Fatima Bint Muhammad, surnommée Fatima Zahra « Fatima la rayonnante », était la cinquième enfant du Prophète de l’Islam ﷺ et de Khadija Bint Khuwaylid. Epouse du calife ‘Ali Ibn Abi Talib et mère d’Al-Hassan et Al-Hussein, Fatima occupait une place très chère dans le cœur de son père. Selon une tradition prophétique, elle fait partie des quatre meilleures femmes au Paradis. Portrait.
Fatima, fille de Muhammad ﷺ, vit le jour cinq ans avant le début de la Révélation. Son mari fut ‘Ali Ibn Abi Talib, le quatrième des califes « bien guidés ». Ensemble, ils eurent cinq enfants : les célèbres imams Al-Hassan et Al-Hussayn, mais également Zaynab, Umm Kulthum et Muhsin (mort en bas âge). Fatima occupait une place très chère dans le cœur de son père, le Messager de Dieu ﷺ.
Durant son enfance, Fatima connut une période paisible entourée de ses parents et de ses sœurs. Avant que le Prophète ﷺ ne reçoive la Révélation, sa sœur bien-aimée Zaynab quitta la maison pour vivre avec son époux. Ensuite, ses deux autres sœurs, Ruqayya et Umm Kulthum, furent mariées aux fils d’Abu Lahab, l’oncle paternel du Prophète. La jeune Fatima vit donc ses sœurs partir les unes après les autres, ce qui lui causa beaucoup de tristesse car elle les aimait profondément.
Néanmoins, elle ne resta pas entièrement seule dans le foyer familial : Baraka (la servante d’Amina, mère du Prophète), Zayd ibn Haritha et ʿAli, le jeune fils d’Abu Talib, faisaient également partie de la maison du Prophète ﷺ à ce moment-là. Vers l’âge de cinq ans, elle apprit que son père avait été choisi comme Messager de Dieu. Dès lors, elle se rapprocha davantage de lui, et un lien d’amour profond se tissa entre eux.

Face aux brimades des Qoraïchites
Fatima accompagnait souvent son père, à travers les ruelles de La Mecque, se rendant à la Kaʿba ou assistant discrètement aux premières assemblées des croyants ayant embrassé l’islam. Très jeune, Fatima dut faire face aux épreuves causées par les notables de Quraysh opposés à l’islam. Un jour, alors qu’elle n’avait pas encore atteint l’âge de dix ans, elle suivit le Prophète à la Mosquée sacrée, où il se posta à un endroit appelé Al-Hijr, devant la Kaʿba, et se mit en prière. Elle resta près de lui.
Un groupe de notables Qoraichites, comprenant Abu Jahl, Oqba ibn Abi Muʿayt, Omayya ibn Khalaf, ainsi que Shayba et Otba, fils de Rabi’a, se rassemblèrent autour de lui. Oqba, l’un des plus cruels d’entre eux, déversa alors les entrailles d’un animal sur le dos du Prophète ﷺ alors qu’il était toujours en prosternation. Malgré son jeune âge, Fatima, choquée mais courageuse, accourut vers son père pour retirer ces entrailles.
Puis, pleine de détermination, elle se tint devant le groupe des Qoraichites et les injuria. Le Prophète ﷺ releva ensuite la tête et termina sa prière, puis il fit cette invocation : « Ô Dieu, châtie ces Qoraichites ! ». Il nomma alors clairement les agresseurs : Otba, Oqba, Abu Jahl et Shayba, qui furent tous tués quelques années plus tard à la bataille de Badr.
Persécution, boycott et exil
Lors d’un autre épisode marquant, Fatima se trouvait aux côtés du Prophète ﷺ pendant qu’il accomplissait les tours rituels (Tawaf) autour de la Kaʿba. Un groupe de Qoraïchites se rassembla autour de lui, l’attrapa brutalement et tenta de l’étrangler en tirant sur ses vêtements. Fatima poussa alors des cris, appelant à l’aide. Abu Bakr arriva en hâte et parvint à libérer le Prophète ﷺ. Il s’écria : « Allez-vous tuer un homme simplement parce qu’il dit : ‘Mon Seigneur est Allah ? ».
Les agresseurs se retournèrent alors contre Abu Bakr et le frappèrent si violemment que son visage et sa tête furent couverts de sang. L’ensemble de la famille du Prophète ﷺ souffrait sous les persécutions menées par les notables Qoraïchites. Ruqayya et Umm Kulthum, les sœurs de Fatima, n’étaient pas épargnées. Leurs époux respectifs, Otba et Otayba, fils d’Abu Lahab, furent contraints par leur famille de divorcer d’elles. Le Prophète ﷺ accueillit leurs retours à la maison avec soulagement.

Peu après, Ruqayya épousa ‘Othman Ibn ‘Affan, un des premiers convertis à l’islam. Le couple partit ensuite en Abyssinie (actuelle Éthiopie), avec les premiers mouhajiroun (émigrés), afin d’y trouver asile. En parallèle, la persécution contre le Prophète ﷺ, sa famille et ses compagnons ne cessa pas, et s’intensifia même. Vers la septième année de sa mission, le Prophète, accompagné de sa famille, fut contraint de quitter leur demeure pour se réfugier dans une petite vallée rocailleuse, en périphérie de La Mecque.
Le clan des Banu Hachim, auquel appartenait le Prophète, fut alors placé sous embargo par les notables Qoraïchites. Ils furent privés de nourriture et de commerce. Fatima, alors âgée d’environ douze ans, subit elle aussi ces épreuves, vivant durant trois longues années dans la privation et la souffrance. Lorsque le blocus fut enfin levé, les épreuves ne cessèrent pas pour autant.
Fatima, la mère de son père (Umm Abiha)
Peu de temps après, Khadija, sa mère, rendit l’âme. Sa mort fut un coup dur pour le Prophète ﷺ et sa famille, car elle avait toujours été un pilier et un soutien dans les moments les plus difficiles. Peu de temps après, Abu Talib, l’oncle protecteur du Prophète, mourut lui aussi. Cette période fut nommée « l’année de la tristesse ». À partir de là, Fatima, désormais jeune fille, prit conscience de la grande responsabilité qui lui incombait auprès de son père.
Elle se montra patiente et dévouée, veillant sur lui avec attention. Elle fut si attentionnée qu’on la surnomma « Umm Abi-ha », la mère de son père. Le Prophète ﷺ éprouvait un amour immense pour sa fille Fatima. Il déclara : « Fatima fait partie de moi. Ce qui lui fait plaisir me réjouit, et ce qui la met en colère m’afflige également. ». On rapporta qu’il déclara également : « Les femmes les plus vertueuses de ce monde sont au nombre de quatre : Marie (la mère de Jésus), Âssiya (l’épouse de Pharaon), Khadija (la mère des croyants) et Fatima ». Elle occupait donc une place privilégiée dans son cœur.
On donna à Fatima le surnom de Az-Zahra, la Rayonnante, en raison de son visage lumineux. Elle fut également appelée Al-Batul, du fait de sa piété exceptionnelle : au lieu de passer son temps en compagnie d’autres femmes,, elle préférait les moments de prière, la lecture du Coran et les œuvres spirituelles. Aussi, Fatima ressemblait énormément à son père. Aïcha, l’épouse du Prophète ﷺ, rapporta à ce sujet : « Je n’ai jamais vu quelqu’un ressembler autant au Messager de Dieu ﷺ que Fatima, dans sa manière de parler, de s’exprimer, et même dans sa façon de s’asseoir. »

Plus tard, Fatima fit le voyage vers Médine quelques semaines après l’émigration du Prophète ﷺ. Elle était accompagnée de Zayd ibn Haritha, chargé par le Prophète d’amener sa famille. Le groupe comprenait Fatima, Umm Kulthum, Sawda (une des épouses du Prophète), la femme de Zayd, Baraka et leur fils Ussama. Ils étaient rejoints par ‘Abd Allah, fils d’Abû Bakr, qui escortait sa mère, ses sœurs Aïcha et Asma.
Mariage et vie de couple
En l’an 2 après l’Hégire, Fatima reçut plusieurs demandes en mariage transmises par son père. Deux d’entre elles furent refusées. C’est alors que ʿAli Ibn Abi Talib rassembla son courage et se présenta devant le Prophète ﷺ pour lui demander la main de sa fille. Une fois en face de lui, ‘Ali fut envahi par la timidité et resta silencieux. Le Prophète lui dit alors : « Pourquoi es-tu venu ? As-tu une requête ? », ʿAli, encore trop intimidé, ne répondit pas. Le Prophète devina finalement sa requête et lui demanda : « Serais-tu venu demander Fatima en mariage ? », enfin ‘Ali acquiesça.
Le Prophète ﷺ accepta donc la demande. Fatima et ʿAli s’unirent au début de la deuxième année de l’Hégire. Elle avait environ dix-neuf ans, et lui, vingt-deux. Ce fut la première fois que Fatima quittait le foyer paternel pour aller vivre avec son mari. Le Prophète, soucieux pour sa fille, envoya auprès d’elle Baraka, sa fidèle servante, pour l’assister si nécessaire. Leur vie de couple fut simple et modeste, à l’image de celle que Fatima avait connue dans la maison de son père.
Le couple ne vivait pas dans l’aisance : ʿAli gagnait sa vie en transportant de l’eau, tandis que Fatima accomplissait les travaux domestiques les plus durs, comme moudre le grain à la main. Un jour, elle dit à son mari : « J’ai tellement moulu que mes mains en sont pleines de cloques », ce à quoi ʿAli répondit : « quant à moi, j’ai tant tiré l’eau que j’en ai des douleurs à la poitrine ». Apprenant qu’un serviteur avait été offert au Prophète ﷺ, Fatima alla le voir pour lui demander s’il pouvait leur en attribuer un afin de l’aider dans ses tâches. Mais il ne répondit pas immédiatement à sa demande.
Peu après, alors qu’ils étaient dans leur maison, ʿAli et Fatima entendirent la voix du Prophète leur demandant l’autorisation d’entrer. Ils se levèrent pour l’accueillir, mais il leur dit : « Restez assis, ne vous dérangez pas ». Il s’assit à côté d’eux et dit : « Voulez-vous que je vous enseigne quelque chose de bien meilleur que ce que vous êtes venus demander ? Avant de vous coucher, dites : Allahu Akbar trente-quatre fois, Al-Hamdulillah trente-trois fois, et Subhanallah trente-trois fois. Cela est meilleur pour vous que ce que vous souhaitiez ».

La descendance prophétique
Vers le milieu de la deuxième année après l’Hégire, Ruqayya, la sœur de Fatima, tomba gravement malade. Cela arriva peu de temps avant le début de la bataille de Badr. Son époux, ‘Othman Ibn ‘Affan, resta auprès d’elle, ce qui l’empêcha de prendre part à la bataille. Ruqayya décéda peu avant le retour du Prophète ﷺ. De retour à Médine, il se rendit avec sa fille Fatima sur la tombe de Ruqayya. Plus tard, ‘Othman épousa une autre fille du Prophète, Umm Kulthum, ce qui lui valut le surnom de « Dhu al-Nurayn », l’homme aux deux lumières.
Cette grande tristesse fut suivie par un immense bonheur lorsque Fatima mit au monde un fils au mois de Ramadan, dans la troisième année de l’Hégire. Le Prophète ﷺ fit l’appel à la prière (adhan) dans l’oreille du nouveau-né et le nomma Al-Hasan, qui signifie le bon. L’année suivante, elle donna naissance à un second garçon, qu’on nomma Al-Husayn, c’est-à-dire le petit bon. Fatima amenait souvent ses deux fils voir leur grand-père ﷺ, qui les chérissait profondément.
Il les emmenait parfois avec lui à la Mosquée, et ils grimpaient sur son dos pendant la prosternation. Le Prophète ﷺ manifestait la même affection à sa petite-fille Umayma, fille de Zaynab, ainsi qu’à Ussama, fils de Zayd Ibn Haritha. Huit ans après l’Hégire, Fatima donna naissance à une fille, qu’elle prénomma Zaynab, en hommage à sa sœur aînée. Plus tard, Zaynab deviendrait une figure forte et courageuse durant les événements tragiques de Karbala.
L’année suivante, Fatima eut une autre fille, qu’elle appela Umm Kulthum, portant ainsi le même nom que sa sœur défunte, disparue l’année précédente à la suite d’une maladie. C’est à travers les enfants de Fatima que la descendance du Prophète ﷺ se perpétua. En effet, tous les fils du Prophète moururent en bas âge, tout comme les enfants de Zaynab, ʿAli et Umayma, qui décédèrent jeunes. Le fils de Ruqayya, ʿAbd Allah, mourut quant à lui à l’âge de deux ans.
La douloureuse séparation avec le Prophète ﷺ
Lors de la bataille d’Ouhoud, Fatima apporta son aide, aux côtés d’autres femmes, aux combattants. Elle priait pour les martyrs et soignait les blessés, notamment son père.
Sahl bin Sa’d As-Sa’idi a rapporté : « Le Messager d’Allah (a) fut blessé le jour d’Uhud. Sa molaire était cassée et son casque écrasé sur sa tête. Fâtimah nettoyait le sang et Ali versait de l’eau sur lui avec un bouclier. Lorsque Fâtimah réalisa que l’eau ne faisait qu’aggraver le saignement, elle prit un morceau de natte et le brûla. Une fois réduit en cendres, elle l’appliqua sur la blessure pour arrêter le saignement. »
Pendant la bataille des Tranchées (al-Khandaq), elle joua également un rôle essentiel, en préparant la nourriture pour les combattants avec d’autres femmes, alors que la ville faisait face à un siège éprouvant.
Durant le mois de Ramadan en l’an dix de l’Hégire, peu de temps avant son dernier pèlerinage, le Prophète ﷺ confia à sa fille Fatima un secret qu’il n’avait encore partagé avec personne : « Djibril me faisait réciter le Coran une fois par an, et je le récitais avec lui. Cette année, il l’a fait deux fois. Je pense que mon heure est proche ». Peu après son retour du pèlerinage d’adieu, le Prophète ﷺ tomba gravement malade. Il passa ses derniers instants dans la chambre de ‘Aïcha, son épouse.
Un jour, il fit appeler Fatima. Quand elle entra, il l’embrassa et lui souffla quelques mots à l’oreille. Elle se mit à pleurer. Puis, il lui murmura encore quelque chose, et cette fois, elle sourit. ‘Aïcha, témoin de la scène, lui demanda alors : « Tu pleures, puis tu souris ? Que t’a dit le Messager de Dieu ? ». Fatima répondit : « Il m’a annoncé qu’il allait bientôt retrouver son Seigneur, et j’ai pleuré. Ensuite, il m’a dit que je serais la première de sa famille à le rejoindre, alors j’ai souri ».

Quelque temps plus tard, le Messager de Dieu ﷺ rendit l’âme, quittant ce monde. Fatima, présente à ses côtés, perdit connaissance sous le choc. Elle ne revint complètement à elle que deux jours plus tard après que le serment d’allégeance eut été donné à Abu Bakr.
Un désaccord sur le choix de la succession du Prophète avait éclaté entre les compagnons et aussi avec la famille du Prophète. Fatima estimait que la succession revenait à ‘Ali. Ensuite, elle se rendit sur la tombe de son père et se replia sur elle-même, accablée de douleur et de tristesse. Un compagnon rapporta qu’il ne vit plus jamais Fatima sourire après la mort du Prophète ﷺ.
Les circonstances tendues dans lesquelles l’allégeance à Abou Bakr s’étaient déroulées avaient crée une distance entre Fatima et Abou Bakr. La douleur de la mort du Prophète ﷺ, la succession qui échappa à ‘Ali et le désaccord sur la terre de Fadak, élargirent cette distance.
D’après le témoignage de ‘Aïcha, Fatima refusa d’adresser la parole à Abou Bakr jusqu’à sa mort, six mois plus tard. Pour marquer son désaccord – Ali estimait lui-aussi avoir plus de droits à la succession du Prophète – et par respect pour son épouse, ‘Ali ne fit allégeance à Abou Bakr qu’après la mort de Fatima, préservant ainsi l’unité politique de la jeune communauté musulmane.
« Aujourd’hui, j’ai rendez-vous avec le Messager de Dieu »
Un matin au deuxième jour de Ramadan, en l’an 11 de l’Hégire, Fatima se réveilla avec une joie inhabituelle. Elle appela Umm Rafi’, ancienne servante de son père, et lui demanda doucement de lui préparer de l’eau. Elle prit un bain, enfila des vêtements propres et neufs, puis dit à Umm Rafi’ de préparer sa couche au centre de la pièce. Elle s’y allongea, puis fit appeler son époux ‘Ali Ibn Abi Talib.
À son arrivée, elle lui dit calmement : « Aujourd’hui, j’ai rendez-vous avec le Messager de Dieu ﷺ ». Elle lui recommanda de bien veiller sur leurs deux fils, Al-Hassan et Al-Hussayn, et exprima le souhait d’être enterrée discrètement, sans cérémonie publique. Elle leva les yeux vers le ciel, ferma les paupières, et rendit l’âme paisiblement. ʿAli l’ensevelit lui-même, en pleurant, puis l’enterra au cimetière d’al-Baqiʿ. Fatima Zahra, la Resplendissante, n’avait que 29 ans. Elle est morte six mois après son père ﷺ.
Ibrahim Madras