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dimanche 28 avril 2024

Méditations aristotéliciennes I

Méditations aristotéliciennes I Mizane.info

Mizane.info publie la première méditation d’une série proposée par le doctorant en philosophie et chroniqueur Islam Belala. Un premier opus consacré à la philosophie éthique d’Aristote et plus précisément au rôle joué par l’habitude dans l’acquisition de la vertu.

Méditation première

L’habituation à l’excellence. L’éthique aristotélicienne comme ontologie de la praxis

« (…) ce n’est ni naturellement, ni contre-nature, que nous sont données les vertus. Au contraire, la nature nous a faits pour les recevoir, mais c’est en atteignant notre fin que nous les acquérons, par le moyen de l’habitude »

– Aristote, Éthique à Nicomaque, II, 1103a25, dans Œuvres complètes, trad. fr. P. Pellegrin (dir.), Paris, Flammarion, 2014.

Introduction

La citation d’Aristote sur l’acquisition de la vertu par l’habitude, tout en étant enracinée dans la faculté de l’homme à la recevoir naturellement, ouvre un espace richement nuancé de discussion autour de la dialectique entre la nature et la culture, l’inné et l’acquis, et l’ontologie de l’éthique.

Cette méditation propose d’explorer cette citation en relation avec la théorie éthique d’Aristote (l’éthique des vertus), ainsi que ses implications pour la philosophie politique, la philosophie de l’éducation et la philosophie de l’esprit.

Les paramètres aristotéliciens de l’éthique

L’éthique aristotélicienne est ancrée dans la notion de « telos », ou finalité. L’homme, pour Aristote, a une fin ou un but vers lequel tend naturellement son être. C’est dans ce contexte que la notion de vertu est intégrée. La vertu est une « hexis », une disposition stable acquise par l’habitude, et elle est le moyen par lequel nous nous dirigeons vers notre « telos ».

La citation en question met en avant une tripartition : la nature nous prédispose, l’habitude nous conditionne, et la finalité nous oriente. Cette tripartition résonne à travers le corpus aristotélicien, et elle peut être déchiffrée comme une axiomatique pour une éthique qui est à la fois naturaliste et normative.

Nature et culture : inné et acquis

Aristote nie que les vertus nous soient « données » soit entièrement par la nature ou contre elle. Cela a des implications profondes pour le débat entre l’innéisme et le constructivisme culturel.

Selon Aristote, nous sommes naturellement capables de vertu, mais cette capacité doit être réalisée par l’habitude, c’est-à-dire par la pratique répétée des actions vertueuses. Ici, il s’écarte à la fois du strict innéisme, qui prétend que les qualités morales sont essentiellement génétiques, et du strict constructivisme, qui soutient que les dispositions morales sont entièrement des constructions sociales.

L’éthique des vertus est une éthique de l’excellence

L’« excellence » (ou « arete ») est une fusion d’idéal d’éthique et de réalisation pratique. Dans le contexte aristotélicien, l’excellence est une habitude (« hexis »), en ce sens qu’il s’agit d’une qualité durable qui s’incarne dans la constitution même de l’individu.

C’est une vertu intériorisée, non seulement une règle externe à suivre comme dans le cadre du relativisme moral. L’homme devient vertueux en menant des actions vertueuses qui deviennent une partie de l’agent. Ainsi, l’agent prend « l’habitude » de la vie vertueuse.

Implications politiques et éducatives

Dans le cadre de la philosophie politique, cette axiomatique éthique soutient l’importance des institutions dans le conditionnement de l’individu à la vertu. Les lois et les coutumes ne sont pas seulement des contraintes externes, mais aussi des mécanismes de formation de l’habitude. Ceci offre une justification à l’État en tant qu’organisateur de la vertu.

C’est en forgeant que l’on devient forgeron, dit-on. L’affirmation d’Aristote a donc des répercussions politiques profondes. Une société qui valorise l’excellence comme habitude peut être perçue comme un régime qui encourage la participation civique, la formation du caractère et une citoyenneté active.

La pratique de la vertu devient un impératif social et politique. L’excellence devrait alors être l’objectif de tous, pas seulement une quête individuelle.

En matière éducative, la citation insiste sur le rôle de l’habitude dans la formation de la vertu. L’éducation ne consiste pas seulement en la transmission de connaissances mais aussi en la formation de caractère. L’éducation doit donc être conçue comme une pratique réfléchie de conditionnement habituel vers la vertu.

Conclusion

En somme, la citation d’Aristote offre une vision nuancée et holistique de l’acquisition de la vertu, qui est à la fois le produit de notre nature et de notre conditionnement.

Elle a des implications importantes pour plusieurs domaines de la philosophie et sert comme une sorte de clef de voûte pour la conception aristotélicienne de l’éthique.

Elle réaffirme le rôle essentiel de la pratique habituelle dans l’actualisation de nos dispositions naturelles vers la vertu, et par là, vers notre finalité propre.

Islam Belala

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