».

Ibrahim Madras

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