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vendredi 19 avril 2024

Service National Universel : les positions « laïques »du ministre Blanquer suscitent l’incompréhension

Blanquer
Jean-Michel Blanquer est l’actuel ministre de l’Education nationale. 

Les propos du ministre de l’Education nationale Jean-Michel Blanquer en désaccord avec l’Observatoire de la laïcité qui rappelait qu’une extension de la loi de 2004 interdisant les signes religieux durant la période obligatoire de 15 jours du Service National Universel était contraire au droit actuel ont provoqué une salve de critiques dans la communauté musulmane. L’occasion d’expliquer plus précisément la mesure défendue par Macron et détaillée dans un rapport d’experts que Mizane.info a étudié. Focus.

Le Service National Universel est une mesure forte du quinquennat Macron que le président, en grande difficulté à cause de sa politique néolibéralae et bousculé sur ses flancs par le mouvement des Gilets Jaunes, pourrait avoir du mal à mettre en oeuvre. Mais qu’est-ce au juste que ce SNU ?

Le SNU est un outil destiné à recréer du lien social et national en France. C’est l’objectif officiel de ce service.

« En premier lieu, c’est la cohésion, sociale et nationale, qui est le premier objectif poursuivi : mélange des sexes, des origines sociales ou géographiques, des cultures et des mœurs, une génération – à un âge où elle peut en mesurer l’enjeu, mais aussi où elle acquiert les principaux repères qui vont structurer sa vie sociale – doit se rencontrer avec elle-même pour apprendre, en respectant les différences, ce qui, au-delà d’elles, constitue un lien plus fort résultant de cette appartenance. »

Ce brassage qui s’inscrit dans une tradition républicaine française se veut un remède « face à des générations désormais marquées avant tout par l’affirmation de la personnalité de chacun, il est essentiel d’affirmer les valeurs de solidarité et de situer chaque individualité au sein d’une collectivité ».

Un investissement conséquent

Plusieurs choses ressortent de la lecture de ce rapport. Le dispositif du SNU s’adresse aux jeunes, principalement de 15 à 18 ans. Des jeunes plus âgés peuvent sous certaines conditions y participer.

Il comporte deux volets : une période obligatoire d’un mois maximum, en réalité quinze jours en pratique. Les jeunes seront hébergés durant cette période dans un centre type internat.

Un second volet plus long de plusieurs mois concernera les engagés et reposera sur le volontariat. Toutes sortes d’activités et de missions constitueront le contenu de ce service en fonction des compétences et des souhaits des jeunes (actions de solidarité, services civils, pompiers, police, armée, etc).

Des associations d’intérêt général mandatés par l’Etat pourront accueillir des appelés.

La position du ministre Blanquer est d’autant plus regrettable qu’elle entame l’objectif annoncée du SNU de brassage de la population française et d’entre-connaissance de la jeunesse destinée à solidifier le ciment de la Nation. Elle reconduit la nouvelle doctrine d’Etat laïque du XXIe siècle des élites politiques françaises qui fait de la laïcité un principe exclusif et limitatif dans son contenu mais extensif dans son champ d’application.

La mise en place de ce Service National Universel est plutôt lourde et nécessite une infrastructure conséquente devant accueillir 800 000 élèves chaque année, un budget significatif (près de 2 milliards d’euros d’investissement et 1, 6 milliards de budget de fonctionnement annuel), et des modifications juridiques importantes (une révision constitutionnelle et un texte de loi).

On apprend qu’une consultation nationale désormais close, et passée inaperçue, auprès des associations de parents d’élèves et d’autres acteurs de la société civile a eu lieu sans que cela ne fasse grand bruit.

Dans ces conditions, l’avenir du SNU est plus que jamais soumis à toutes sortes de variables économiques, politiques, juridiques et techniques qui rendent sa mise en pratique pour le moins délicate.

Blanquer s’oppose à l’Observatoire de la laïcité

Blanquer

Ce n’est pourtant pas cet aspect du sujet qui a retenu l’attention de plusieurs de nos lecteurs. Les déclarations du ministre de l’Education Nationale, Jean-Michel Blanquer interrogé sur I24 news, ont provoqué inquiétudes et incompréhensions.

Le ministre s’est prononcé contre l’avis de l’Observatoire de la laïcité qui avait lui-même été saisi sur la question des pratiques religieuses durant ce SNU.

Pour l’Observatoire, il serait difficile d’élargir la juridiction de la loi du 15 mars 2004 qui interdit le port de signes religieux au SNU dans la mesure où ce service national universel ne s’adresse pas aux écoliers mais aux jeunes citoyens.

Dans le cas où ce service serait intégré dans la scolarité, une autre difficulté serait le double régime des étudiants du privé, non astreint à une neutralité religieuse, avec leurs camarades du public.

Raisons pour laquelle l’Observatoire plaide pour visibilité limité seulement pour les activités sportives.

Une position qui a provoqué la réaction du ministre Blanquer qui considère que l’Observatoire se trompe et qu’il ne suivra pas « la recommandation de l’Observatoire de la laïcité sur le port des signes religieux lors du service national ».

D’autres s’inquiètent des conditions de mixité au dortoir (promiscuité, risque de harcèlement, etc). Si les craintes exprimées sur ce dernier point sont en partie prématurées dans la mesure où les conditions d’hébergement (chambre individuelle, chambre collective mixte ou non mixte) n’ont pas encore été précisées, les propos du ministre Blanquer indiquent pour leur part un nouveau raidissement de la doctrine d’Etat sur la laïcité.

Une doctrine que l’Observatoire de la laïcité a pourtant rappelé à de nombreuses reprises, ce qui lui a valu d’ailleurs ces dernières années un certain nombre de critiques de la part de politiques dont l’ex-Premier ministre Manuel Valls et de militants du Printemps républicain enagés sur une ligne laïciste.

Le président Macron a rappelé qu’on ne pouvait pas vivre sa foi modérément, que cela n’avait pas de sens. Mettre des barrières à la pratique religieuse des jeunes est contreproductif et s’oppose à l’objectif de brassage du SNU. C’est un signal négatif pour eux. L’unité nationale n’implique pas l’uniformité de tous. Ahmet Ogras

La position du ministre Blanquer est d’autant plus regrettable qu’elle entame l’objectif annoncée du SNU de brassage de la population française et d’entre-connaissance de la jeunesse destinée à solidifier le ciment de la Nation.

Elle reconduit la nouvelle doctrine d’Etat laïque du XXIe siècle des élites politiques françaises, une doctrine en rupture avec la laïcité du XXe siècle. Cette doctrine fait de la laïcité un principe exclusif et limitatif dans son contenu mais extensif dans son champ d’application.

Il fait de la laïcité, principe de liberté de conscience, un dogme d’indifférenciation agnostique et d’invisibilisation religieuse de la Nation française, ce qui contredit même le concept de neutralité et d’égalité face à la loi induit par la laïcité.

Des réactions critiques dans la communauté musulmane

Dans la communauté musulmane, cette position a été largement critiquée.

Le président du Conseil Français du Culte Musulman Ahmet Ogras, contacté par Mizane.info, estime nécessaire de revenir à une position équilibrée.

musulman
Ahmet Ogras.

« Le président Macron a rappelé qu’on ne pouvait pas vivre sa foi modérément, que cela n’avait pas de sens. Mettre des barrières à la pratique religieuse des jeunes est contreproductif et s’oppose à l’objectif de brassage du SNU. C’est un signal négatif pour eux. L’unité nationale n’implique pas l’uniformité de tous. Le président Macron rappelait à raison que le peuple n’est pas laïc, ne peut pas l’être, c’est l’Etat qui l’est. Il ne faut pas laisser des idéologues instrumentaliser la notion noble de laïcité pour diviser ».

La Plateforme Les Musulmans de Marwan Muhammad dénonce dans un communiqué une atteinte aux libertés individuelles.

« Quel genre de citoyens espère-t-on former en leur apprenant, dès l’enfance, l’autocensure d’une part fondamentale d’eux-mêmes ? Il est dangereusement contreproductif de neutraliser un espace social où les enfants, comme tous les autres citoyens, devraient pouvoir jouir de leurs libertés et de leurs droits », pouvait-on lire.

Blanquer.

Le représentant de la confrérie Naqshbandie Abd El Hafid Benchouk a confié pour sa part à notre rédaction qu’ « il est dommage qu’on ne saisisse pas l’occasion de ce Service National Universel où les jeunes pourront apprendre à vivre ensemble malgré leurs différences. Notre expérience nous montre dans le domaine de l’interreligieux qu’on est toujours émerveillé de découvrir la pratique de l’autre.

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Abd-El-Hafid Benchouk.

Ce serait sans aucun doute la même chose si on n’arrêtait de légiférer à tout va. La laïcité est un principe de liberté. Il faut accepter que les gens vivent dans leur différence. Il est plus que nécessaire de pousser les jeunes à la responsabilité en les laissant montrer ce qu’ils souhaitent d’eux-mêmes sans qu’on les infantilise. Il se sentiront ainsi plus inclus dans la Nation », a-t-il déclaré.

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