Anas al-Sharif, journaliste d’Al Jazeera, a été lâchement assassiné dimanche avec cinq collègues lors d’une frappe israélienne visant une tente de presse près de l’hôpital al-Shifaa à Gaza-ville. Ce lundi, un texte posthume, qu’Anas al-Sharif avait écrit en avril en cas de décès, a été publié sur son compte X. Voici l’intégralité de son contenu en exclusivité sur Mizane.info.
Anas al-Sharif est un journaliste palestinien né le 3 décembre 1996 dans le camp de réfugiés de Jabaliya et tué le 10 août 2025 à Gaza par une frappe israélienne. Correspondant pour Al Jazeera Arabic, il couvrait en première ligne le nord de Gaza durant le génocide en cours. En 2024, son équipe a reçu le prix Pulitzer de la photographie d’actualité pour des clichés documentant la guerre génocidaire à Gaza.
Les derniers mots d’Anas Al-Sharif
« Si vous lisez ces mots, c’est qu’Israël a réussi à me tuer et à me réduire au silence.
Que la paix soit sur vous, ainsi que la miséricorde de Dieu et sa bénédiction. Allah sait que j’ai dédié tous mes efforts et toutes mes forces pour être un soutien et une voix pour mon peuple, depuis que j’ai ouvert les yeux à la vie dans les allées et les rues du camp de réfugiés de Jabalia.
Mon espoir était qu’Allah ferait durer ma vie pour que je puisse, avec ma famille et mes proches, retourner à notre vie d’otigine, occupée, Ashkelon (Al-Majdal). Mais la volonté d’Allah est venue la première et Son décret est final.

J’ai vécu à travers la douleur sous toutes ses formes, j’ai gouté la souffrance et la perte de nombreuses fois, pourtant je n’ai jamais hésité à transmettre la vérité telle qu’elle était, sans distorsion ni falsification – afin qu’Allah soit mon témoin contre tous ceux qui sont restés silencieux, tous ceux qui ont accepté qu’on nous tue, tous ceux qui ont étouffé notre respiration, et dont les cœurs étaient indifférents quand les restes de nos enfants et de nos femmes étaient éparpillés, ne faisant rien pour arrêter le massacre que notre peuple subit depuis plus d’un an et demie.
Je vous confie la Palestine – le joyau de la couronne du monde Musulman, le battement de cœur de toutes les personnes de ce monde. Je vous confie son peuple, dont les enfants innocents n’ont jamais eu le temps de rêver ou de vivre en paix et en sécurité. Leurs corps purs ont été écrasés sous des milliers de tonnes de bombes et de missiles israéliens, déchirés en morceaux et projetés sur les murs.
Je vous en prie, ne laissez pas les chaines vous réduire au silence, ni les frontières vous bloquer. Soyez les ponts de la libération de cette terre et de son peuple, jusqu’à ce que le soleil de la dignité et de la liberté se lève sur notre terre volée.
Je vous confie ma famille pour que vous en preniez soin. Je vous confie ma fille bien aimée Sham, la lumière de mes yeux, que je n’ai pas pu voir grandir comme j’en rêvais. Je vous confie mon cher fils Salah, que j’aurais aimé soutenir et accompagner tout au long de sa vie, jusqu’à ce qu’il soit suffisamment fort pour porter mon fardeau et continuer la mission.
Je vous confie ma chère mère, dont les prières bénies m’ont amené où je suis, dont les invocations étaient ma forteresse et dont la lumière a guidé mon chemin. Je prie pour qu’Allah lui accorde la force et la récompense en mon nom de la meilleure des récompenses.

Je vous confie aussi celle qui m’a accompagné toute ma vie, mon épouse bien aimée, Umm Salah (Bayan), dont la guerre m’a séparé durant de longs jours et de longs mois. Pourtant, elle est restée fidèle à notre lien, solide comme le tronc d’un olivier qui ne plie pas – patiente, confiante en Allah, et portant les responsabilités, en mon absence, avec toute la force et la foi nécessaires.
Je vous en prie, soyez auprès d’eux, pour les soutenir, après Allah tout-puissant. Si je meurs, je meurs sur mes principes. Je témoigne devant Allah que je suis content de Son décret, certain de Le rencontrer, assuré que ce qui est auprès d’Allah est meilleur et plus durable.
Ô Allah, accepte moi parmi les martyrs, pardonne mes pêchés passés et futurs, et fais de mon sang une lumière qui illumine le chemin vers la liberté de mon peuple et de ma famille. Pardonne moi si je n’ai pas réussi, et prie pour moi avec miséricorde, car j’ai tenu ma promesse et je n’ai jamais changé ni trahi.
N’oubliez pas Gaza et ne m’oubliez pas dans vos prières sincères, pour que je sois pardonné et accepté ».
Anas Jamal Al-Sharif, le 06/04/2025