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« J’accuse ce rapport d’être une œuvre de désunion » – Chems-eddine Hafiz

Le rapport sur la « menace » supposée des Frères musulmans continue de faire débat au sein de la communauté musulmane. Pour le recteur de la Grande mosquée de Paris (GMP) Chems-eddine Hafiz, ce rapport est « une œuvre de désunion ». Il dénonce, dans un billet publié hier, un texte qui essentialise « les musulmans de France, dans leur entièreté, dans leur diversité, dans leur dignité ». Focus.

« Le rapport récemment publié sur les Frères musulmans (…) ne vise pas à informer, mais à désigner. Il ne cherche pas à comprendre, mais à isoler ». Dans un éditorial percutant, paru hier, Chems-eddine Hafiz, est revenu sur le contenu du rapport déclassifié sur les Frères musulmans. Pour le recteur de la Grande mosquée de Paris, ce rapport est « une arme rhétorique, maniée contre une partie du peuple français ».

Un rapport qui entretient la peur et l’obsession

« Il est des moments de l’Histoire où la raison chancelle, où la République (..) cède aux facilités de l’obsession », le titre du billet, publié ce lundi sur le site de la GMP, donne le ton : « J’accuse… la République de livrer ses enfants à la suspicion ». Dans un long texte réprobateur et incisif, Chems-eddine Hafiz revient sur le contenu alarmiste du rapport sur les Frères musulmans (FM).

« Sous les habits feutrés d’un document administratif, c’est une rhétorique d’exception qui se déploie. Derrière la prétention à la rigueur, c’est un climat délétère que l’on entretient : celui de la peur, du soupçon, de la stigmatisation. »

Pour le recteur, « ce rapport n’est pas un outil de sécurité » mais plutôt « une arme rhétorique, maniée contre une partie du peuple français » : « On y traque non pas des actes, mais des intentions ; non pas des délits, mais des appartenances supposées ; non pas des projets criminels, mais des présences trop visibles, trop pieuses, trop musulmanes ».

« De l’anecdotique, on fabrique du systémique. Et de la diversité des parcours, des pratiques, des histoires musulmanes de France, on tire une fresque uniforme et menaçante, où tout croyant devient suspect, où toute mosquée devient bastion, où tout imam devient porte-voix d’un péril obscur. »

Un timing qui interroge

Alors que le communauté musulmane reste toujours meurtri par l’assassinat d’Aboubakar Cissé, il y a un mois, dans une mosquée du Gard, Chems-eddine Hafiz s’interroge notamment sur le timing de la parution publique du document : « pourquoi, dans une période où la douleur de nos concitoyens musulmans est encore vive, publie-t-on ce réquisitoire ? ».

« Les Français musulmans, bouleversés, attendaient un sursaut républicain, une reconnaissance, un mot de compassion. Ce fut un rapport. Ce fut un doigt pointé, une parole blessante, une défiance institutionnalisée. »

Une stigmatisation blessante vécue comme « une trahison morale » selon les mots du recteur de la Grande Mosquée de Paris car, dans ce rapport, ce ne sont pas les Frères musulmans qui sont ciblés mais bien « les musulmans de France, dans leur entièreté, dans leur diversité, dans leur dignité ».

Un communautarisme de survie

Le recteur revient également sur l’accusation de « communautarisme » en rappelant que s’il existe bien un sentiment « communautaire » au sein d’une partie des musulmans, « il n’est ni projet, ni doctrine, ni stratégie souterraine d’islamisation. Il est, bien plus prosaïquement, un instinct de survie ».

« Ce communautarisme tant redouté par ceux qui, de tribunes en plateaux, parlent des musulmans sans jamais les entendre, n’est que la résultante d’une longue chaîne de blessures. »

Partant de ce constat, pour Chems-eddine Hafiz, « le diagnostic posé par l’État est faux » : « le remède qu’on nous propose — surveillance, contrôle, suspicion — est plus mortel encore que le mal supposé. Il n’éteindra pas l’incendie : il soufflera dessus ».

« On ne construit aucun avenir sur le mépris »

Si la lutte contre le fanatisme est un sujet essentiel à traiter, on ne la combat pas « en généralisant la peur », déclare le recteur de la GMP. « On ne protège pas la République en y introduisant le poison de la suspicion collective. Et l’on ne construit aucun avenir sur le mépris ».

« Ce rapport ne fera pas reculer l’extrémisme : il nourrira les fractures » conclut l’avocat dans son billet. « J’accuse ce rapport d’être une œuvre de désunion. J’accuse ses auteurs d’avoir substitué à la rigueur l’idéologie, à la prudence le soupçon, à la justice l’injustice. J’accuse ceux qui s’en servent de préférer la peur à la paix ».

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