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jeudi 25 avril 2024

Kamil Samigullin : « Les arguments de ceux qui croient qu’il n’y a pas de nations dans l’islam sont sans fondement »

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Kamil Samigullin est mufti et président du Conseil spirituel musulman du Tatarstan. A l’aube du  prochain forum pan-russe des chefs religieux tatars, il rappelle les grandes lignes d’un document adopté en 2013 et qui définit la doctrine de l’islam national tatar. Une introduction intéressante proposée par Realnoevremya sur les rapports entre la doctrine de l’islam et son habillage national, culturel, politique et historique.

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Kamil Samigullin est mufti et président du Conseil spirituel musulman du Tatarstan.

En mai 2013, le IVe Forum panrusse des chefs religieux tatars s’est tenu à Kazan. A l’issu de ce forum, la conception de l’islam du monde Tatar a été adopté par le Conseil Spirituel Musulman de la République du Tatarstan en coopération avec l’Institut Islamique Russe et le Comité Exécutif du Congrès Mondial des Tatars dans un document. Ce document important reflète plusieurs questions théologiques et sociales fondamentales. Une grande attention a été accordée à la préservation et à la promotion des valeurs religieuses musulmanes traditionnelles, à la préservation des traditions spirituelles, morales et culturelles du peuple tatar, et au patrimoine des grands scientifiques et aux personnalités religieuses du passé. En d’autres termes, le programme détermine en fait les directives spirituelles de tout le peuple tatar.

La reconnaissance des autres confessions

« Les Tatars musulmans d’aujourd’hui, malgré des années de persécution de la religion et de la propagation d’un islam soi-disant pur, continuent d’être des maturidites et comprennent que leurs ancêtres ont consciemment choisi le hanafisme et le maturidisme », dit le document. Le hanafisme, comme aucun autre madhab (école juridique), correspond le mieux aux réalités russes, puisqu’il naît dans les conditions de la multiconfessionnalité. Il y a eu beaucoup de discussions sur les menaces de persécution des individus pour leurs croyances. Ainsi, le document de Kazan énonce clairement que « vous ne pouvez pas condamner les gens pour leurs croyances tant que ces croyances ne nuisent pas à la société et ne menacent pas son existence », bien que le même document conclut : « Afin d’éviter les malentendus et les problèmes parmi les Tatars musulmans, il est nécessaire d’adhérer au madhab hanafi. Dans le même temps, il faut supposer que l’observance d’un madhab en matière de rituels contribuera à l’unité des musulmans tatars et symbolisera leur unité. »

Le statut des pratiques non islamiques

D’année en année, la même question se pose aux musulmans : est-il juste de célébrer le Mawlid (naissance du Prophète) et d’observer les traditions nationales, dont certaines ne sont pas directement liées à l’islam. Voici ce qu’en dit le document national de Kazan: « Les traditions pré-islamiques pratiquées chez les Tatars après l’adoption de l’islam et qui ne contredisent pas la charia, selon le madhab hanafi, sont autorisées comme appartenant à la catégorie du droit coutumier (al ‘urf). Les traditions et les coutumes qui ne contredisent pas la religion et le bon sens sont acceptées dans la charia et sont à ce titre approuvées. Le Coran lui-même confirme cette source de la loi.

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Les rites musulmans et certains actes religieux, qui ont une base dans la charia, ne peuvent pas être considérés comme des innovations dans la religion. Par conséquent, du point de vue de la sagesse dans la da’wa (appel), il est inadmissible de désigner ces pratiques comme des innovations et d’interdire aux musulmans de célébrer le Mawlid, de lire certains versets du Coran et de réciter des invocations pour le repos de l’âme et le pardon des morts, d’utiliser des perles pour le dhikr, de visiter (ziyara) les tombes des justes et d’autres rites. Nous croyons que lors de tels événements, Dieu (Allah) accorde une faveur spéciale à ses serviteurs. Les musulmans pendant ce temps se souviennent de la miséricorde que Dieu a donnée au peuple en envoyant le Prophète Muhammad. »

L’ancrage historique du soufisme russe

Le document aborde également la question du développement du soufisme, qui est souvent comparé à une secte qui n’aurait pas sa place au Tatarstan. L’école traditionnelle soufie a pourtant un énorme potentiel pour lutter contre l’extrémisme et le radicalisme, renforcer l’humanisme et le dialogue interculturel. Le soufisme fait partie intégrante de l’islam russe traditionnel. Les riches traditions du soufisme sont typiques des peuples musulmans de la région de la Volga et du Caucase du Nord. Zaynulla ishan Rasulev, l’imam Shamil, Shihabetdin Marjani, Tajuddin Yalchygol, Mahmud afandi, Gabdrakhim Utyz Imyani, Sayfulla kady, Galimjan Barudi, Said afandi, Kursavi, Kunta haji témoignent de cette riche galaxie des grandes figures savantes du soufisme russe !

Le déni du multiculturalisme et de la tolérance religieuse, le rejet de la diversité culturelle en tant qu’état naturel de la société moderne est une voie sans issue pour le développement de l’islam en Russie. Les musulmans devraient faire tous les efforts possibles pour s’impliquer dans la vie publique

Les représentants du soufisme russe ont toujours été la partie la plus progressiste et patriotique de la communauté musulmane. Toute la théologie tatare traditionnelle est en quelque sorte liée aux traditions éprises de paix. Je crois que le soufisme est une véritable alternative pour les jeunes car les traditions du soufisme appellent à la tolérance, l’humilité et le respect mutuel, l’un des éléments les plus importants de la moralité humaine et une source nécessaire de discipline et de vertu spirituelles. « Le soufisme et ses traditions sont apparus sur les terres tartares parallèlement à la diffusion de l’islam », souligne à ce sujet le document de Kazan.

Du principe islamique des Nations

Ce dernier reflète pleinement l’approche islamique de la question nationale. Le principe de base est « le concept de la prédestination divine »: tout ce qui est créé par Allah ne peut pas être changé par des efforts humains, et donc la création des peuples en « tribus et nations » restera éternelle et inchangée. « Dans la société tatare, les idées nationales se sont rapidement unies à l’islam et ont contribué à renforcer la position de la religion tout en renforçant l’immunité de la culture nationale ». Raison pour laquelle la République du Tatarstan s’est donné pour mission de préserver son identité nationale tatare. Le grand Marjani ne pouvait pas se tromper lorsqu’il déclarait que « L’islam sera préservé grâce aux vêtements nationaux, aux traditions nationales et à la langue nationale. » Comme vous pouvez le voir, les arguments de ceux qui croient qu’il n’y a pas de nations dans l’islam sont sans fondement.

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Avant cela, il n’existait aucun document de ce type qui déterminait d’une manière ou d’une autre les questions des relations État-religions-laïcité. Un état laïc doit être distingué d’un état athée qui nie la religion en principe. Un État laïc peut coopérer avec diverses communautés religieuses et aider les croyants. Y a-t-il un type d’État plus approprié pour une république multinationale et multiconfessionnelle ? La laïcité de l’espace public rend la vie commune plus juste et confortable pour tous les citoyens de notre pays. Le Coran nous donne à ce sujet un principe, selon lequel les croyants doivent obéir à Dieu, au Messager et aux détenteurs du pouvoir (Sourate 4, verset 59).

Garantir la « souveraineté de l’espace spirituel russe »

Le déni du multiculturalisme et de la tolérance religieuse, le rejet de la diversité culturelle en tant qu’état naturel de la société moderne est donc une voie sans issue pour le développement de l’islam en Russie. Les musulmans devraient faire tous les efforts possibles pour s’impliquer dans la vie publique. Le monde multiculturel moderne est une situation d’idéologies concurrentes, qui peuvent être vaincues non par la force brutale de l’agression ou par un isolationnisme total, mais par le soutien d’une idéologie humaine plus adéquate. »

C’est précisément ce type de proposition religieuse qui est développée par le Conseil Spirituel Musulman de la République du Tatarstan. Tenant compte du fait que sur le territoire de toute la région de la Volga-Oural, les représentants du clergé musulman sont des personnalités religieuses tatares, l’utilisation du concept d’islam tatar dans leur travail s’est imposé. En outre, le président de la Russie Vladimir Poutine a défini la restauration des traditions théologiques et le patrimoine des musulmans russes, le retour de l’autorité de l’islam traditionnel, la renaissance de l’école théologique islamique nationale sur la base de l’islam traditionnel, exprimé par le hanafisme et le maturidisme comme les tâches principales qui assureront la « souveraineté de l’espace spirituel russe ».

Kamil Samigullin

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