Plusieurs rassemblements ont eu lieu ce dimanche pour honorer la mémoire d’Aboubakar Cissé, lâchement assassiné dans une mosquée du Gard. Les manifestants ont dénoncé un « climat islamophobe » alimenté par le gouvernement et certains médias. Un sentiment renforcé par les réactions tardives et insuffisantes de plusieurs responsables politiques après le drame. Zoom.
Lors des hommages rendus, hier, au jeune Aboubakar Cissé, poignardé à mort dans une mosquée du Gard, les participants ont exprimé leur indignation face à un sentiment général de « deux poids, deux mesures », reprochant au gouvernement et aux médias d’entretenir un climat hostile aux musulmans.
« Le climat politique ne peut que favoriser de tels actes »
À La Grand-Combe, théâtre du drame, une impressionnante mobilisation a eu lieu dans cette commune de 5 000 habitants : environ 2 000 personnes ont défilé ce dimanche pour honorer la mémoire d’Aboubakar Cissé. Le cortège, calme et recueilli, a relié la mosquée Khadidja à la mairie, en présence de représentants musulmans, catholiques, juifs et protestants.
Abdallah Zekri, recteur de la mosquée Sud-Nîmes, présent lors de la marche, a vivement critiqué l’atmosphère d’hostilité alimentée par certains médias et responsables politiques : « Le climat politique actuel ne peut que favoriser de tels actes. Les musulmans sont attaqués du matin au soir sur certaines chaînes d’information. On nous accuse de tous les maux, il y a un amalgame permanent entre islam et islamisme. »
En dépit d’une forte mobilisation citoyenne, l’absence des élus locaux et nationaux (à l’exception de certains représentants de gauche) a été remarquée. Ni Christophe Rivenq, maire LR et président de l’agglomération d’Alès, ni le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau n’ont daigné faire le déplacement.
🇫🇷 FLASH – Plusieurs milliers de personnes défilent à La Grand-Combe en mémoire d’Aboubakar, le jeune homme de 22 ans brutalement tué dans la mosquée de la ville. (Midi Libre)pic.twitter.com/5vR4Rk8JXH
— Mediavenir (@Mediavenir) April 27, 2025
Sentiment d’abandon et d’épuisement
À Paris également, plusieurs centaines de personnes se sont rassemblées place de la République en hommage à Aboubakar Cissé. Un sentiment partagé d’abandon et de lassitude face à un “climat délétère” dominait parmi les participants. Nicolas Cadène, ancien rapporteur général de l’Observatoire de la laïcité, a confié :
« Les gens avec lesquels j’ai discuté ressentaient beaucoup de tristesse, mais aussi de fatigue face au climat délétère entretenu par certains médias et responsables politiques, et qui a tendance à s’aggraver ». Le sentiment d’un « deux poids, deux mesures » dans la couverture médiatique et politique du drame a été largement évoqué : « Évidemment qu’il y a un deux poids deux mesures. On le voit dans le vocabulaire. Si ç’avait été une personne blanche, on parlerait d’assassinat terroriste », s’est indignée une manifestante.
Comme à La Grand-Combe, seuls des dirigeants de gauche étaient présents. Jean-Luc Mélenchon, leader de La France insoumise (LFI), a dénoncé les propos islamophobes passés du ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau : « Qu’un ministre de l’intérieur puisse terminer une réunion en disant “À bas le voile !”… Imaginez qu’il ait nommé autre chose, des crucifix ou que sais-je encore ? […]. L’islamophobie, c’est au-delà de la haine. C’est la déshumanisation. ».
“Il est mort dans un lieu saint, donc pour moi, il est parti en martyr”, confie le frère d’Aboubakar, un jeune homme tué vendredi de plusieurs coups de couteau dans une mosquée de La Grand-Combe, dans le Gard. Le suspect, Olivier A., s’est rendu à la police en Italie. pic.twitter.com/J2PMeNp6ra
— AJ+ français (@ajplusfrancais) April 28, 2025
« L’islamophobie et l’extrême droite tuent en France »
Marine Tondelier, secrétaire nationale des Écologistes, a pour sa part déclaré : « L’islamophobie et l’extrême droite tuent en France », saluant le fait que le Premier ministre François Bayrou ait employé le terme « islamophobie » en réagissant au meurtre : « Je dis rarement du bien de ce gouvernement, mais j’ai été touchée que le premier ministre utilise ce mot. »
Trois jours après les faits, Olivier H., l’assassin présumé d’Aboubakar, s’est livré de lui-même dimanche soir dans un commissariat à Pistoia, en Italie. Selon Abdelkrim Grini, procureur de la République d’Alès, le suspect est interrogé sur place avant le lancement d’une procédure d’extradition vers la France.
D’après le procureur, Olivier H. aurait exprimé l’envie de « recommencer ». Le parquet national antiterroriste, samedi soir, était encore en train d’évaluer la qualification des faits. L’avocat de la famille d’Aboubakar Cissé, Mourad Battikh, affirme cependant qu’il s’agit clairement « d’un acte terroriste ». À ce stade, malgré les éléments suggérant un mobile islamophobe, le parquet d’Alès indique qu’« aucune piste n’est privilégiée ».
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