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mardi 16 avril 2024

Tahar Mahdi : la finance islamique, une finance éthique

Tahar Mahdi est théologien, spécialiste en jurisprudence islamique et imam. Il est également l’auteur d’une traduction du livre de Abou Hamid Al Ghazali, « L’incohérence des philosophes ». Il nous livre dans un texte exclusif publié par Mizane.info les principales clés de compréhension de la finance islamique. Les notions cardinales, la philosophie économique véhiculée par la finance islamique : voici l’essentiel de ce qu’il faut savoir sur ce sujet.  

La finance islamique, outre son obligation de répondre aux contraintes exigées par les lois en vigueur, est tenue de se conformer à des règles qui trouvent leurs origines dans la loi musulmane. Des principes qui interdisent la spéculation, l’usure et les investissements considérés comme impurs (alcool, jeu, tabac, drogue…). Pour pouvoir comprendre la finance islamique moderne, il faut absolument connaître et maîtriser sa nature et cerner les spécificités du droit des affaires financières propre à l’islam.

Tahar Mahdi.

 

Par conséquent, la charia impose une méthodologie caractérisée par la rigueur scientifique si l’on désire aborder les questions modernes de la finance islamique. À ce titre, les spécialistes doivent systématiquement respecter la méthodologie et les règles génériques du droit des affaires financières en islam s’ils veulent être crédibles dans leur enseignement et leur pratique de ce droit très technique et fort compliqué à la fois.

La nature de la finance islamique 

Bien que les termes de la finance islamique moderne n’existent pas dans les classiques du droit des affaires financières islamiques, le concept lui existe incontestablement. L’analyse terminologique spécifique de ce domaine est incontournable. Parmi ces termes techniques de la finance islamique, on peut citer :

-Mu’amalât signifie toutes les transactions couvrant le domaine de la finance islamique.

-Mâliya porte sur tout ce qui a attrait à la finance islamique.

-Mu’asira indique la contemporanéité.

-Qadâya désigne les affaires ou les questions qui se rattachent à la finance d’une manière ou d’une autre.

-Mustajadda explique tout ce qui est nouveau dans la finance et qui n’existait pas auparavant.

-Nawâzil vise les questions évènementielles de type nouveau.

-Fatwâ porte sur l’élaboration d’une disposition juridique constituant une solution d’un quelconque problème.

Définition conventionnelle

« Mu’amalât mâliyamu’asira » est une notion qui désigne les questions impliquées par les pratiques financières contemporaines n’ayant pas d’équivalent dans le droit classique. Cela comprend également les affaires relevant des circonstances de la vie moderne et impliquant le changement de statut juridique légal, ainsi que toutes les questions relevant d’une transaction de type nouveau. Enfin, à cela il faut ajouter les diverses catégories financières anciennes qui peuvent comporter des solutions modernes et anciennes à la fois. Il existe certaines transactions financières portant des appellations modernes mais qui existent en réalité dans notre patrimoine ancien sous d’autres désignations, tels les intérêts des banques modernes qui constituent de l’usure interdit en islam. Toutes les transactions de placement en général et les titres d’obligations financières relèvent de l’interdit. En effet, en islam la considération relève du concept, pas du nom, sachant que celui-ci peut induire les gens en erreur. Le Prophète a fait allusion à ce genre de fraude en disant : « Certaines personnes de ma communauté oseront consommer le vin en lui donnant d’autres dénominations. » (Ahmad 5/315-320)

Règles générales immuables

Le droit de la finance islamique se base sur le texte révélé d’une manière générale sans toutefois donner de détails, offrant ainsi aux spécialistes la capacité intellectuelle et expérimentale d’élaborer ce droit dont on a plus que jamais besoin. Il y a cependant des règles immuables : – « ô croyants, ne vous appropriez pas mutuellement vos biens indûment, sauf s’il s’agit d’un négoce relevant d’un accord entre vous. » (Les femmes 92). – « Dieu vous a rendu licite le négoce et illicite l’usure. » (La génisse 275) – « La permission dans les transactions est la base. » – tout jeu de hasard et toute spéculation sont interdits en islam car ils provoquent l’hostilité et la discorde, etc.

Principes fondamentaux de la finance islamique :

Le principe fondamental de la finance islamique repose sur l’intervention directe de la Banque dans les transactions qu’elle finance. La rémunération qu’elle perçoit se justifie soit par sa qualité d’associée aux résultats du projet financé (pertes ou profits) dans le cas d’une Mudhâraba ou d’une Mushâraka مشاركة. Soit par la prestation de commercialisation ou de location de biens qu’elle acquière préalablement. Et ce, dans le cas d’une Murâbaha مرابحة, d’un Ijâr (Leasing / Location-vente), ou d’un Salam السّلم. Soit, enfin par la commande de fabrication / construction de biens ; meubles ou immeubles par ses soins ou par des tiers, dans le cas d’un Istisnâ‘ استصناع. La règle générale est que la monnaie n’est, du point de vue islamique, qu’un simple intermédiaire et instrument de mesure dans les échanges de produits. À ce titre, elle ne peut générer de la monnaie.

Vu l’appartenance morale et éthique, voire même religieuse, des banques islamiques et en respect de leur vocation, les conditions suivantes sont exigées à la lettre : l’objet du contrat doit être conforme aux prescriptions de la charia (pas de financement de produits prohibés par l’islam). L’acquisition préalable des marchandises par la Banque doit être respectée. En effet, le principe de base de la transaction financière est que le gain revenant à la Banque ne se justifie que par le caractère commercial et non financier de la transaction (l’achat et la revente doivent être réels et non fictifs)

Même si, en parallèle, elle assure une fonction de réserve de valeur, elle ne peut produire de surplus que dans la mesure où elle est transformée préalablement en bien réel et non pas virtuel. Donc, la marge bancaire n’est considérée comme licite par la charia que lorsqu’elle est générée par l’une des activités suivantes : Vente, Participation, Location, Fabrication. Les Institutions financières islamiques ont une double vocation ; commerciale et financière. Loin de se cantonner dans la mission classique de médiation financière, elles interviennent dans les activités de création, transformation et commercialisation des richesses en tant que parties prenantes à part entière. Cette double vocation est illustrée sur le plan juridique par l’existence de deux types de clauses dans les contrats de financement régissant la relation entre la Banque islamique et ses partenaires : des clauses financières fixant le montant, la durée et les conditions générales d’utilisation et de renouvellement de la ligne de financement ; des clauses commerciales fixant les modalités de la transaction et/ou opération effectuée dans le cadre de la ligne de financement précitée.

Les conditions de conformité à la charia

Vu l’appartenance morale et éthique, voire même religieuse, des banques islamiques et en respect de leur vocation, les conditions suivantes sont exigées à la lettre : l’objet du contrat doit être conforme aux prescriptions de la charia (pas de financement de produits prohibés par l’islam). L’acquisition préalable des marchandises par la Banque doit être respectée. En effet, le principe de base de la transaction financière est que le gain revenant à la Banque ne se justifie que par le caractère commercial et non financier de la transaction (l’achat et la revente doivent être réels et non fictifs). À cet égard, il y a lieu de rappeler que si l’opération telle que pratiquée par les Banques islamiques, est une opération de vente ou d’achat, l’opération de crédit n’est qu’un accessoire – à ce titre elle ne peut générer de l’argent ni de profit pour éviter le riba – à la démarche commerciale. Laquelle démarche constitue la seule justification de la rémunération perçue par la Banque même si le paiement différé entre en ligne de compte dans la différence de prix dans certaines pratiques.

Comment se prémunir des préjudices ?

Le prix de revient, et le gain de la Banque et le (s) délai (s) de paiement doivent être préalablement connus et acceptés par les deux parties. Il y a au minimum 2 délais de paiement : celui du vendeur et celui de l’acheteur et du client final. En cas de retard dans le paiement des échéances, la Banque peut appliquer au client défaillant des pénalités de retard qui seront logées dans un compte spécial « Produits à Liquider ». Mais à aucun moment elle ne peut réviser en hausse sa marge bénéficiaire en contrepartie du dépassement de délai, et ce, pour éviter de vendre l’élément temps ce qu’on appelle en fiqhربا النسيئة وهو زيادة الثمن مع زيادة الأجل . En outre, en cas de mauvaise foi du client, la Banque est en droit de réclamer, en sus des pénalités, un dédommagement des échéances non honorées. Auquel cas, il conviendrait d’évaluer le préjudice par rapport à des critères objectifs propres à la Banque et éviter toute référence aux taux d’intérêt. Généralement pour prévenir ce genre de risque les banques exigent l’hypothèque ou l’acompte / urbûn عربون. Après la réalisation du contrat, la marchandise devient la propriété exclusive et définitive de l’acheteur final et le demeurera, quels que soient les incidents qui peuvent survenir par la suite. Toutefois, la Banque peut prendre un gage sur les marchandises vendues en garantie du paiement des prix de vente et mettre en jeu ce gage le cas échéant. De même, elle peut tenir compte des cas de mévente du client (insolvabilité) et accorder à ce dernier un rééchelonnement / réaménagement de son échéancier sans que cela n’entraîne une majoration de prix. Voilà en précis le strict minimum à connaître au sujet de la finance islamique.

Tahar Mahdi

A lire sur le même sujet : 

« La finance islamique », Causse Broquet

« Finance islamique et financement de projets en France », Hugues Martin Sisteron

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