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dimanche 28 avril 2024

Science du hadith : la division du travail entre traditionnistes et juristes

Sur Mizane.info, suite de l’article de l’islamologue et historien Jonathan Brown consacré à la critique du contenu du hadith (matn). Dans cette troisième partie, Jonathan Brown présente l’évolution prise par la critique interne (matn) et la division du travail opérée entre traditionistes, attachés à l’authentification de la chaîne, et juristes, concentrés sur l’évaluation critique du sens du hadith.

La subjectivité inévitable de la critique du contenu apparaît dans la manière dont différents savants musulmans ont abordé la critique du hadith. Certains critiques du hadith étaient plus susceptibles de rejeter systématiquement du hadith sur son contenu, tandis que d’autres s’éloignaient nettement de la critique du contenu en faveur d’une interprétation charitable. Nous avons déjà vu Ibn Hazm distinguer un hadith du vénéré Ṣaḥīḥ d’al-Bukhārī pour en critiquer le contenu, tandis que le grand savant irakien du hadith al-Dāraquṭnī (m. 385/995) critiquait 217 hadiths dans les recueils d’al-Bukhārī et de Muslim pour leur isnad, sans jamais mentionner une objection sur leur contenu. 1

Deux savants renommés offrent une comparaison utile dans leur attitude envers la critique du matn (contenu du hadith, ndlr) : le savant damascène du hadith, Shams al-Dīn al-Dhahabī (d. 748/1348) et le maître Ḥanafi résident de La Mecque, Mullā ʿAlī al-Qāriʾ (mort en 1014/1606). Le premier était un Shāfiʿite avec de fortes tendances salafites qui a produit des dictionnaires biographiques et des ouvrages de ḥadīth, Le second était un Ḥanafī et Ashʿarī 2 connu pour ses commentaires encyclopédiques sur de nombreux textes de hadith.

Al-Dhahabī se lance dans la critique du contenu avec une fréquence remarquable dans son Mīzān al-iʿtidāl fī naqd al-rijāl, un recueil de transmetteurs de hadith contestés. Sa critique des hadiths individuels survient alors qu’il énumère les hadiths problématiques dans lesquels un narrateur a été accusé de produire un faux.

Al-Dhahabī rejette certains hadiths en raison de leur contenu illogique ou déraisonnable. Par exemple, il critique un hadith dans lequel le Prophète aurait déclaré que surveiller la côte (pour détecter l’arrivée d’une flotte hostile, ndlr) pendant une nuit vaudrait mieux que les bonnes actions accomplies durant une période de 1 000 ans, dont chaque jour équivaudrait à 1 000 années normales. Al-Dhahabī s’oppose à ce récit car il conduirait à une récompense scandaleusement importante dans l’au-delà. D’après son calcul approximatif, cet acte équivaudrait à accomplir de bonnes actions de manière constante pendant 360 000 000 de jours. 3

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Évaluant un hadith décrivant comment l’empereur byzantin aurait envoyé au Prophète un cadeau composé de gingembre (zanjabīl), al-Dhahabī objecte que cet acte est invraisemblable pour deux raisons. Premièrement, il n’y a aucune trace que l’empereur byzantin aurait envoyé des cadeaux au Prophète et, deuxièmement, cela équivaudrait à envoyer du charbon à Newcastle : « Un cadeau de gingembre d’Anatolie au Hedjaz est quelque chose que la raison rejette, car cela est semblable à l’envoi de dattes d’Anatolie à Médine. » 4

Al-Dhahabī a abandonné plusieurs hadiths en raison de leur anachronisme. Il rejette un hadith dans lequel le Prophète raconte comment « Gabriel vint vers moi avec un plat de fruits du Ciel, alors je le mangea. Puis j’eu un rapport intime avec mon épouse Khadīja et [elle tomba enceinte de] Fāṭima… (jāʾanī Jibrāʾīl bi safrajalla min al-janna fa-ʾakaltuhā fa-wāqaʿtu Khadīja fa-ʿallaqat bi-Fāṭima…). Al-Dhahabī proteste : « Même les enfants savent que Gabriel n’est descendu sur le Prophète que quelque temps après la naissance de Fāṭima. » 5

Al-Dhahabī critique également un ḥadīth rapporté par Abū Mūsā al-Ashʿarī sur les voyages d’adolescents du Prophète en Syrie avec son oncle Abū Ṭālib. « Ce qui montre que cette [version] est fausse, c’est la partie qui dit : ‘Et Abū Ṭālib le renvoya, et Abū Bakr envoya Bilāl avec lui’, parce que Bilāl n’était même pas encore né et qu’Abū Bakr n’était qu’un jeune garçon. » 6

Al-Dhahabī rejette également un ḥadīth selon lequel « [l]e Prophète a fixé des lieux pour entrer dans l’état de pèlerinage rituel pour les habitants de Madāʾin al-ʿAqīq et pour les habitants de Basra Dhāt ʿIrq (waqqata al-Nabī [ṣ] li-ahl al-Madāʾin al-ʿAqīq wa li-ahl al-Baṣra Dhāt ʿIrq). » Ce rapport doit être un faux car Bassorah n’existait pas à l’époque du Prophète, note al-Dhahabī, « elle a plutôt été établie comme ville de garnison à l’époque de ʿUmar. » 7

La notion d’impossibilité physique faisait également partie de la boîte à outils critique d’al-Dhahabī. Il note un ḥadīth enregistré par Ibn ʿAdī d’après Ibn ʿUmar dans son Kāmil, selon lequel « le Prophète sortit un jour de sa maison et avait en main deux livres avec les noms des gens du Ciel et des gens de l’Enfer [écrits dedans ], identifiant chacun par leurs noms, les noms de leurs pères et de leurs tribus (kharaja rasūl Allāh (ṣ) dhāt yawm…). » 8 Al-Dhahabī objecte : « C’est un ḥadīth (munkar jiddan) totalement inacceptable, puisque le poids des deux livres serait énorme (impossible à soulever, ndlr). » 9

Ces exemples de critiques du matn (contenu) se produisent dans le contexte des critiques des émetteurs contestés dans le recueil d’al-Dhahabī. En tant que tel, on pourrait soutenir qu’al-Dhahabī a peut-être envisagé de découvrir des failles dans ces ḥadīths uniquement parce qu’il était déjà convaincu du manque de fiabilité de ceux qui les transmettaient. Certes, la discussion de l’auteur sur ces matns problématiques dans son Mīzān se veut une mise en accusation de leurs émetteurs.

Mais tous les ḥadīths transmis par ces narrateurs n’étaient pas considérés comme peu fiables. 10 Cinq des six transmetteurs mentionnés ci-dessus sont des narrateurs utilisés dans un ou plusieurs des Six Livres canoniques de hadiths. De plus, deux des ḥadīths mentionnés ci-dessus par al-Dhahabī sont eux-mêmes inclus dans ces ouvrages canoniques. Al-Dhahabī a donc choisi d’inclure ses critiques des ḥadīths ci-dessus avant tout parce que leurs significations lui paraissaient répréhensibles.

En outre, al-Dhahabī se livre à une critique du contenu des ḥadīths dont il admet que les sanads (pluriel de isnad, chaîne de transmissions) ne présentent aucune faiblesse. Il remarque qu’un ḥadīth dans lequel le Prophète est décrit comme récitant la basmala à voix haute dans la prière a été forgé « même si son isnād est aussi claire que le soleil. » 11

Ici, le lecteur d’al-Dhahabī reconnaîtra la grande controverse à laquelle il fait référence : l’insistance obstinée de l’école shafi’ite à réciter la basmala à haute voix dans la prière malgré les hadiths affirmant que le Prophète n’a jamais fait cela, ainsi que la fausseté évidente des hadiths soutenant la position shafi’ite. 12

Al-Dhahabī déclare également qu’un autre hadith constamment critiqué pour son sens imparfait, dans lequel Abū Sufyān, nouvellement converti, demande au Prophète d’épouser sa fille Umm Ḥabība, était « une tradition inacceptable (aṣl munkar) », même si ce ḥadīth figurait dans le Ṣaḥīḥ vénéré de Muslim (comme d’autres critiques l’avaient souligné). Le Prophète avait en effet déjà épousé Umm Ḥabība plus tôt, à son retour d’Éthiopie. 13

Bien qu’il ne s’agisse pas d’un ḥadith prophétique, al-Dhahabī réagit avec la même incrédulité un récit selon lequel Ibn Ḥanbal reconnaît à contrecœur la vérité du soufisme tel que pratiqué par son rival al-Ḥārith al-Muḥāsibī : « Cette histoire a un isnād authentique mais est irrecevable (munkara). Cela ne convient pas à mon coeur (lā taqaʿu ʿalā qalbī), et j’ai considéré qu’il était hautement improbable que cette déclaration émane de quelqu’un comme Aḥmad. » 14

Mullā ʿAlī al-Qāriʾ représente pour sa part l’extrême opposé du spectre des critiques du contenu des hadiths. Dans sa compilation de faux ḥadīths, l’Asrār al-marfūʿa fī al-aḥādīth al-mawḍūʿa, Mullā ʿAlī instruit, à plusieurs reprises, son lecteur sur le devoir de soumettre des objections rationnelles à l’autorité de l’isnād.

Abordant un hadith controversé affirmant que tout ce que quelqu’un dit après avoir éternué est vrai, Mullā ʿAlī rejette les critiques comme Ibn Qayyim al-Jawziyya, qui avait déclaré le ḥadith faux en partie à cause de sa signification absurde, en affirmant : « Si quelque chose a été établi par transmission [du Prophète], alors il ne faut pas tenir compte (lā ʿibra) d’une quelconque contradiction avec la perception sensorielle ou la raison. »

Au lieu de remettre en question la fiabilité d’un ḥadīth sur la base de la raison, il faut l’accepter sur la base de la fiabilité de son isnad et s’appuyer sur une interprétation charitable. Discutant du ḥadīth controversé raconté par Ḥammād b. Salama dans lequel le Prophète raconte comment il a vu Dieu à l’image d’un « jeune imberbe (amrad) », Mullā ʿAlī rejette l’opinion de Tāj al-Dīn al-Subkī (d. 771/1370) et d’autres qui le déclarent clairement faux. 15

Il n’y a aucun problème avec la signification du ḥadith, explique Mullā ʿAlī, puisqu’il décrit quelque chose que le Prophète a vu dans un rêve. Les rêves n’ont aucun lien nécessaire avec la réalité et sont simplement représentatifs. Il conclut : « En effet, si [l’évaluation du] ḥadith est basée sur un élément de son isnād qui démontre qu’il s’agit d’un faux, alors nous concédons le point [qu’il est faux]. Mais autrement, le domaine des interprétations possibles est suffisamment vaste (fa-bāb al-taʾwīl wāsiʿ muḥattam). » 16

Mullā ʿAlī conteste la conclusion d’Ibn Hajar et d’autres selon laquelle il n’y a aucun fondement pour le ḥadīth : « La populace insensée de La Mecque remplit le Paradis (sufahāʾ Makka ḥashw al-janna). » Encore une fois, Mullā ʿAlī souligne la priorité absolue de fonder les évaluations des ḥadiths sur la force de leur transmission, et non sur leur signification.

« Tout d’abord (thabbit al-ʿarsh thumma unqush),17 », enseigne-t-il, « la question se concentre sur l’authenticité de l’attribution (mabnā). Puis, cela se ramifie vers l’exactitude du sens. » Mullā ʿAlī avance ensuite plusieurs interprétations possibles du ḥadith, comme par exemple le lire comme un témoignage de la position de la Kaʿba et de la Mecque aux yeux de Dieu. 18

Mullā ʿAlī réprimande même al-Dhahabī pour sa facilité à critiquer le contenu. Al-Dhahabī avait affirmé que le ḥadīth « Le seigneur des Arabes est ʿAlī (sayyid al-ʿarab ʿAlī) » était faussement attribué au Prophète. Mullā ʿAlī commente : « Peut-être regardait-il le sens, bien que [le ḥadīth] soit établi avec certitude quant à l’authenticité de l’attribution (maʿa qaṭʿ al-naẓar ilā ṣiḥḥat al-mabnā). » 19

L’incohérence constante de l’approche des chercheurs en matière de critique du contenu tourmente cependant Mullā ʿAlī lui-même. Il s’appuie sur une critique du contenu pour condamner le ḥadīth suivant : « Les étrangers [ou soufis] sont les héritiers des prophètes, car Dieu n’a envoyé de prophète que s’il était un étranger parmi son peuple (al-ghurabāʾ warathat al-anbiyāʾ). wa lam yabʿath Allāh nabiyyan illā wa huwa gharīb fī qawmihi…). Mullā ʿAlī juge que ce ḥadith ne peut pas provenir du Prophète (c’est-à-dire qu’il est bāṭil) parce que le Coran dit que Noé, Hud et Ṣāliḥ furent tous envoyés par Dieu vers leurs propres peuples. 20

La subjectivité de la critique du contenu sur des hadiths spécifiques dans l’Islam pré-moderne

La subjectivité inhérente de la critique du contenu et la tension entre les lectures critiques et caritatives sont claires dans les manières radicalement différentes dont les critiques du ḥadīth ont réagi aux mêmes récits. Un exemple vient de notre plus ancienne compilation de faux ḥadīths, le Tadhkirat al-mawḍūʿāt d’Abū al-Faḍl Muḥammad b. Ṭāhir al-Maqdisī (mort en 507/1113).

Ce livre répertorie 1 119 ḥadīths que l’auteur considère comme des faux, et dans le cas de tous les ḥadīths sauf un, l’auteur déclare que son contenu est un faux basé sur un émetteur problématique dans l’isnād. Une seule fois, al-Maqdisī fonde sa décision sur la critique du contenu.

Il s’agit du récit dans lequel le Prophète dit : « L’image de ma communauté est celle de la pluie. On ne sait pas ce qui est le meilleur, son début ou sa fin (mathalu ummatī mathal al-matar lā yudrā awwaluhu khayr aw ākhiruhu). »

Bien qu’al-Maqdisī présente la preuve technique que ce ḥadīth est un faux sur la base de la présence de l’émetteur problématique Hishām b.ʿUbaydallāh al-Rāzī dans l’isnād, il ajoute une critique acerbe de son contenu : « Il a été transmis de manière authentique que [le Prophète] a dit : « La meilleure génération est ma génération, puis celle qui me suit (khayr al-qurūn qarnī thumma alladhī yalūnahum). » 21

En effet, contrairement à la pléthore d’autres ḥadiths décrivant l’entropie historique de la société musulmane à mesure qu’elle se détériore depuis l’époque du Prophète, la parabole du Ḥadith de la pluie suggère que les générations futures de musulmans seront peut-être plus justes que les précédentes.

Ce ḥadīth, cependant, a été largement considéré comme parfaitement fiable et sans aucun contenu répréhensible. Ibn Ḥibbān (m. 354/965) l’a inclus dans son Ṣaḥīḥ, al-Tirmidhī l’a inclus dans son Jāmiʿ, et Ibn ʿAbd al-Barr (d. 463/1070) et al-Suyūṭī l’ont considéré comme ḥasan. 22

En réalité, c’est précisément la vision non entropique de l’avenir de la Oumma qui a rendu ce hadith appréciable par de nombreux savants musulmans. Dans l’introduction de son dictionnaire biographique des soufis célèbres, al-Sulamī (m. 412/1021) voyait dans la parabole du ḥadith de la pluie un complément parfait aux récits affirmant que la plus grande génération était celle des Compagnons.

Il comprit que, pris ensemble, ces deux ḥadīths signifient que ni les premiers musulmans, ni les générations ultérieures de la communauté ne seraient dépourvus de figures pieuses. 23 Des dictionnaires biographiques ultérieurs, comme le Kawākib al-sāʾira bi-aʿyān al-miʾa al-ʿāshira. de Najm al-Dīn al-Ghazzī (m. 1061/1651), citent la parabole du ḥadith de la pluie précisément dans le but d’assurer la présence de musulmans dignes dans les générations futures. 24

Le ḥadīth choisi par al-Jaṣṣāṣ comme exemple de récit dont le sens se prête à une interprétation problématique offre un autre exemple : « L’enfant né de l’adultère n’entrera pas au paradis (lā yadkhulu al-janna walad al-zinā). » Abū al-Khayr Aḥmad al-Ṭāliqānī (m. 590/1194) raconte qu’en 576/1180 une discussion animée à propos de ce ḥadīth éclata parmi les étudiants de la Niẓāmiyya de Bagdad.

A lire aussi : Le rejet de la critique interne du hadith en théorie et en pratique

Un parti a insisté sur le fait que le ḥadith avait été falsifié parce qu’il violait le principe coranique selon lequel « aucun porteur de fardeaux ne porte les fardeaux d’un autre » (Coran 6 : 164) tandis qu’al-Ṭāliqānī soutenait que, contrairement aux autres musulmans qui meurent enfants, cet enfant adultère ne rejoindrait pas ses parents musulmans au paradis parce que sa paternité était incertaine. 25

Dans son célèbre Kitāb al-Mawḍūʿāt, Ibn al-Jawzī (d. 597 /1201) affirme qu’aucune des variantes de ce ḥadīth n’est authentique et réaffirme qu’elles violent ce vénérable principe coranique. 26 Ibn al-Qayyim, Ibn Ḥajar al-ʿAsqalānī, Shams al-Dīn al-Sakhāwī, l’Indien Jamāl al-Dīn Muḥammad Ṭāhir al-Fatanī (m. 986/1578-9) et Mullā ʿAlī al-Qāriʾ ont tous répété cette critique, même si certains ont également tenté de défendre les interprétations atténuant sa signification problématique. 27

Ibn al-Qayyim déclare que cet enfant est créé à partir d’un zygote impur et que seules les âmes pures et bonnes entrent au paradis. Ibn Hajar et son élève al-Sakhāwī ont suggéré que ce ḥadith suppose que l’enfant commettrait le même péché que ses parents.

Continuité et intensification de la critique du matn dans la période moderne

La critique du contenu a fleuri avec la confrontation des musulmans avec la modernité et la science occidentales. Des savants réformistes influents comme Sir Sayyid Ahmad Khan (décédé en 1898) en Inde et Muḥammad ʿAbduh (décédé en 1905) en Égypte ont cherché à réformer l’islam comme étant une religion compatible avec le rationalisme. Ils ont fait tout leur possible pour l’éloigner de la « superstition » et de la cosmologie ptoléméenne.

Khan, ʿAbduh et leurs disciples étaient de fervents musulmans déterminés à affirmer la valeur globale de la tradition savante islamique. Mais ils ont également critiqué ce qu’ils considéraient comme ses excès et ses déviations, arguant que le véritable message de la religion était compatible et même représentatif du meilleur du monde moderne.

Si la tradition sunnite du ḥadīth avait authentifié des récits apparemment absurdes comme le hadīth de la mouche, comment le corpus du ḥadīth pourrait-il être défendu dans un contexte moderne ? Dans quelle mesure les réformistes étaient-ils disposés à critiquer la tradition du ḥadīth, et comment pouvaient-ils justifier sa refonte ?

Des documents comme le hadīth de la mouche remettaient en question la question de savoir si les savants sunnites classiques du ḥadīth avaient réellement procédé à une critique du contenu. Certains penseurs musulmans modernes ont insisté sur le fait que leurs ancêtres procédaient rigoureusement à une critique du contenu.

L’un des disciples les plus conservateurs de Khan, l’écrivain indien Shibli Numani (décédé en 1916), explique dans l’introduction de son interprétation moderne de la Sīra que les savants musulmans du ḥadīth se sont en effet engagés dans une critique du contenu (il l’appelle critique dirāya, ou « juger de la véracité d’un récit à la lumière de ses connaissances ou de son expérience ») dès l’époque des Compagnons. Il cite ensuite les listes bien connues de critères de critique du contenu (matn) trouvées dans les travaux d’al-Khaṭīb et d’Ibn al-Jawzī. 28 Plus récemment, Yūsuf al-Qaraḍāwī a souscrit à cet position. 29

D’autres réformistes, suivant en cela les traces de ʿAbduh, comme l’intellectuel égyptien Jamāl al-Bannā (frère de Ḥasan al-Bannā), estime que les premiers critiques du ḥadīth ont totalement échoué à examiner le matn et voit cet échec comme un argument majeur en faveur du manque de fiabilité général du corpus du ḥadīth. 30

D’autres ʿulamāʾ modernes ont tenté de concilier l’engagement méthodologique déclaré des sunnites en faveur de la critique du contenu avec leur application manifestement incohérente. Ahmad Khan a soutenu que la tradition islamique du ḥadīth avait en général cultivé un héritage de critique du matn, soulignant la liste omniprésente des critères du contenu discutée ci-dessus.

Mais il admettait que les grands compilateurs de hadiths du troisième/neuvième siècle ne s’étaient pas réellement engagés dans une critique du contenu lors de la compilation de leurs œuvres. Il était d’avis qu’ils avaient laissé cela aux générations suivantes – expliquant de la sorte la présence de tout contenu absurde trouvé dans leurs livres et justifiant sa réévaluation. 31

Le réformiste égyptien Azharī Muḥammad al-Ghazzālī (mort en 1996) déclare fièrement dans son ouvrage influent al-Sunna al- nabawiyya bayn ahl al-fiqh wa ahl al-ḥadīth que deux des cinq conditions pour qu’un ḥadīth soit déclaré ṣaḥīḥ impliquent de vérifier sa signification (à savoir l’absence de défauts de transmission cachés [ʿilla] et d’une signification anormale [shudhūdh] ).32

Dans un ouvrage ultérieur, al-Ghazzālī réitère la position d’une liste standard des critères de la critique du contenu et vante lui aussi l’expression consacrée avoir du « nez » (malaka) revendiquée par des savants comme Ibn Daqīq al-ʿĪd pour détecter les contrefaçons. 33

D’autres défenseurs musulmans orthodoxes modernes de la tradition du ḥadīth, ainsi que des réformateurs conservateurs, ont expliqué le manque apparemment flagrant de critique du contenu dans une grande partie du corpus du ḥadīth par une division du travail : alors que les critiques du ḥadīth s’étaient concentrées sur l’isnād, les juristes (fuqahāʾ) avaient évalué si la signification des ḥadīths était conforme aux enseignements islamiques.

Répondant à la critique de Goldziher sur le manque de critique du contenu (matn) parmi les premiers critiques du ḥadīth comme al-Bukhārī, le traditioniste ottoman Muḥammad Zāhid al-Kawtharī (mort en 1952) lui concède ce point. La critique du contenu (naqd dākhilī), réfute-t-il, n’a pas été entreprise par les critiques du ḥadīth. Elle a été cependant réalisée par des juristes : « Les deux groupes se partagèrent les [différents] aspects de la critique du ḥadīth (wa’l-farīqān taqāsamā wujūh naqd al-ḥadīth). » 34

Cette division du travail et le fait que les premiers critiques du ḥadīth ne considéraient pas la critique du contenu comme faisant partie de leurs devoirs fournissent aujourd’hui une solution pour traiter les ḥadīths problématiques : même si un isnad particulier est ṣaḥīḥ, c’est en fin de compte le juriste qui décide si le matn qui l’accompagne représente véritablement les enseignements du Prophète.

Pour des savants comme al-Ghazzālī et l’actuel recteur d’al-Azhar, Shaykh Aḥmad al-Ṭayyib, cette division du travail fait partie de leur effort visant à subordonner le corpus des ḥadīths au cadre d’interprétation de la loi islamique des juristes (uṣūl al-fiqh ).35

Jonathan Brown

Notes :

  1. Voir Jonathan Brown, « Critique du canon du proto-Ḥadīth : l’ajustement des deux recueils de sahih par al-Dāraquṭnī », Journal of Islamic Studies 15, no. 1 (2004) : 1-37.) ↩︎
  2. Je ne sais pas si nous avons des traces de Mullā ʿAlī professant explicitement l’ashʿarisme, mais ses positions théologiques sont conformes à celles de l’école. Il note également la position des Ashʿarīs et les affirme. Voir Mullā ʿAlī al-Qāriʾ, Sharḥ al-Fiqh al-akbar, éd. Marwān Muḥammad al-Shaʿʿār (Beyrouth : Dār al-Nafāʾis, 1417/1997) ; 63, 114-15. ↩︎ ↩︎
  3. Al-Dhahabī, Mīzān, 2 : 132 (biographie de Saʿīd b. Khālid). Ce ḥadīth de Saʿīd apparaît dans le Sunan d’Ibn Mājah : kitāb al-jihād, bāb faḍl al-ḥars wa’l-takbīr fī sabīl Allāh. Pour une objection implicite similaire aux récompenses soi-disant accordées à quelqu’un qui écrit correctement « Bismillāh al-Raḥmān al-Raḥīm », voir al-Dhahabī, Mīzān, 2 : 384. ↩︎
  4. Al-Dhahabī, Mīzān, 3:254 (biographie de ʿAmr b. Ḥakkām). ↩︎
  5. Ibid., 2 : 416 (biographie de ʿAbdallāh b. Dāwūd al-Wāsiṭī al-Tammār). Al-Tammār raconte au moins trois ḥadīths dans le Jāmiʿ d’al-Tirmidhī. ↩︎
  6. Ibid., 2 : 581 (biographie de ʿAbd al-Raḥmān b. Ghazwān). Cet émetteur transmet un ḥadīth dans le Sunan d’Abū Dāwūd, deux dans le Jāmiʿ d’al-Tirmidhī et un dans le Sunan d’al-Nasāʾī. ↩︎
  7. Ibid., 4 : 313 (biographie de Hilāl b. Zayd). Cet émetteur raconte un ḥadīth dans le Sunan d’Ibn Mājah. ↩︎
  8. Une version de ce ḥadīth de ʿAbdallāh b. ʿAmr b. al-ʿĀṣ apparaît dans Jāmiʿ al-Tirmidhī : kitāb al-qadar, bāb mā jāʾa anna Allāh kataba kitāban li-ahl al-janna. ↩︎
  9. Al-Dhahabī, Mīzān, 2 : 684 (biographie de ʿAbd al-Wahhāb b. Hammām al-Ṣanʿānī [frère de ʿAbd al-Razzāq]). Al-Dhahabī dit que le poids serait « un nombre de qanāṭīr », chaque qinṭār pesant environ 143 kg. Voir ʿAlī Jumʿa, al-Makāyīl wa’l-mawāzīn al-sharʿiyya (Le Caire : Dār al-Risāla, 1424/2002), 19. ↩︎
  10. L’observation de l’un des derniers hauts responsables religieux de l’empire ottoman, Muḥammad Zāhid al-Kawtharī (mort en 1952), est instructive : « Il n’y a pas de narrateur [des ḥadīths] qui ne soit loué par certains et contesté par d’autres, mais l’instruction [à ce sujet] ne devrait venir que des opinions de ceux qui sont dignes de confiance. et consacré à la critique des émetteurs » ; Muḥammad Zāhid al-Kawtharī, Maqālāt al-Kawtharī (Le Caire : al-Maktaba al-Azhariyya, 1414/1994), 138. ↩︎
  11. Al-Dhahabī, Mīzān, 1:480 ; voir aussi ibid., 2:612-3. ↩︎
  12. Al-Dhahabī note qu’al-Khaṭīb al-Baghdādī a inclus ce ḥadīth dans son traité écrit à l’appui de la position shāfiʿite sur la basmala. Auparavant, Ibn al-Jawzī avait fustigé al-Khaṭīb pour ce travail (son Kitāb al-Jahr bi’l-basmala), qui utilisait des ḥadīths peu fiables pour argumenter la position shāfiʿite. Voir Ibn al-Jawzī, al-Muntaẓam fī tārīkh al-umam wa’l-mulūk, éd. Muḥammad ʿAbd al-Qādir ʿAṭā et Muṣṭafā ʿAbd al-Qādir ʿAṭā (Beyrouth : Dār al-Kutub al-ʿIlmiyya, 1412/1992), 16 : 133. Pour en savoir plus sur le débat sur l’authenticité des hadiths sur la basmala, voir Jonathan Brown, The Canonization of al-Bukhārī and Muslim (Leiden : Brill, 2007), 257-8. ↩︎
  13. Al-Dhahabī, Mizān, 3:93. Pour en savoir plus sur les critiques de ce ḥadīth, voir Brown, Canonization, 304. ↩︎
  14. Al-Dhahabī, Mīzān, 1:430 (biographie d’al-Ḥārith al-Muḥāsibi). ↩︎
  15. Mullā ʿAlī al-Qāriʾ, al-Asrār al-marfūʿa fī al-akhbār al-mawḍūʿa, éd. Muḥammad Luṭfī al-Ṣabbāgh, 2e éd. (Beyrouth : al-Maktab al-Islāmī, 1406/1986), 407. ↩︎
  16. Tāj al-Dīn al-Subkī, Ṭabaqāt al-shāfiʿiyya al-kubrā, éd. ʿAbd al-Fattāḥ Muḥammad al-Ḥalw et Maḥmūd Muḥammad al-Ṭanāḥī, 2e éd. (Le Caire : Hujr, 1413/1992), 2:312. ↩︎
  17. Mullā ʿAlī, al-Asrār, 210. ↩︎
  18. Cette traduction libre de l’expression s’appuie certainement sur une équivalence fonctionnelle. L’original pourrait se traduire par « stabiliser fermement la chaise avant de la graver ». Dekhodā donne un autre exemple de cette phrase tirée du Masnavī de Rūmī : Goft qāḍī thabbet al-ʿarsh ay pedar—tā bar ūw naqshī konī az khayr ū sharr » ; ʿAlī Akbar Dekhodā, Amthāl ū ḥekam, 7e éd., 4 vol. (Téhéran : Chāpkhane-ye Sepehr, 1370/[1992]), 2 :573. ↩︎
  19. Mullā ʿAlī, al-Asrār, 221. Pour le verdict d’Ibn Ḥajar (qu’il ne s’agit pas d’un ḥadīth), voir son protégé Shams al-Dīn al-Sakhāwī, al-Maqāṣid al-ḥasana, éd. Muḥammad ʿUthmān al-Khisht (Beyrouth : Dār al-Kitāb al-ʿArabī, 1425/2004), 249. ↩︎
  20. Mullā ʿAlī, al-Asrār, 224/250 ; cf. al-Dhahabī, Mīzān, 3 : 185 (biographie de ʿUmar b. al-Ḥasan al-Rāsibī). ↩︎
  21. Abū al-Faḍl Muḥammad b. Ṭāhir al-Maqdisī, Tadhkirat al-mawḍūʿāt, éd. Muḥam mad Mustafā al-Ḥadarī al-Ḥabṭī (La Mecque : al-Maktabat al-Salafiyya, 1401/1981), 106. La critique de l’isnad par Al-Maqdisī à l’égard de ce ḥadīth ne soutient pas son objection au contenu du ḥadīth. Pour le ḥadīth, voir Musnad Ibn Ḥanbal : 3:130, 143 ; 4:319 ; al-Bazzār, Musnad al-Bazzār, 4:244 ; 9h23 ; Abū Yaʿlā al-Mawṣilī, Musnad Abī Yaʿlā, 6 : 380 ; Abū Nuʿaym al-Iṣbahānī, Ḥilyat al-awliyāʾ, 2 : 231 ; al-Khaṭīb al-Baghdādī, Tārīkh Baghdād, 11 : 115. ↩︎
  22. Jāmiʿ al-Tirmidhī : kitab al-adab, 81 ; kitāb al-amthāl, bāb mathal al-ṣalawāt al-khams dans certaines éditions ; Ibn Ḥibbān, al-Iḥsān bi-tartīb Ṣaḥīḥ Ibn Ḥibbān, 9 : 176 ; Ibn ʿAbd al-Barr, al-Tamhīd li-mā fī al-Muwaṭṭaʾ min al-maʿānī wa’l-asānīd, éd. Mustafā b. Aḥmad al-ʿAlawī et Muḥammad ʿAbd al-Kabīr al-Bakrī, 2e éd. 26 vol. ([Rabat] : Wizārat ʿUmūm al-Awqāf wa’l-Shuʾūn al-Islāmiyya, 1402/1982, 1ère éd. 1387/1967), 20 : 254 ; al-Suyūṭī, al-Jāmiʿ al-ṣaghīr, 102 (1620), 499 (8161). ↩︎
  23. Abū ʿAbd al-Raḥmān al-Sulamī, Ṭabaqāt al-ṣūfiyya, éd. Nūr al-Dīn Sudayba, 3e éd. (Le Caire : Maktabat al-Khānjī, 1418/1997), 2. Voir aussi al-Qurṭubī, al-Jāmiʿ li-aḥkām al-Qurʾān, éd. Muḥammad Ibrāhīm al-Ḥifnāwī, 11 vol. (Le Caire : Dār al-Ḥadīth, 1423/2002), 2 : 529 (dans le contexte du Coran 3 : 110). ↩︎
  24. Najm al-Dīn Muḥammad b. Muḥammad al-Ghazzī, al-Kawākib al-sāʾira bi-aʿyān al-miʾa al-ʿāshira, éd. Jibrāʾīl Sulaymān Jabbūr, 3 vol., 2e éd. (Beyrouth : Dār al-Āfāq al-Ḥadītha, 1979), 1 : 4. Voir également Abū al-Faḍl Muḥammad b. Khalīl al-Murādī, Silk al-durar fī aʿyān al-qarn al-thānī ʿashar, éd. Muḥammad ʿAbd al-Qādir Shāhīn, 4 vol. in 2 (Beyrouth : Dār al-Kutub al-ʿIlmiyya, 1418/1997), 1 : 6. ↩︎
  25. Abd al-Karim b. Muḥammad al-Rāfiʿī, al-Tadwīn fī akhbār Qazwīn, éd. ʿAzīz Allāh al-ʿUṭāridī, 4 vol. (Beyrouth : Dār al-Kutub al-ʿIlmiyya, 1987), 2 : 146. ↩︎
  26. Ibn al-Jawzī, Kitāb al-Mawḍūʿāt, 3 : 109-11 ; cf. al-Dhahabī, Mīzān al-iʿtidāl, 1 :68 ; 3:619, 623. ↩︎
  27. Ibn al-Qayyim, al-Manār al-munīf, 133; Mullā ʿAlī, al-Asrār al-marfūʿa, 362, 370-71; al-Sakhāwī, al-Maqāṣid al-ḥasana, 476; Muḥammad Ṭāhir al-Fatanī, Tadhkirat al-mawḍūʿāt, 180. ↩︎
  28. Shibli Numani, Sirat-un-Nabi, trans. M. Tayyib Bakhsh Budayuni, 2 vols. (Lahore: Kazi Publications, 1979), 1:40-1. ↩︎
  29. Yūsuf al-Qaraḍāwī, Kayfa nataʿāmalu maʿa al-sunna al-nabawiyya (Herndon, VA : Institut international de la pensée islamique, 1990), 33. ↩︎
  30. Noha El-Hennawy, « En paroles et en actes : le penseur réformiste Gamal El-Banna relance un débat séculaire, contestant le rôle de la Sunna dans l’Islam moderne ; Http://www. egypttoday.com/article.aspx?Articleid=3351. ↩︎
  31. Christian Troll, Sayyid Ahmad Khan : Une réinterprétation de la théologie musulmane (New Delhi : Vikas Press, 1978), 138-9. ↩︎
  32. Muḥammad al-Ghazzālī, al-Sunna al-nabawiyya bayn ahl al-fiqh wa ahl al-ḥadīth, 11e éd. (Le Caire : Dār al-Shurūq, 1996), 19. Cette déclaration a soulevé un débat important, bien que peu étudié, parmi les spécialistes du ḥadīth sunnite. La définition d’un ḥadīth ṣaḥīḥ suppose-t-elle que, dans le cas d’un ḥadīth déclaré ṣaḥīḥ, la signification du ḥadīth a déjà été vérifiée et approuvée ? Les critères authentifier un hadith ont été considérés presque uniformément depuis l’époque d’Ibn al-Ṣalāḥ comme étant : un ḥadīth avec un isnad composé de narrateurs honnêtes (ʿadl), précis (ḍābiṭ), sans interruption les uns des autres, sans défauts cachés (ʿilla) ou anomalie »(shudhūdh). À partir du Ve/XIe siècle, un ḥadīth shādhdh (marginal) a été compris comme signifiant un ḥadīth qui contredit une source plus fiable que lui. Le potentiel pour d’une qualification shādhdh d’ouvrir la porte à la critique du matn est clair : une signification erronée impliquerait que le ḥadīth contredirait une source normative plus puissante, comme le Coran ou la raison, rendant ce texte ṣhādhdh et excluant son authenticité (sahih). Cependant, l’opinion majoritaire des spécialistes du ḥadīth de la fin du Moyen Âge et de l’époque moderne est que le terme ṣaḥīḥ s’applique uniquement à l’isnad d’un ḥadīth, et donc que « l’authenticité d’un ḥadīth ne découle pas nécessairement de l’authenticité de son isnad » ( ṣiḥḥat al-isnād lā yalzamu minhā ṣiḥḥat al-ḥadīth), car son matn pourrait être imparfait ou contredire des sources plus fiables ; ʿUmar b. Muḥammad al-Bayqūnī et ʿAbdallāh Sirāj al-Dīn, Sharḥ Manẓūmat al-Bayqūniyya (Alep : Maktabat Dār al-Falāḥ, [s.d.]). 35 ; Ibn Kathīr, Ikhtiṣār ʿUlūm al-ḥadīth, 36 ; Muḥammad al-Ghazzālī, Turāthunā al-fikrī, 8e éd. (Le Caire : Dār al-Shurūq, 2003), 173 ; al-Albānī dans Nuʿmān al-Ālūsī, al-Āyāt al-bayyināt fī ʿadam samāʿ al-amwāt, éd. Muḥammad Nāṣir al-Dīn al-Albānī (Beyrouth : al-Maktab al-Islāmī, 1405/[1985]), 54. Ibn al-Ṣalāḥ fournit une opinion contraire, rappelant à ses lecteurs que tout ḥadīth ayant une signification erronée ne saurait, par définition, avoir un ṣaḥīḥ isnād, car cela saperait dès le départ toute dépendance à l’égard des nāds. Au contraire, un tel ḥadīth souffrirait nécessairement d’un défaut non détecté dans son isnad. Si un matn n’est pas ṣaḥīḥ dans sa signification, dit Ibn al-Ṣalāḥ, alors il est « impossible (muḥāl) » qu’il ait un isnād ṣaḥīḥ. Cette disparité dans la compréhension de la définition du caractère authentique (ṣiḥḥa) d’un hadith a conduit le traditionaliste marocain moderne ʿAbdallāh b. al-Ṣiddīq al-Ghumārī (décédé en 1993) à l’acte très controversé de compiler un livre de ḥadīths qu’il considérait comme shādhdh en raison de leur signification même si certains apparaissaient via des chaînes authentifiés dans les authentiques d’al-Bukhārī et de Muslim. Al-Ghumārī souligne le fait que les savants précédents n’avaient pas pris en considération le shudhūdh lorsqu’ils déclaraient fiables les matns des ḥadīths. Il remarque à propos d’un hadith anthropomorphique qu’un tel texte ne pourrait pas être accepté même s’il était rapporté « par la plus solide des chaînes (aṣaḥḥ al-asānīd). ); Abū ʿAmr ʿUthmān b. ʿAbd al-Raḥmān Ibn al-Ṣalāḥ, Fatāwā wa masāʾil Ibn al-Ṣalāḥ, éd. ʿAbd al-Muʿṭī Amīn Qalʿajī, 2 vol. (Beyrouth : Dar al-Maʿrifa, 1406/1986), 1 : 174-5 ; ʿAbdallāh al-Ghumārī, al-Fawāʾid al-maqṣūda fī bayān al-aḥādīth al-shādhdha wa’l-mardūda (Casablanca : Dār al-Furqān, [s.d.]), 105, 149. ↩︎
  33. Muḥammad al-Ghazzālī, Turāthunā al-fikrī, 157. ↩︎
  34. Al-Kawtharī, Maqālāt, 150-1. ↩︎
  35. Aḥmad al-Ṭayyib, communication personnelle, juillet 2008 ; al-Ghazzālī, al-Sunna al-nabawiyya, 32. ↩︎

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