Le ministre israélien de la défense, Israël Katz, a présenté, début juillet, un projet de « ville humanitaire » sur les ruines de Rafah pour y entasser les Palestiniens de Gaza. La professeur et universitaire Palestinienne, Oroub Al-Abed, dénonce dans un article, publié sur Middle East Monitor, la création d’une « zone d’internement » et une stratégie israélienne visant « à pousser les Palestiniens vers l’exil permanent ».
À l’été 2025, alors que le monde entier est occupé par des débats sur les cessez-le-feu, Israël a dévoilé un plan effrayant : la création d’une « ville humanitaire » sur les cendres de Rafah. Dans le jargon de la bureaucratie, les responsables israéliens la décrivent comme une enclave contrôlée pour « protéger les civils ». Mais si l’on oublie les euphémismes, la réalité est bien plus sinistre : une zone d’internement sous contrôle militaire où jusqu’à deux millions de Palestiniens seront contrôlés, confinés et déplacés définitivement.
Après avoir subi l’une des plus grandes atrocités de l’histoire, celle de l’Holocauste, les dirigeants israéliens proposent aujourd’hui une politique envers les Palestiniens qui reflète de manière effrayante les horreurs qu’ils ont subies autrefois : parquer de force des civils, y compris des enfants, dans des enclaves hermétiques, semblables à des camps, sur les ruines de leurs maisons, sous contrôle militaire et détention illimitée.
Avec ce plan, ils menacent non seulement de déplacements massifs, mais aussi d’effacer tout un peuple de sa patrie. Cette proposition est un génocide, sans le nom : cibler les jeunes en sélectionnant exclusivement les hommes en âge de combattre et en les confinant en masse ; utiliser la famine et les bombardements comme outils de contrôle ; priver une population résiliente de sa capacité d’action et de son droit à rester sur ses terres.

Un camouflage linguistique colonial et violent
L’expression « ville humanitaire » n’est pas seulement trompeuse, elle est violente. C’est un camouflage linguistique utilisé pour masquer le mécanisme des déplacements forcés. Derrière ce mot se cache l’affirmation, aujourd’hui reprise par les responsables israéliens et américains, selon laquelle les Palestiniens se voient offrir aide et sécurité. Mais c’est un mensonge.
Un mensonge comparable à celui qui présente leur déplacement forcé comme une « évacuation volontaire ». Fuir la famine, les bombes ou le phosphore blanc n’a rien de volontaire. Être parqué dans des décombres sous surveillance militaire, coupé du monde extérieur, n’offre aucune protection humanitaire.
Cette terminologie – comme « ville humanitaire », « zone de sécurité », « couloir d’évacuation » – est le vocabulaire de la domination coloniale. Elle présente les Palestiniens comme une population à gérer, et non comme des personnes dotées de droits inaliénables. Elle efface leur histoire, leur souveraineté et leur droit au retour. Elle prétend que le transfert est une question de logistique, et non une violation du droit international. En réalité, ces termes servent l’architecture d’un plan profondément systématique : la transformation des Palestiniens en réfugiés permanents.

Une stratégie volontaire vers l’exil permanent
La Nakba de 1948 a déplacé plus de 700 000 personnes. La Naksa de 1967 en a ajouté des centaines de milliers. Les guerres de 2008, 2014 et maintenant de 2023-2025 n’ont pas seulement tué : elles ont dépossédé, un village, un camp, un quartier à la fois. Aujourd’hui, le projet de « ville humanitaire » sur les ruines de Rafah est présenté non pas comme une mesure temporaire, mais comme une nouvelle géographie permanente pour un peuple qu’Israël cherche depuis longtemps à faire disparaître.
Il faut s’attaquer au caractère systématique de ce transfert. Il ne s’agit pas de chaos, mais d’une volonté délibérée. Le ciblage des jeunes, la destruction des maisons et des hôpitaux, le refus d’aide, la fermeture des frontières – tout cela fait partie d’une stratégie qui pousse les Palestiniens vers l’exil permanent. Le terme « transfert », souvent employé froidement par les stratèges militaires et les politiciens, est lui-même un terme colonial. Il transforme le traumatisme en politique et l’expulsion d’un peuple entier en une tâche administrative. Il déshumanise. Il défigure la vérité.
L’acte même de nettoyage ethnique – par quelque moyen que ce soit – doit être dénoncé et combattu. Aux termes des Conventions de Genève, du Statut de Rome de la Cour pénale internationale et de toutes les grandes déclarations des droits de l’homme, le transfert forcé de civils sous occupation constitue un crime de guerre. Le justifier au nom de la « sécurité » ou de « préoccupations humanitaires » est non seulement immoral, mais illégal. Ceux qui facilitent ce crime ou gardent le silence à son sujet sont complices.

Israël organise l’anéantissement d’un peuple
Pendant ce temps, les pays arabes, invoquant le droit au retour, ont largement fermé leurs portes aux Palestiniens en fuite. Si cette position vise à empêcher l’exil permanent et à préserver les revendications territoriales des Palestiniens, elle les a en réalité laissés pris au piège, abandonnés à la famine et aux bombardements, sans véritable refuge. Le droit au retour est dénué de sens s’il n’y a plus personne vers qui se retourner, ni de terre où retourner.
Ce qu’Israël offre aujourd’hui n’est ni la sécurité, ni la paix. Ce n’est même pas l’exil. C’est quelque chose de bien plus cruel : une illusion de refuge sur les ruines de l’histoire, imposée par ceux qui ont eux-mêmes surgi des cendres du génocide en Europe. Qu’un État né d’une telle horreur organise aujourd’hui l’anéantissement d’un autre peuple est un effondrement moral trop vaste pour être compris.
Mais les Palestiniens ont toujours résisté à la disparition. Ils ont survécu aux guerres, aux sièges, aux trahisons et à l’abandon politique. La « ville humanitaire » sera peut-être construite avec des barbelés et des drones, mais elle ne contiendra jamais l’esprit d’un peuple qui se souvient de qui il est et de son appartenance. Aucun langage humanitaire ne saurait justifier un déplacement massif. Si le monde accepte ce plan, il acceptera la fin de la Palestine, non seulement en tant que terre, mais aussi en tant que peuple. Et nous n’accepterons pas cela.
Dr. Oroub Al-Abed