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Gaza : les salariés musulmans face à la complicité de leur entreprise  

Travailler dans une entreprise collaborant avec Israël dans sa guerre génocidaire à Gaza est-il islamiquement soutenable ? Les salariés musulmans sont de plus en plus nombreux à se poser la question. Dans une enquête, publiée dans The Guardian, la journaliste Johana Bhuiyan élucide la question et donne la parole aux concernés.

Avant qu’Ibtihal Aboussad ne soit licenciée par Microsoft pour avoir protesté contre la collaboration de l’entreprise avec l’armée israélienne lors d’une célébration du 50e anniversaire de l’entreprise, elle a envoyé deux courriels. La première était adressée à tous ses collègues. Elle a fait appel à leur humanité universelle et les a exhortés à s’opposer aux contrats de Microsoft pour la fourniture de logiciels de cloud computing et de produits d’intelligence artificielle aux Forces de défense israéliennes (FDI). 

Elle a envoyé un second message à la liste de diffusion « Musulmans chez Microsoft ». L’objet était : « Musulmans de Microsoft, notre emploi tue des Palestiniens ». Ibtihal a déclaré au Guardian qu’elle souhaitait que les employés musulmans d’entreprises comme Microsoft, Google et Amazon cessent de considérer la question de leur présence dans ces entreprises collaborant avec avec Tsahal comme une simple question d’éthique laïque ou professionnelle. C’est une question morale religieuse, une question de foi, a-t-elle soutenu. 

« Je voulais leur dire qu’ils n’oublient pas que leur rizq [subsistance] vient d’Allah. Il doit être licite donc nous ne pouvons pas contribuer à l’oppression [des nôtres]. » a-t-elle souligné. 

La journaliste Johana Bhuiyan

La prise de conscience des salariés musulmans 

Depuis le début de la guerre génocidaire à Gaza, plusieurs manifestations ont eu lieu au sein des entreprises technologiques américaines en contrat avec Israël et son armée. Des réunions et des veillées ont eu lieu. Des bureaux ont été occupés et des tribunes libres ont été publiées. Certains employés ont démissionné et d’autres ont été licenciés en raison de leur activisme. 

Mais alors que le génocide perdure et que les Palestiniens de Gaza sont affamés, déplacés de force et tués, alors que les contrats ont survécu, un groupe croissant d’employés musulmans se demandent s’ils peuvent encore justifier religieusement de travailler dans des entreprises qu’ils considèrent comme des sous-traitants de l’armée israélienne. 

Lire le sur le sujet : Gaza : une ingénieure marocaine dénonce la complicité de Microsoft

Le Guardian s’est entretenu avec près d’une douzaine d’employés musulmans de grandes entreprises technologiques qui se sont penchés sur la question. Plusieurs employés ont démissionné ou sont en passe de le faire. Certains ont déclaré ne pas être convaincus que leur employeur ait franchi une limite qui les obligerait à démissionner. D’autres craignent que quitter l’entreprise ne leur fasse plus de mal que de bien. 

Presque tous ont déclaré que la manifestation publique d’Ibtihal Aboussad et de sa collègue Vaniya Agrawal avait soulevé une prise de conscience. Certains traversent une crise spirituelle constante quant à une possible démission.

Ibtihal Aboussad

Rester ou démissionner ?

Les raisons sont diverses : certains estiment pouvoir faire davantage pression pour contester ces contrats au sein de l’entreprise, d’autres s’inquiètent de ne pas pouvoir subvenir aux besoins de leur famille, et d’autres encore s’inquiètent de trouver un autre emploi dans le secteur technologique dans un marché difficile. « Honnêtement, j’ai fait beaucoup d’invocation pour savoir ce qu’Allah attend de moi », a déclaré un employé de Microsoft.

« Parce qu’il ne me semble pas juste qu’un musulman continue de travailler pour de telles entreprises. Mais si nous partons, un pro-israélien pourrait prendre notre place, et il y aurait un mal plus grand. » 

Un employé de Google a déclaré qu’il ne lui semblait pas plus licite de rester dans l’entreprise mais il fait face au refus catégorique de son père qui soutient que son poste, au sein de l’entreprise, était une bénédiction divine pouvant servir “la cause”. « Mes parents me demandent : « Si tu démissionnes, en quoi cela va-t-il aider la cause ? Je suis dans un état [spirituel et moral] négatif en ce moment. Chaque jour, mon travail nuit activement aux gens. Je ne peux pas aider les gens si je leur fais du mal activement. » a déclaré l’employé de Google. 

Plusieurs employés ont déclaré avoir sollicité l’avis juridique d’érudits musulmans, dont l’imam Omar Suleiman, fondateur de Yaqeen Institute, un organisme de recherche islamique basé au Texas. Le prédicateur collabore activement avec certains employés de Microsoft afin de déterminer « si une partie de Microsoft ne serait pas considérée comme complice actif avec l’entité israélienne à Gaza ».  

Microsoft Köln

Les liens avérés entre Microsoft et l’armée israélienne

Les détails de la collaboration entre les géants du numérique et l’armée israélienne sont depuis longtemps flous, et de nombreux employés du secteur ont généralement accepté les dénégations de leurs employeurs concernant leurs contrats. Mais récemment, les preuves de l’utilisation de produits de l’industrie technologique dans la campagne génocidaire israélienne à Gaza, se sont accumulées. 

Microsoft a renforcé ses liens avec l’armée israélienne depuis le 7 octobre 2023, selon une enquête du Guardian réalisée en collaboration avec +972 Magazine et Local Call. Des documents divulgués indiquent que Microsoft est présent dans toutes les principales infrastructures militaires israéliennes. L’Associated Press a également rapporté que la technologie Microsoft a contribué à la surveillance des Palestiniens au profit d’Israël. 

Microsoft a défendu son contrat avec l’armée israélienne, affirmant qu’une enquête interne avait conclu que l’entreprise n’avait « trouvé aucune preuve » que sa technologie avait été utilisée pour cibler ou nuire à des personnes. Le directeur de la communication de Microsoft, Frank Shaw, a récemment réitéré ces conclusions. 

« Comme nous l’avons déjà indiqué dans notre blog, nous n’avons trouvé à ce jour aucune preuve que les technologies Azure et IA de Microsoft aient été utilisées pour cibler ou nuire à des personnes dans la guerre à Gaza », a-t-il déclaré dans un communiqué. 

Google et Amazon également épinglés

L’enquête de l’entreprise n’a pas pour autant apaisé les travailleurs. Hossam Nasr, licencié par Microsoft après avoir organisé une veillée pour les Palestiniens en 2024, a affirmé qu’il était impossible d’avoir un contrat « éthique » avec une armée « dont les dirigeants sont recherchés par la Cour pénale internationale pour crimes de guerre ». 

Google et Amazon fournissent également tous deux des services cloud à l’armée et au gouvernement israéliens dans le cadre d’un accord de 1,2 milliard de dollars baptisé « Projet Nimbus ». Google a affirmé que sa technologie n’était pas destinée à des fins militaires, mais des rapports suggèrent que le géant technologique fournit des services cloud ainsi que des outils avancés d’IA et d’apprentissage automatique qui équipent directement l’armée israélienne. 

En avril dernier, le mouvement Boycott, Désinvestissement et Sanctions (BDS), qui cherche à utiliser des moyens économiques pour protester contre l’occupation et le siège des territoires palestiniens par Israël, a ajouté Microsoft à sa liste d’entreprises à boycotter, ce qui aggrave encore la situation morale de nombreux travailleurs musulmans salariés dans ces entreprises.

Johana Bhuiyan 

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