Le Secours catholique a publié, ce jeudi, son 30ᵉ rapport annuel sur la pauvreté en France et tire la sonnette d’alarme : la situation se dégrade fortement. En un an, 650 000 personnes supplémentaires ont basculé dans la pauvreté, portant à 9,8 millions le nombre de personnes concernées.
Depuis trois décennies, chaque mois de novembre, le Secours catholique publie un état des lieux de la pauvreté en France. Les constats sont sans appel : jamais le niveau n’avait été aussi haut. 9,8 millions de personnes sont touchées, selon les données de l’Insee publiées en juillet 2025. Cela représente 15,4 % de plus, soit 650 000 personnes supplémentaires en un an.
Aujourd’hui, la pauvreté touche davantage les femmes et les enfants
En trente ans, le profil des personnes pauvres s’est transformé. Aujourd’hui, la pauvreté a surtout le visage des femmes et des enfants. En 2024, trois mères seules sur quatre vivaient dans l’extrême pauvreté. 39 % des personnes reçues par le Secours catholique étaient des enfants.
L’association note également « un creusement des inégalités, y compris parmi les plus pauvres. En 1999, les 10 % les plus pauvres accueillis avaient un niveau de vie environ trois fois inférieur à celui des 10 % les moins pauvres. Cet écart dépasse désormais cinq en 2024 », observe l’étude.
Cette fracture croissante s’explique par « une pauvreté davantage liée à des problèmes de santé ou de handicap » (23 % en 2024 contre 15 % en 1999), par la montée des emplois précaires (concernant les trois quarts des personnes) ou par des CDI payés sous le seuil de pauvreté (28 %). Mais surtout, en trente ans, la part des foyers sans aucun revenu a bondi : 26 % en 2024 contre 10 % en 1994.

565 € en moyenne par ménage sur le mois
Autre élément : la résurgence de la pauvreté chez les personnes âgées. Les seniors constituent 7,3 % de ceux aidés l’an dernier, une proportion triplée depuis 1999. Et plus d’un ménage aidé sur six vit désormais en zone rurale, contre un sur huit en 1994. Signe d’un quotidien extrêmement difficile : le niveau de vie médian des ménages reçus par l’association atteignait 565 euros par mois en 2024, contre 658 euros en 2014.
25,7 % des familles aidées n’avaient aucun revenu. 74 % vivaient sous le seuil d’extrême pauvreté. Ces foyers font face à des choix impossibles et à des manques constants. 71 % des personnes rencontrées sont de nationalité étrangère (contre 26,5 % il y a vingt-cinq ans). Parmi celles arrivées depuis moins d’un an, les pays les plus fréquents sont l’Algérie, la Guinée et la Côte-d’Ivoire.
[RAPPORT PAUVRETÉ 2025] Le Secours Catholique publie son rapport statistique annuel sur l'état de la pauvreté en France.
— Secours Catholique (@Secours_Catho) November 20, 2025
Cette année, le rapport revient sur 30 ans de pauvreté. Il analyse en profondeur leur évolution au cours des 3 décennies, en mobilisant les données… pic.twitter.com/LduQqjb53z
« Les pauvres sont perçus comme “coupables” de leur situation »
L’étude souligne aussi, depuis 2010, la montée des « discours de responsabilisation » et « l’activation de politiques publiques » aux conséquences négatives. En 2024, 38 % des ménages pouvant toucher le RSA n’en faisaient pas la demande (+10 points depuis 2015). Cette situation tient à de nombreux obstacles : méconnaissance, lourdeur des démarches, dématérialisation, lenteur administrative, peur des coupures de droits, refus de principe et croissance de la stigmatisation.
« Les pauvres sont perçus comme “coupables” de leur situation », alors même que les critères d’accès aux aides se restreignent. S’y ajoutent les réformes de l’assurance-chômage. En 2024, 65 % des chômeurs sans droit l’étaient depuis plus d’un an (+19 points en vingt-cinq ans).
En 2015, la France avait promis aux Nations unies d’éradiquer l’extrême pauvreté d’ici 2030. À cinq ans de l’échéance, l’objectif semble hors d’atteinte. Le Secours catholique appelle à un sursaut collectif et à une mobilisation générale.
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