Un sondage Ifop, commandé par la Grande Mosquée de Paris et publié ce lundi, confirme que la haine islamophobe demeure un phénomène massif en France. Selon l’enquête, deux tiers des musulmans vivant en France ont fait l’objet de comportements racistes au cours des cinq dernières années. Explications.
Selon une étude Ifop commandée par la Grande Mosquée de Paris, réalisée auprès d’un millier de musulmans français, 66 % des sondés affirment avoir subi au moins une fois du racisme « au cours des cinq dernières années ». C’est trois fois plus que dans l’ensemble de la population française (20 %). « Cette musulmanophobie génère une angoisse collective », analyse François Kraus, directeur du pôle Politique/Actualités à l’Ifop.
Une discrimination qui impacte le quotidien des musulmans français
La Grande Mosquée de Paris a présenté hier, en partenariat avec l’Ifop, « le premier Observatoire des discriminations visant les Français de confession musulmane ». D’après ce sondage, mené entre août et septembre, 82 % des personnes interrogées estiment que la haine envers les musulmans « est aujourd’hui en France un phénomène répandu ».
Parmi les récents actes de haine antimusulmane : des têtes de cochon déposées devant plusieurs mosquées d’Île-de-France, la semaine dernière. Les résultats du sondage sont préoccupants : 66 % des musulmans déclarent avoir subi un comportement raciste au cours des cinq dernières années. Dans un cas sur deux, c’est la religion qui est identifiée comme principale cause.
Selon l’Ifop, ces discriminations se répercutent dans la vie quotidienne : recherche d’emploi (51 %), logement (46 %), contrôles de police (51 %). « Loin d’être un safe space, les services publics deviennent aussi un lieu de discriminations », ajoute l’institut : 36 % des sondés disent en avoir subi dans une administration publique, 29 % dans le milieu médical, 38 % dans l’éducation. Et la tendance s’accélère : 81 % estiment que le phénomène s’est renforcé ces dernières années.
« Cette musulmanophobie nourrit logiquement un climat d’anxiété »
« Ce rapport met en lumière une réalité qu’on ne peut plus ignorer ni minimiser : la musulmanophobie mine les fondements de notre pacte républicain. (…) L’avenir de la France ne se construit pas sur l’exclusion d’une partie de ses citoyens », affirme Chems-eddine Hafiz, recteur de la Grande Mosquée de Paris.
Pour la moitié des victimes (50 %), la religion est jugée comme la cause principale. « La dimension religieuse est centrale dans ce racisme ; le sondage le confirme », souligne le sociologue Vincent Geisser. Ce phénomène touche aussi les musulmans « non pratiquants » : 41 % estiment que les comportements racistes subis étaient liés à l’islam.
Cette haine islamophobe nourrit logiquement un climat d’anxiété, pointe l’Ifop : 64 % des musulmans en France craignent une restriction de leur liberté religieuse, et 51 % redoutent une agression. Ce chiffre atteint 66 % chez les femmes voilées. À peine deux tiers (66 %) envisagent de déposer plainte auprès de la police. Ils sont encore moins nombreux à signaler les faits à une association antiraciste (53 %) ou à une mosquée (36 %).
Un enjeu de sécurité nationale
« La lutte contre la musulmanophobie n’est pas une revendication communautaire, mais un enjeu de sécurité nationale et de cohésion républicaine », réagit le recteur Chems-eddine Hafiz. Pour François Kraus, « la musulmanophobie apparaît comme un système discriminatoire multidimensionnel qui structure l’expérience sociale des musulmans dans tous les domaines de leur vie ».
Mais les perspectives politiques actuelles ne favorisent guère l’apaisement. « La parole publique sur l’islam s’est radicalisée », déplore le directeur du pôle Politique/Actualités à l’Ifop.
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