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mardi 19 mars 2024

Rodrigo Arenas (FCPE) : « Nous sommes pour une laïcité qui inclut et non qui exclut »

Rodrigo Arenas est co-président de la Fédération des Conseils de Parents d’élèves (FCPE). La publication d’une affiche de la FCPE montrant une maman voilée accompagnatrice de sortie scolaire a crée une nouvelle polémique. Le ministre de l’éducation Jean-Michel Blanquer a parlé d’une « erreur » « regrettable » et une affiche parodique montrant deux djihadistes a été diffusée sur les réseaux sociaux par Laurent Bouvet, membre du Conseil des sages pour la laïcité. Mizane.info a interrogé Rodrigo Arenas pour avoir sa réaction à propos de cette polémique et pour connaître la position de la FCPE sur la laïcité.  

Mizane.info : Le ministre Blanquer a parlé d’« erreur regrettable » et a manifesté son désaccord personnel  concernant l’affiche de la FCPE. Est-ce là une forme d’intimidation exercée contre la FCPE pour qu’elle change sa campagne au moment des élections des parents d’élèves ?

Rodrigo Arenas : Il est sûr que le ministre s’est immiscé en donnant de manière détournée des consignes de vote dans une élection de parents d’élèves, ce qui est une première sous la Ve République. Maintenant, nous n’avons peut-être pas la même conception de la laïcité. A la FCPE, nous sommes pour une laïcité qui inclut et non pour une laïcité qui exclut.

Indépendamment des propos du ministre, nous pensons qu’une République ne se construit pas sur le rejet des « indésirables », car c’est de cela qu’il s’agit.

Cette affiche n’a aucune raison d’être retirée sauf à vouloir quelque part abdiquer devant celles et ceux dont l’islamophobie est le fond de commerce.

Nous n’avons absolument aucune raison de retirer cette affiche au sens où elle s’inscrit dans une campagne plus globale qui consiste à rappeler le droit des parents et des enfants à manger correctement, à pouvoir s’exprimer quand on est victime de harcèlement, le droit à ne pas être dans une classe surchargée, le droit à la gratuité scolaire, le droit à l’égalité hommes-femmes.

Parmi ces affiches, il y en a une sur les accompagnatrices qui portent le foulard. Or, l’Etat est défaillant dans beaucoup d’écoles de notre pays car il ne met pas suffisamment de personnels encadrant pour que les sorties scolaires puissent avoir lieu.

Dans certains quartiers qui ont été ghettoïsés par des dizaines d’années d’échec de la politique de la ville, ces mamans voilées sont les seules présentes à accompagner les enfants à des sorties comme le musée par exemple.

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Voilà pourquoi cette affiche n’a aucune raison d’être retirée sauf à vouloir quelque part abdiquer devant celles et ceux dont l’islamophobie est le fond de commerce. Nous ne pensons évidemment pas que le ministre soit islamophobe mais nous voyons bien les réactions sur les réseaux sociaux qui sous prétexte de laïcité cachent à peine leur racisme.

L’affiche de la FCPE a été parodiée et diffusée par Laurent Bouvet qui fait partie du Conseil des sages de la laïcité. On y voit deux djihadistes. Le message est violent puisqu’il assimile le droit et la liberté de porter un foulard par conviction religieuse à du terrorisme. Ce message est extrêmement problématique…

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Vous avez raison. M. Bouvet est non seulement membre du Conseil des sages de la laïcité, et en cela il a un devoir d’exemplarité et de volonté d’apaisement des Français en créant un esprit de concorde entre eux, mais il est aussi professeur des universités.

A travers ce double titre, il n’est pas censé ignorer que l’on a pas le droit, dans ce pays, de faire de l’incitation à la haine envers les parents de confession musulmane.

Nous avons saisi notre avocat pour porter plainte contre M. Bouvet pour ces motifs là puisque nous estimons qu’il a clairement franchi la ligne rouge d’un point de vue légal.

Le Conseil d’état a été clair là-dessus : le principe de neutralité ne s’applique pas aux parents qui accompagnent aux sorties scolaires. Il est hors de question que ces mamans soient interdites de sorties scolaires tout simplement parce qu’elles portent un foulard sur la tête.

De la même manière que dans le cadre de la campagne d’affiches qui sont maintenant publiques, il y a des sanctions quand le droit est violé.

Ce n’est pas la FCPE qui applique ces sanctions mais le juge. L’attitude de M. Bouvet a été irresponsable sur les réseaux sociaux, en tant que leader d’opinion d’un réseau clairement identifié qui s’appelle le Printemps républicain.

Derrière cette polémique, on perçoit de nouveau la manifestation de positions laïcistes qui militent pour une exclusion publique de toute forme de visibilité religieuse. Une attitude pourtant condamnée par l’Observatoire de la laïcité dans plusieurs avis rappelant la bonne compréhension de la laïcité en France. Quelle est la position de la FCPE sur la laïcité ?   

La FCPE se positionne pour une laïcité qui inclue et non pour une laïcité qui exclue. La laïcité protège la liberté. Les règles sont claires. Le principe de neutralité dans le cadre d’une sortie scolaire s’applique au personnel éducatif mais pas aux parents ou aux usagers.

A partir de là, il y a effectivement des interprétations par des personnes, qui ne sont pas frappés du délit d’opinion car on a le droit d’avoir une opinion dans ce pays, mais on a pas le droit d’exposer une opinion en dehors du cadre légal.

Dans certains territoires de banlieue mais pas seulement, certains personnels pédagogiques ne font plus de sorties scolaires car ils imposent leur vision propre de la laïcité et leur vision de ce qu’est l’atteinte à la morale.

Vous avez des chefs d’établissements qui ont jugé bon de mesurer la taille de la longueur de la jupe d’une fille parce qu’elle serait contraire à la morale. Une autre chef d’établissement a refusé l’entrée d’une élève, et ses parents ont dû négocié, parce que leur fille avait une mèche blonde dans les cheveux !

Ce n’est pas en excluant les gens que nous parviendrons à faire cause commune ensemble. Il nous faut aller vers une République apaisée et l’apaisement ce n’est pas l’exclusion.

Chacun essaie d’interpréter les règles en fonction de sa vision. Or, c’est le droit qui fixe les règles, ce n’est pas l’interprétation des uns et des autres.

Il convient de recadrer les choses. Et le Conseil d’état a été clair là-dessus : le principe de neutralité ne s’applique pas aux parents qui accompagnent aux sorties scolaires.

Il est hors de question que ces mamans soient interdites de sorties scolaires tout simplement parce qu’elles portent un foulard sur la tête.

Qu’est-ce que cette polémique nous dit de l’ampleur de la fracture scolaire entre les territoires ?

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Cette question se pose évidemment en direction des personnels éducatifs qui ne veulent pas faire de sortie scolaire parce que les seules mamans présentes portent un foulard, mais elle s’applique également aux parents.

Par exemple, aujourd’hui certains parents, pour des raisons religieuses, font des certificats scolaires pour que leur enfant n’aille pas à la piscine.

A lire aussi : Au Sénat, les sorties scolaires pour les mères voilées, c’est fini !

Tout cela est illégal et il convient de remettre du droit et de la règle commune dans les écoles publiques.

On ne peut pas avoir une approche religieuse de l’éducation nationale mais une approche laïque et républicaine.

Tout le monde est concerné par cela, mais ce n’est parce qu’on va exclure des mamans qui portent un foulard que nous allons régler la question.

C’est un problème collectif et global car la société française est traversée par ces questions-là.

Nous croyons que l’école de la République française est celle qui est capable d’accueillir tout le monde.

Certains parents aussi doivent balayer devant leur porte car on apprend que dans certaines familles, on considère la femme comme inférieure à l’homme, ce qui est tout aussi illégal.

Heureusement qu’il y a l’école pour apprendre ces règles de droit car c’est aussi à l’école que les enfants apprennent à découvrir un monde et des idées qui ne sont pas forcément celles des familles, et il convient de les véhiculer dans un cadre serein et apaisé.

Ce n’est pas en excluant les gens que nous parviendrons à faire cause commune ensemble. Il nous faut aller vers une République apaisée et l’apaisement ce n’est pas l’exclusion.

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