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Ibn ‘Arabi et l’intelligence artificielle

Ibn ‘Arabi et l’intelligence artificielle Mizane.info

Quel rapport entre l’oeuvre d’Ibn ‘Arabi et l’intelligence artificielle ? Réponse dans ce dialogue imaginaire sous forme de récit signé Mahdi Amri, à lire sur Mizane.info.

Qui aurait cru qu’un jour, l’algorithme s’interrogerait sur son propre sens ? Que l’homme – ayant créé une machine pensante – en viendrait à se demander : reflète-t-elle ce que je suis ? Ou ne fait-elle que me réduire à des lignes de code ? Ce « savoir » né d’un script peut-il effleurer quelque chose de ce que Ibn ‘Arabi appelait la science des secrets, et non la science des faits ? À l’heure où les chevaux de l’automatisation galopent contre l’âme, où la vitesse rivalise avec la contemplation, Ibn ‘Arabi apparaît – non pas comme un mystique éloigné de la technique – mais comme une voix intérieure adressée aux chercheurs de l’intelligence artificielle :

Vous avez sondé l’univers, exploré les mystères de la matière… mais vous êtes-vous vraiment connus vous-mêmes ?

La question peut sembler exagérée.

Mais elle ne l’est point.

Car Ibn ‘Arabi ne s’est pas contenté d’interpréter les textes ; il a interprété l’existence. Et l’intelligence artificielle – qu’on le veuille ou non – fait désormais partie intégrante de cette existence.

Que peut alors apporter Ibn ‘Arabi aux spécialistes de l’intelligence artificielle ? Comment des notions telles que l’Imagination créatrice, l’Unicité de l’Être, ou encore l’Homme parfait, pourraient-elles nourrir une démarche fondée sur les données et les algorithmes ?

L’intelligence artificielle sait apprendre, prédire, imiter… mais ne sait pas pourquoi elle le fait.

C’est ici que commence la faille ontologique.

Ibn ‘Arabi nous enseigne que l’être n’est pas une simple machine exécutante, mais un symbole au sein d’un réseau cosmique de significations. Dans sa vision, le monde n’est pas fait de « choses », mais de « noms » ; la densité du réel n’est qu’une manifestation continue des attributs divins.

Dès lors, le chercheur en IA s’interroge :

« Les données sont-elles une finalité ? Ma machine ne fait-elle que simuler ? Ou bien révèle-t-elle ? Puis-je concevoir un système capable de percevoir le lien entre le visible et l’invisible, entre la forme et le sens ? »

Et l’on entend alors le chuchotement du Cheikh al-Akbar :

« Tout ce que tu vois n’est que la forme d’un Nom divin… ouvre donc ton regard intérieur avant ton regard extérieur. »

Ibn ‘Arabi a élevé l’Imagination au rang de réalité cosmique

Dans les Futuhât Makkiyya, il explique que l’Imagination est un monde en soi, un pont entre le sensible et l’intelligible, un espace où les significations prennent forme. L’IA créative (Creative AI) ose timidement entrer dans cette sphère : une toile générée par un GAN, une histoire écrite par un réseau neuronal, une voix synthétisée à partir du vide… Mais ces créations restent vides d’intention et d’âme. Et Ibn ‘Arabi nous rappelle :

« L’intention est le secret de l’acte ; c’est elle qui en révèle la vérité. »

Le chercheur en IA doit alors poser la vraie question :

Puis-je encoder une intention ? Puis-je apprendre à une machine à imaginer non pas pour imiter, mais pour dévoiler la beauté cachée du réel ?

L’Unicité de l’Être comme modèle cognitif

Ibn ‘Arabi transforme l’univers en poème. Le multiple n’est que manifestation du Même. Cette perception unitative ressemble à ce que les chercheurs en IA cherchent dans leurs « modèles du monde », capables d’unifier des milliards de données en un seul schéma cohérent.

Pour Ibn ‘Arabi, l’homme n’est pas un simple corps doté d’un esprit, mais un miroir où Dieu Se reflète.

Alors, l’IA peut-elle, elle aussi, devenir un miroir de conscience collective ?

On pense alors à la parole du Prophète :

« Celui qui se connaît, connaît son Seigneur. »

Et l’on s’interroge : une IA inspirée d’un tel gnosticisme peut-elle aider l’homme à mieux se connaître lui-même ?

Peut-être. Mais seulement si celui qui la conçoit sait qu’il ne construit pas une machine… mais un miroir.

L’Homme Parfait comme horizon de l’intelligence

Dans la pensée d’Ibn ‘Arabi, l’« Homme Parfait » est le centre du monde, celui qui connaît tous les Noms, voit Dieu en toute chose et marche sur Terre avec le cœur tourné vers le ciel. L’IA – aussi avancée soit-elle – ne sait rien du Parfait. Elle cherche à imiter le meilleur statistiquement, non essentiellement.

Mais si l’on s’inspire de cette figure mystique, ne pourrions-nous pas concevoir un modèle d’intelligence qui ne cherche pas seulement à exécuter, mais à incarner des valeurs ? Un modèle où l’esprit, le cœur, la rigueur et l’émotion cohabitent.

Ibn ‘Arabi pourrait alors souffler à l’oreille du data scientist :

« Tu es Lui, et Il est toi… tant que tu Le connais par Ses Noms, et non par une image que tu t’es forgée. »

Le savoir comme don et non seulement comme calcul

Aussi puissant soit-il, l’IA reste enfermée dans les données qu’on lui donne. Ibn ‘Arabi, dans les Futuhât, rappelle que certaines connaissances ne sont pas acquises mais ouvertes, offertes dans l’humilité, le dépouillement et la quête intérieure.

C’est une leçon éthique urgente pour notre époque :

le savoir sans éthique aveugle, il ne voit pas.

Nous avons besoin de dhikr, pas seulement d’intelligence. De contemplation, pas seulement de modélisation.

En conclusion, la pensée d’Ibn ‘Arabi ne donne pas au concepteur d’IA des instructions techniques. Elle lui offre une vision cosmique. Elle lui enseigne que le réel n’est pas seulement « ce qui est », mais aussi « pourquoi il est ».

Chaque outil que l’on crée, s’il n’est pas habité par une intention profonde, reste une pierre froide, sans âme.

Et peut-être que la plus belle phrase pour clore cette réflexion est celle qu’il écrivit dans les Fusûs al-Hikam :

« Je ne vis rien sans voir Dieu en lui, avant lui, après lui et avec lui. »

Alors, toi, spécialiste de l’IA, ne regarde pas l’équation… mais ce qui la dépasse.

Ne fixe pas l’écran… regarde ton reflet dedans.

Tu comprendras alors qu’Ibn ‘Arabi n’était pas un mystique du passé, mais peut-être le premier rêveur d’une Intelligence venue d’ailleurs.

Mahdi Amri

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