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Talha Ibn ‘Ubayd Allah, le martyr « vivant »

Convertis à l’Islam, par l’intermédiaire d’Abu Bakr, Talha ibn ‘Ubayd Allah fut l’un des compagnons les plus illustres parmi les émigrants mecquois (muhajirun). Renommé pour sa générosité et distingué durant la bataille d’Uhud, le Prophète dira de lui : « Celui qui est heureux de voir un homme toujours vivant alors qu’il est arrivé au terme de sa vie, qu’il regarde Talha Ibn ‘Ubayd Allah ». Portrait.

Son nom complet était Abu Muhammad Talha ibn ‘Ubayd Allah Ibn ‘Uthman. Il partage un ancêtre avec le prophète Muhammad ﷺ, à savoir Murra Ibn Ka’b, son ascendant à la septième génération. Talha faisait partie de la tribu arabe des Banou Taym. Son père, ‘Ubayd Allah, ne vécut pas jusqu’à l’avènement de l’islam mais sa mère, Sa’ba Bint ‘Abd Allah, vécut davantage et comptait parmi ceux qui acceptèrent le message coranique.

Talha épousa Hammana Bint Jahsh, la sœur de Zaynab Bint Jahsh et ils eurent un fils appelé Muhammad. Il se maria également avec Umm Kulthum Bint Abi Bakr, dont il eut trois enfants. Talha Ibn ‘Ubayd Allah fut l’un des compagnons les plus proches du Prophète ﷺ, à tel point qu’il le surnomma « Talha Al-Khayr ». Il fut également l’un des dix hommes promis, du vivant de l’envoyé de Dieu, au paradis.

Prédiction du moine et adhésion à l’Islam

Né vers l’an 596, Talha fut l’un des rares jeunes mecquois sachant lire et écrire avant l’avènement de l’Islam. Bien que jeune, il accompagnait les commerçants qui faisaient le voyage jusqu’en Syrie en caravane. Lors de l’un de ses voyages, à Busra, il fit la rencontre d’un moine qui lui prédit l’arrivée d’un prophète parmi son peuple, dénommé « Ahmad, fils d’Abd Allah ».

De retour à La Mecque, sa femme le mit au courant que Muhammad Ibn ‘Abd Allah, le digne de confiance, se réclamait prophète et que leur proche commun, Abu Bakr, croyait en lui. Selon, un récit rapportant sa conversion, après son retour de Syrie, Talha alla trouver Abu Bakr et lui demanda : « Est-il vrai que Muhammad Ibn ʿAbd Allah se déclare Prophète et que tu le soutiens ? », « Oui, et ce serait une bonne chose si tu adhérais également à sa religion », répondit Abu Bakr.

Talha raconta alors à Abu Bakr l’histoire de l’étrange échange qu’il eut auparavant avec un moine sur le marché de Busra en Syrie. Cet ascète lui aurait dit qu’un homme au nom de Ahmad allait bientôt émerger à La Mecque et qu’il serait le dernier des Prophètes. Abu Bakr, stupéfait par ce récit, conduisit Talhah auprès de Muhammad et celui-ci lui raconta sa conversation avec le moine de Busra.

Le Prophète ﷺ lui présenta ainsi l’Islam et lui récita quelques versets du Coran. Enthousiaste, Talha prononça immédiatement l’attestation de foi. Il devint ainsi musulman à 18 ans par l’intermédiaire d’Abu Bakr, ce qui en fait l’un des premiers convertis, 7 ans avant l’Hégire.

Cité antique de Busra en Syrie

Sous les sévices des Qurayshites et émigration à Médine

La conversion du jeune homme stupéfia les Qurayshites, surtout sa mère qui en fut consternée et malheureuse. Quelques Qurayshites inquiets tentèrent d’éloigner – en vain – Talha de sa nouvelle religion. Puisque la manière douce était inefficace, ils recoururent à la violence pour le dissuader. A ce sujet, Masʿûd Ibn Kharash rapporta l’anecdote suivante :

« Tandis que je faisais le saʿy (foulées rituelles) entre Safâ et Marwah, je vis une foule persécuter de coups un jeune homme avec les mains liées. Une vieille femme particulièrement virulente le flagellait. Je demandai : « Qu’a fait cet homme ? ». « C’est Talha Ibn ʿUbayd Allah. Il a renoncé à sa religion pour celle de l’homme des Banu Hashim », me répondit-on. « Qui est cette femme derrière lui ? » demandai-je. « C’est Sabah Bint Al-Hadramî, sa mère », me dit-on alors ».

Les Qurayshites ne s’arrêtèrent pas là. Selon un autre récit, un dénommé Nawfal Ibn Khuwaylid attacha Talha et Abu Bakr avec une même corde et les remit à des notables qui les torturèrent. Cette cruelle expérience leur valurent le surnom d’Al-Qareenayn, « les deux liés ensemble ». Plus tard, Talha participa à la grande émigration vers Médine et y conduisit la famille d’Abu Bakr. À Médine, il résida chez As’ad ibn Zurarah, qui fit partie des premiers Ansars convertis de la ville lumineuse.

Talha n’avait pas pu participer à la bataille de Badr car le Prophète ﷺ l’avait envoyé en mission, avec As-Saib Ibn Zayd, à l’extérieur de Médine. A leur retour, le Prophète et ses compagnons étaient déjà en route vers Badr. Ils étaient tous deux très peinés de ne pouvoir prendre part à la première campagne militaire des musulmans. Ils furent néanmoins heureux d’apprendre qu’ils allaient être récompensés au même titre que ceux qui s’étaient battus.

La cité mecquoise (illustration)

« Le jour de la bataille d’Uhud était bel et bien le jour de Talha »

Talha participa néanmoins à la bataille d’Uhud. Il fit partie de ceux qui restèrent avec le Prophète ﷺ, suite à la dispersion de certains compagnons. Onze Ansar et un Muhajir – Talha Ibn ʿUbayd Allah – le protégèrent des assauts des Qurayshites. Au plus fort de la lutte, plusieurs dents du Prophète étaient cassées, son front et ses lèvres étaient blessés et le sang coulait sur son visage. Il était épuisé.

A cette vue, Talha fonça sur l’ennemi afin de l’éloigner du Prophète et de le mettre à l’abri plus haut dans la montagne. Il l’allongea sur le sol et reprit le combat. À cette occasion, Abu Bakr rapporta : « À ce moment, Abu Ubayda et moi-même étions loin du Prophète ﷺ. Quand nous l’avons rejoint pour lui porter secours, il nous somma de le laisser et d’aller plutôt prêter main forte à notre compagnon Talha ». ‘Aïcha et Umm Ishaq, les deux filles de Talha, relatèrent elles-mêmes, la suite des évènements :

« Le jour de la bataille d’Uhud, notre père avait reçu 24 blessures, et une veine de son pied avait été tranchée. Un doigt avait été estropié et il avait reçu d’autres blessures au corps ; il s’était évanoui. Les deux dents de devant du Prophète ﷺ avaient été cassées et il était aussi blessé au visage et s’était évanoui. Talha l’avait porté sur son dos et marchait à reculons et se battait contre tout polythéiste qu’il croisait et il l’avait porté dans une passe et l’avait adossé à un support ».

La colline d’Uhud

A l’issue de la bataille, le Prophète ﷺ dit : « Celui qui est heureux de voir un homme toujours vivant alors qu’il est arrivé au terme de sa vie, qu’il regarde Talha Ibn ‘Ubayd Allah ». C’était ainsi que Talha fut surnommé le martyr vivant. Par la suite, chaque fois qu’Uhud était évoqué, Abu Bakr soulignait : « Ce jour-là, c’était bel et bien le jour de Talha ».

Sous le califat d’Abu Bakr et d’Umar Ibn Al-Khattab

Talha participa par la suite au traité de Houdaybiyya et fut présent dans l’ensemble des batailles menées par le Prophète ﷺ jusqu’à son ultime sermon d’adieu. Il fut notamment l’un des dix compagnons à qui le prophète a promis le Paradis de son vivant. Le compagnon As-Saib Ibn Zayd déclare à ce sujet :« Nous étions en compagnie du Prophète ﷺ sur le mont Hira lorsque ce dernier a secoué. Sur ce, l’Envoyé d’Allah a déclaré : « Ne bouge pas ô Hira ! Certainement il ne se trouve sur toi qu’un Prophète, des véridiques et des martyres ».

On lui demanda alors qui étaient ces personnes. As-Saib Ibn Zayd répondit : « Il y avait le Prophète, Abou Bakr, ‘Omar, ‘Othman, ‘Ali, Talha, Zubayr, Sa’d et ‘Abdarrahman Ibn ‘Awf. Ils étaient neuf en tout ». On insista : « Qui était donc le dixième ? ». Après avoir hésité, As-Saib déclara : « Je suis le dixième ». Lorsqu’Abu Bakr devint calife, Talha intégra directement Ahl-ul Chura (les gens de la consultation). Ahl-ul Chura était composé d’un nombre restreint de grands compagnons du prophète ﷺ. Abu Bakr les consultait pour la gestion des musulmans et du califat.

Sous le califat d’Umar Ibn Al-Khattab, Talha participa à plusieurs conquêtes militaires, notamment la conquête de la Perse aux côtés d’Abdarrahman Ibn ‘Awf et d’al-Zubayr Ibn ‘Awwam. Il conseilla également le deuxième calife dans certaines de ses conquêtes. Juste avant son décès, ‘Umar fit une liste de six compagnons capables de lui succéder, composée de ‘Ali ibn Abi Talib, ‘Uthman Ibn ‘Affan, ‘Abderrahman Ibn ‘Awf, Sa’d ibn Abi Waqqas, Zubayr Ibn Al ‘Awwam et Talha ibn ‘Ubayd Allah.

Conquête de la Perse

‘Umar leur ordonna de ne pas dépasser trois jours de consultation pour choisir le nouveau calife. Ce comité choisit ‘Uthman pour être le prochain émir des croyants et devint donc le troisième calife de l’islam le jeudi 4 du mois de Muharram de la 23eme année de l’hégire.

La grande discorde après le décès d’Uthman Ibn ‘Affan

Alors que le troisième calife de l’Islam, ‘Uthman Ibn ‘Affan, est assassiné chez lui à Médine le 17 juin 656, correspondant au 18 de Dhu l-Hijjah de l’an 35 de l’hégire, une grande discorde (fitna) naît entre les compagnons quant à l’attitude à adopter face aux meurtriers. Sans moyens réels et malgré une condamnation ferme de ce crime, ‘Ali, nouvellement désigné calife, n’entreprit pas immédiatement de représailles ni n’appliqua le talion aux coupables afin d’éviter un embrasement général de la communauté.

Cette position, et la suspension momentanée du talion, entraîna l’incompréhension d’une partie des compagnons, notamment Talha, Zubayr et ‘Aïsha, la troisième épouse du Prophète. À la tête d’un groupe, ‘Aïsha, Talha et Az-Zubayr partirent alors de La Mecque, où ils s’étaient consultés, en direction de Bassora, en Irak, afin d’inciter les gens à soutenir leur demande d’appliquer le talion contre les assassins d’Uthman.

Ce départ soudain de ces trois éminents compagnons vers l’Irak alarma ‘Ali, qui décida, dans le but d’éclaircir la situation, de se rendre lui aussi sur place à la tête d’un groupe. Les deux camps se rencontrèrent à Kurayba, près de Bassora. ʿAlî espérait éviter tout affrontement et parvenir à un arrangement pacifique. Il employa tous les moyens possibles pour préserver la paix et s’accrocha au moindre espoir d’éviter une guerre.

Malheureusement, dans la confusion générale, certains individus prirent l’initiative de déclencher le combat. Ce fut le début de la bataille dite “du Chameau”, en référence au chameau sur lequel se trouvait ‘Aïsha pendant le conflit. Elle se déroula en l’an 36 de l’hégire (657).

« Ô Talhah, es-tu venu avec l’épouse du Prophète pour combattre ? »

Lorsque le quatrième calife aperçut Talha et Az-Zubayr, deux des plus proches compagnons du Prophète ﷺ, dans les rangs, il leur cria de sortir. En aparté,ʿAlî dit alors à Talha : « Ô Talhah, es-tu venu avec l’épouse du Messager de Dieu pour combattre ? ». Puis il dit à Az-Zubayr : « Ô Az-Zubayr, je t’en conjure. Te souviens-tu du jour où le Messager passa près de toi ? puis qu’il t’a dit : “Ô Az-Zubayr, n’aimes-tu pas Ali ?”. Tu répondis : “Comment n’aimerais-je pas mon cousin maternel, mon cousin paternel, celui qui partage ma religion ?”. Il t’a dit : “Ô Az-Zubayr, par Dieu, tu le combatras un jour, et tu seras alors dans l’erreur.” ».

ʿAlî poursuivit en leur rappelant la fraternité et la foi qui les unissaient. Talha et Az-Zubayr finirent par se retirer du conflit. Cependant, ils allaient payer ce retrait de leurs vies. Après leur départ, un homme nommé ʿAmr Ibn Jurmuz assassina traîtreusement Az-Zubayr alors qu’il accomplissait sa prière. Quant à Talha, il fut atteint mortellement par une flèche tirée par Marwan Ibn Al-Hakam.

Talha Ibn Ubayd Allah mourut en martyr lors de la bataille du Chameau, le 10 Jumada al-Thani de l’an 36 de l’hégire. Il avait alors soixante-quatre ans.ʿAlî dirigea la prière funéraire pour ceux tombés durant la bataille, alliés comme adversaires. Après l’enterrement de Talha et Az-Zubayr, il leur fit ses adieux le cœur rempli de peine. Fixant les tombes de ses frères en Islam, il dit : « J’ai entendu de mes propres oreilles le Messager de Dieu ﷺ dire : “Talha et Az-Zubayr sont mes compagnons au Paradis !” ».

La bataille du « Chameau » (illustration)

La grande générosité de Talha Al-Khayr

Talha fut un compagnon, aux mérites nombreux, très estimé de ses coreligionnaires, au point qu’on le surnomma « Talha le Bon (khayr) » ou encore « Talha le Généreux ». Non seulement il était un croyant fervent, mais aussi un commerçant prospère. Toute sa richesse était mise au service de la religion de Dieu. Pour évoquer la générosité de Talha, le compagnon Jabir Ibn ‘Abd Allah disait : « Je n’ai vu aucun comme Talha, qui donne abondamment de ses biens sans la moindre question ».

Cependant, cette immense fortune l’inquiétait. Ses nuits en étaient troublées. Son épouse, Umm Kulthum, la fille d’Abu Bakr, témoigna à ce sujet : « Une fois, j’ai trouvé Talha soucieux. Alors, je lui ai dit : « Qu’as-tu ? » Il a dit : « Le bien que je possède, il s’est multiplié, et il me tourmente et il me peine. » J’ai dit : « Tu n’as pas à t’en faire. Distribue-le. » Il se leva et alla appeler les gens. Puis, il se mit à donner, au point qu’il ne resta pas un seul dirham ».

Talha aidait volontiers ceux qui étaient endettés, les chefs de famille démunis et les veuves. L’un de ses proches compagnons, As-Saib Ibn Zayd, rapporta à ce propos : « J’ai accompagné Talha Ibn ʿUbayd Allah durant ses voyages. J’ai vécu chez lui. Je ne connais personne d’aussi généreux avec l’argent, les vêtements et la nourriture que Talha ».

Ibrahim Madras

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