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Otages israéliens et détenus palestiniens : analyse d’une sémantique partiale

Alors que la première phase du cessez-le-feu à Gaza permet la libération des israéliens détenus dans l’enclave et des Palestiniens emprisonnés par Israël, la couverture médiatique se concentre essentiellement sur le sort des premiers, qualifiés d’« otages », tandis que les seconds sont désignés comme « prisonniers ». Pourtant, au regard du droit international, la réalité s’avère bien plus complexe. Éclairage.

Depuis la mise en œuvre du Plan Trump entre Israël et le Hamas, les médias occidentaux semblent avoir adopté une lecture binaire : d’un côté, les « otages » israéliens détenus par le Hamas ; de l’autre, les « prisonniers » palestiniens incarcérés par Israël. Les premiers bénéficient d’une couverture médiatique « humaine », tandis que les seconds sont souvent réduits à des chiffres ou assimilés à des « terroristes » détenus légalement par l’État israélien.

80 % des Palestiniens sont détenus sans jugement

L’emprisonnement massif des Palestiniens dans des prisons israéliennes — qualifiées les ONG de véritables camps de torture — demeure largement passé sous silence. Et, malgré un récit médiatique rarement remis en cause, la distinction entre un groupe armé retenant des otages et un « État démocratique » enfermant des « terroristes » mérite d’être questionnée.

Alors que les groupes armés palestiniens détenaient 20 Israéliens durant cette première phase du cessez-le-feu, 10 221 personnes, en majorité des Palestiniens, étaient incarcérées au 1er janvier 2025 dans les prisons israéliennes, selon l’ONG israélienne Hamoked. 80 % d’entre eux sont détenus sans jugement. Israël recourt à plusieurs statuts juridiques permettant une détention prolongée sans procès, notamment celui de « combattant illégal », créé en 2002 et largement appliqué aux habitants de Gaza, y compris les civils.

« Au regard du droit international, ce statut de “combattant illégal” n’existe pas. Selon Israël, ce sont des membres de groupes armés ; or, Israël qualifie ces groupes d’illégaux et justifie ainsi leur détention. Finalement, Israël a légiféré pour violer “légalement” le droit international », dénonce le magistrat Ghislain Poissonnier, rappelant l’avis de la Cour internationale de justice du 19 juillet 2024.

Kidnapping de civils et tortures généralisées

D’après Amnesty International, ce statut est aussi utilisé contre des civils arrêtés à Gaza après le 7 octobre 2023. 1 886 Palestiniens étaient détenus sous ce régime au 1er janvier. « Israël a kidnappé à Gaza des centaines de civils — hommes, femmes, enfants, médecins, journalistes — dans le but de les échanger ou de faire pression sur leurs familles. Ces gens n’avaient rien fait. Ce sont donc des otages au sens littéral du terme », déclare la journaliste Meriem Laribi.

Le second statut couramment utilisé est celui de détention administrative, permettant d’enfermer des Palestiniens sans procès pour des périodes renouvelables indéfiniment. Au 1er janvier, 3 376 personnes étaient concernées.
« Jeter une pierre sur un véhicule militaire, ce n’est pas participer aux hostilités. Tout comme agiter un drapeau : ce sont des civils », insiste Ghislain Poissonnier.

Depuis octobre 2023, Israël empêche le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) de visiter ses prisons, en violation totale du droit international. Cette interdiction a favorisé la généralisation des mauvais traitements et de la torture.
Selon l’ONG B’Tselem, ces pratiques sont systématiques : « Nous avons reçu des témoignages de détenus venant de 13 prisons différentes, sans lien entre eux, qui décrivent les mêmes sévices. Les prisons israéliennes sont un réseau de camps de torture », affirme son porte-parole Shai Parnes.

Lire sur le sujet : Gaza : Une enquête révèle le système de détention des Palestiniens en Israël

« Il faut également une lecture anticoloniale de la situation »

Les images des prisonniers palestiniens libérés lors du cessez-le-feu confirment ces abus : plusieurs ont été hospitalisés dès leur sortie. 58 détenus sont morts en captivité depuis octobre 2023, selon l’organisation Palestinienne Addameer. « Tous les éléments sont réunis pour parler d’otages palestiniens : attente d’échange, torture, traitements inhumains, détention dans des lieux secrets », souligne Meriem Laribi.

Via son compte X, la journaliste ajoute : « Il faut également une lecture anticoloniale de la situation. Israël, en tant que puissance occupante, n’a aucune légitimité à juger les Palestiniens, même ceux accusés de crimes. » Et de conclure : « Les Palestiniens n’ont pas de tribunaux pour juger les Israéliens qui les tuent. Alors, au nom de quoi Israël les juge ? Au nom d’un rapport de domination colonial. Point à la ligne ».

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