Figure illustre de l’histoire musulmane, ‘Umar Ibn Al-Khattab se convertit tôt à l’islam après s’y être initialement opposé durant quelques années. Reconnu comme l’un des califes « bien guidés », ‘Umar al-Fârûq, « l’équitable », posa les fondations de ce qui allait devenir l’Empire islamique. « S’il devait y avoir un Prophète après moi, ce serait ‘Umar Ibn al-Khattab », dira de lui le Prophète ﷺ. Portrait.
Son nom est complet est Abu Hafs ‘Umar Ibn al-Khattab Ibn Nufayl. Issu du clan qurayshite des Banu ‘Adi, il naquit en l’an 13 après l’année de l’Éléphant à La Mecque. Son père était Khattab Ibn Nufayl, il occupait le rôle de juge et médiateur de Quraych. Sa mère était Hantama Bint Hashim Bint Mughayra. ‘Umar eut neuf fils et quatre filles, dont : ‘Abd Allah, ‘Âsim, ‘Ubayd Allah, ‘Abdarrahmân, Zayd et Hafsa.
Il fut également un parent du Prophète ﷺ après que ce dernier ait épousé Hafsa Bint ‘Umar en l’an 3 de l’hégire ; après que son premier époux soit décédé pendant la bataille de Uhud. Formé par son père (juge), ‘Umar apprit très tôt à lire et à écrire (très peu commun à l’époque) et fut baigné dans le respect de la justice et de l’équité.
À l’époque anté-islamique, ‘Umar Ibn al-Khattab fut un berger. Il se convertit précocement à l’islam après l’avoir combattu durant quelques années : en 616 ou 617, c’est-à-dire au moins cinq ans avant l’Hégire. En raison du rôle d’arbitre qu’il exerçait lors des conflits opposant les différentes tribus mecquoises, Muhammad ﷺ lui donne le surnom de « al-Faruq », qu’on peut traduire par « le sagace », ou encore « l’équitable ». Deuxième successeur du Prophète ﷺ, ‘Umar fut surtout l’un des quatre califes rashîdun, « bien-guidés ».

« Et si la vérité n’était pas dans ta religion ? »
Pour maintenir la cohésion des tribus mecquoises et éliminer tout ce qui la menace, ‘Umar demeura, durant les débuts de la révélation coranique, un fervent opposant à l’Islam. Selon sa conception, l’Islam représentait un danger pour toute la communauté, « il divisait les enfants de leurs parents, les maris et leurs épouses, et il mettait les esclaves au même niveau que les maîtres », tout cela est synonyme de chaos sociale pour lui, il était donc décidé à mettre un terme à cette expansion religieuse.
Partant de ce postulat, ‘Umar poursuivait les nouveaux musulmans et les terrorisaient afin qu’ils quittent l’Islam. En voyant que cela ne fonctionne pas, il décida d’en finir en allant, épée à la main, directement confronter le Prophète ﷺ. Selon une tradition qui relate cet évènement, sur le chemin, ‘Umar rencontra un homme des Banu Zohra qui lui demanda : « Où vas-tu comme ça (avec l’épée) ‘Umar ? ». Il répondit: « Je vais tuer Muhammad ». L’homme surpris lui dit : « Comment vas tu t’échapper de Banou Hâchim et Banou Zohra si tu le tue ? » ’Umar lui répondit sèchement : « Ne me dit pas que tu t’es converti et délaissé la religion de tes ancêtres ? ».
L’homme rétorquât : « Tu veux être étonné ? Ta sœur et son époux ont abandonné ta religion ». ’Umar (en état de colère) le quitta en direction de la maison de sa sœur (Fâtima) et son époux (Sa’id Ibn Zayd). Ils étaient en compagnie d’un compagnon appelé Khabbâb Ibn Al-Arath. Ce dernier se cacha à l’approche de ‘Umar qui entra dans la demeure et leur demanda: « Qu’est-ce que ce marmonage que j’ai entendu ? ». Ils répondirent : « Nous étions juste en train de discuter entre nous ». « N’avez-vous pas renié votre religion ? », poursuivi ‘Umar.

Son beau-frère lui dit alors : « Et si la vérité n’était pas dans ta religion ? ». ’Umar s’empressa de le mettre à terre et lui marcher dessus, quand sa sœur vint le bousculer pour protéger son époux. ‘Umar la frappa au visage au point de la faire saigner abondement. Fâtima se mit en colère et lui dit : « Et si la vérité est dans une autre religion que la tienne. Je témoigne qu’il n’y de divinité sauf Allah et que Muhammad est son messager ». ’Umar interloqué et regrettant sa réaction, lui demanda alors : « Donnez-moi le feuillet que vous aviez pour que je le lise ». Fâtima rétorqua : « Tu es impur, et il ne peut être touché que pas les êtres purifiés, vas te purifier d’abord »
Umar se leva, fit ses ablutions, puis prit le feuillet et lu la sourate Ta Ha, de {Tâ-hâ} jusqu’à { Certes, c’est Moi Allah: point de divinité que Moi. Adore-Moi donc et accomplis la Ṣalāt pour te souvenir de Moi.}. Touché par la parole divine, il déclara : « Guidez moi vers Muhammad ». En entendant cela, Khabbâb sorti de sa cachette et annonça la bonne nouvelle à ‘Umar : « Soit heureux ‘Umar, j’espère que l’invocation faite par le prophète ﷺ sera exhaussée. Il a dit : O Allah, honore l’Islam avec ‘Umar Ibn Al-Khattâb ou ‘Amr Ibn Hicham (Abu Jahl) ».
’Umar se dirigea donc vers la maison d’Al-Arqam où le prophète ﷺ était réuni avec ses compagnons. Devant la porte, quelques compagnons prirent peur à la vue d’Umar avec son épée. Serein, Hamza Ibn ‘Abd Al-Muttalib déclara : « Voici ‘Umar ! Si Allah lui veut du bien, il embrassera l’Islam, mais s’il cherche autre chose, sa mort ne sera que facilitée ». Au même moment, Muhammad ﷺ était à l’intérieur, recevant une révélation.
Puis le Prophète s’avança vers ‘Umar, en redressant son habit et en tenant le fourreau de son épée. Il lui asséna ces paroles : « Tu n’arrêteras donc pas ‘Umar jusqu’à qu’Allah ne te maudisse et ne te punisse comme il l’a fait avec Al-Walîd Ibn Al-Mughîra ? ». ‘Umar déclara alors : « J’atteste qu’il n’y a de divinité sauf Allah, et que tu es son serviteur et son messager ».

L’éclosion publique de l’Islam après la conversion d’Umar
L’ensemble des théologiens et érudits de l’Islam, à travers les âges, s’accordent à dire qu’il y eut un avant et un après la conversion de ‘Umar. Il fut le premier à proclamer publiquement son changement de foi sans craindre qui que ce soit. Avec la conversion de Hamza, quelques jours auparavant, la conversion d‘Umar a permis l’éclosion de l’Islam au grand jour. ‘Abd Allah Ibn Mas’ud dira à ce sujet : « Nous sommes devenu puissants depuis que `Umar a embrassé l’islam ».
Après le serment d’allégeance des Médinois, le Prophète ﷺ ordonna à ses compagnons de rejoindre leurs nouveaux alliés à Yathrib. ‘Umar fut le dernier à partir, juste avant le Prophète. Toutefois, lui — l’homme fort et redouté des Quraychites — ne se contenta pas d’un départ discret vers Médine : il partit ouvertement et emmena avec lui 20 personnes de sa famille et de ses proches. Peu de temps après, il fut rejoint par notre bien-aimé Prophète ainsi que par son compagnon Abû Bakr.
Il n’y eut aucune bataille à laquelle ‘Umar ne prit part aux côtés du Prophète ﷺ. Que ce soit à Badr, à Uhud, à Al-Khandaq, à Hunayn, à Khaybar…, il fut toujours présent et s’y distingua par son courage. La sincérité de ‘Umar et son amour profond pour l’islam l’amenèrent parfois à exprimer un désaccord avec le Messager sur des questions dont il ne saisissait pas encore la portée et la sagesse. Il manifesta ainsi son opposition lors de la signature du traité d’Al-Hudaybiya, qui paraissait, de prime abord, avantageux pour les ennemis qurayshites.
Face à l’inquiétude de certains compagnons, parmi lesquels ‘Umar, le Prophète ﷺ rassura : « Je suis le serviteur de Dieu et Son Envoyé, et je ne manquerai jamais à ce que Dieu m’a ordonné ! Je sais qu’Il ne m’abandonnera pas ! ». Après avoir constaté les bienfaits issus de cet accord, ‘Umar regretta sa précipitation et déclara : « Depuis ce jour, je n’ai cessé de prier, de jeûner et d’affranchir des esclaves afin d’expier mon audace de m’être opposé, car aujourd’hui encore, je crains les conséquences de ce que j’ai dit ce jour-là ! ».

Face à la mort du Prophète ﷺ
‘Umar participa également à la bataille des Chaînes (Dhat as-Salâsil) sous le commandement de ‘Amr Ibn Al-‘Âs, à l’expédition d’Abû ‘Ubayda Ibn Al-Jarrah, aussi appelée l’Expédition de la Famine. Il fut notamment le chef de la garde du Prophète ﷺ le jour de la conquête (Fath) de La Mecque. Ce jour-là, le Prophète lui ordonna d’entrer dans la Ka‘ba et d’en effacer toutes les images. Il participa enfin à la bataille de Tabuk, au cours de laquelle le Prophète ﷺ l’envoya avec l’armée d’Usâma Ibn Zayd.
‘Umar Ibn Al-Khattâb jouissait d’une grande considération auprès du Prophète ﷺ ; il était son conseiller et l’un de ceux en qui il avait une confiance absolue. Ainsi, il le chargea de collecter la zakat et de veiller à la protection des biens des musulmans. Il fit également partie des compagnons ayant contribué à la compilation du Coran et participa à la construction de la mosquée de Qubâ, la première mosquée édifiée à Médine.
Plus tard lorsque survint la mort du Prophète ﷺ, ‘Umar resta stupéfait et refusa d’y croire. Il entra dans une grande colère et menaça de son épée tous ceux qui pleuraient et affirmaient que le Prophète était décédé. ‘Umar continua de menacer la foule jusqu’à la venue d’Abu Bakr qui annonça publiquement la mort du Messager de Dieu ﷺ. À l’écoute de cette annonce, ‘Umar se calma et admit qu’il ne verrait plus jamais celui qu’il aimait tant.

Après ce moment douloureux vint le temps de désigner son successeur. Les Ansâr (partisans médinois) proposèrent qu’il y ait deux chefs, l’un issu d’eux et l’autre des Muhâjirîn (les Mecquois), ce qu’Abu Bakr refusa. Il proposa alors de prêter allégeance à ‘Umar ou à Abu ‘Ubayda. Toutefois, ces deux derniers refusèrent, affirmant qu’Abu Bakr était le plus légitime. Ils rappelèrent qu’il avait accompagné le Prophète ﷺ dans la grotte et qu’il avait été désigné pour diriger la prière en son absence.
‘Umar prit alors la main d’Abu Bakr et lui prêta serment d’allégeance. Il fut suivi par l’ensemble des personnes présentes. Malgré quelques tensions discrètes avec la famille du Prophète ﷺ et certains compagnons, non consultés lors de cette nomination collective imprévue, un consensus relatif se forma et Abu Bakr fut reconnu comme calife.
Sous le califat d’Abu Bakr
Durant le califat d’Abu Bakr, plusieurs tribus arabes apostasièrent et certaines refusèrent de s’acquitter de la zakat, déclenchant ainsi les guerres dites « d’apostasie ». Parmi ces affrontements, la bataille d’Al-Yamama fut la plus sanglante : 70 compagnons, appelés « les lecteurs » — ceux qui connaissaient le Coran par cœur — y trouvèrent la mort.‘Umar Ibn Al-Khattab, alors vizir d’Abu Bakr, lui conseilla d’agir rapidement et d’ordonner la mise par écrit du Coran avant que les lecteurs ne disparaissent tous dans les combats et que l’humanité ne perde ce miracle divin.
Abu Bakr n’était d’abord pas favorable à cette idée, mais ‘Umar réussit à le convaincre. Il chargea alors Zayd Ibn Thâbit, l’un des scribes du Prophète ﷺ, de rassembler tout ce qui avait été mémorisé et écrit du Coran en un seul recueil. Ainsi, ‘Umar joua un rôle majeur dans la compilation du Saint Coran. A la fin de la treizième année après l’Hégire, Abu Bakr tomba gravement malade. Sentant que sa fin était proche, il réunit les éminents compagnons du Prophète ﷺ et leur demanda de choisir un successeur afin d’éviter toute divergence après sa mort.

Chacun des compagnons repoussa cette lourde responsabilité et demanda à Abu Bakr de désigner lui-même son successeur. Après réflexion, Abu Bakr, convaincu que ‘Umar était le meilleur choix, consulta les compagnons un à un à son sujet, et tous approuvèrent cette décision. Il convoqua ensuite ‘Uthman Ibn ‘Affan et lui dicta l’acte d’allégeance en faveur de ‘Umar. À l’issue de cette déclaration, l’ensemble des compagnons présents prêtèrent allégeance à ‘Umar en présence d’Abu Bakr.
Désigné comme héritier, ‘Umar devint, en 634, le second calife des musulmans. À la mort d’Abu Bakr, le territoire musulman englobait l’ensemble de la péninsule Arabique ainsi qu’une partie limitée de la Syrie (Châm) et de l’Irak. Le califat de ‘Umar Ibn Al-Khattâb connut l’expansion islamique territoriale la plus rapide et la plus remarquable. Il se distinguait par un sens stratégique aigu et une vision militaire exceptionnelle.
A suivre…
Ibrahim Madras
