Les inégalités face aux vacances restent inchangées depuis près de 40 ans en France. Cette année encore, 4 Français sur 10 ne peuvent pas se permettre de partir, selon l’Observatoire des inégalités, s’appuyant sur les données du Crédoc. Dans un contexte de pauvreté croissante — à un « niveau inégalé depuis près de 30 ans » d’après l’Insee —, cette tendance ne montre aucun signe d’amélioration. Explications.
À l’heure des grands départs en vacances, partir en vacances reste un rêve inaccessible pour 40 % des Français. Selon une étude de l’Observatoire des inégalités parue fin juin, fondée sur des données de janvier 2024, quatre Français sur dix n’ont pas les moyens de quitter leur domicile. Parmi les plus modestes — ceux dont les revenus mensuels sont inférieurs à 1.285 € — ce taux grimpe à 42 %.
Le rôle déterminant du facteur social
Le milieu social joue un rôle déterminant dans les départs en vacance : 78 % des cadres supérieurs partent en congé contre seulement 47 % des ouvriers. « Plus on monte dans l’échelle sociale, plus on a de chances de s’échapper », résume l’étude. Sandra Hoibian, directrice générale du Crédoc, précise que « le taux de départ en vacances, c’est le fait d’être parti au moins quatre jours consécutifs pour des raisons personnelles. Cela ne mesure pas tous les départs mais c’est un repère statistique habituel ».
Sur France Inter, le sociologue Jean Viard, co-auteur de Quand le Tourisme s’éveillera (éd. de L’Aube, mai 2025), rappelle que « l’été, c’est un Français sur deux qui part, et 12 % partent à un autre moment de l’année ». Il souligne que « dans les pays du Nord comme le Danemark, 80 % des gens partent en vacances. On pourrait se fixer cela comme objectif. On n’est pas très bons à ce niveau-là ».
[Pas de vacances pour 40% des FR]
— Maxime Combes (@MaximCombes) July 12, 2025
En ce jour de départ, rappelons que 40 % des FR ne partent pas en vacances, près de 60% chez les plus modestes d'entre nous.
Ils seront de plus très largement invisibilisés par des médias avides d'histoires de vacances, pas de non-vacances. pic.twitter.com/OizGjey3He
Le budget « vacances » passe au second plan
Partir seul, notamment pour un foyer monoparental, demeure difficile. « Tant sur le plan des représentations que sur le plan pratique et financier », explique Sandra Hoibian. Jean Viard observe que « parmi ceux qui ne partent pas, on retrouve souvent des femmes seules, car voyager seule pour une femme n’est pas toujours évident dans notre société ».
Les difficultés financières sont aussi un frein majeur. L’Observatoire des inégalités déplore que les aides financières aux vacances soient encore insuffisantes. « Le budget nécessaire pour pouvoir partir en vacances, pour les plus modestes, est bien supérieur au budget santé, par exemple », précise Sandra Hoibian.
Jean Viard souligne également que les jeunes des quartiers populaires sont souvent les grands oubliés des vacances. Les vacances peuvent être « un moment privilégié de brassage entre les différentes couches de la population », ajoute Sandra Hoibian.
En France, près de 5 millions d'enfants n'auront pas la chance de partir en vacances. Pour pallier ce phénomène, le 20 août prochain, le Secours populaire organise à Paris la Journée des oubliés des vacances. pic.twitter.com/08FnjO4oLD
— Konbini news (@konbininews) July 10, 2025
Un sentiment d’exclusion croissant
Soutenir les départs en vacances et proposer des loisirs accessibles pourrait contribuer à « faire bouger les lignes des inégalités sociales », selon la directrice générale du Crédoc. « Les familles qui ne peuvent pas offrir de vacances à leurs enfants expriment un sentiment d’exclusion », poursuit-elle.
Lire sur le sujet : France : la pauvreté atteint son plus haut niveau depuis trente ans
Pour Jean Viard, « il y a encore du chemin à faire pour aller vers la démocratisation [des vacances] qui a été considérable depuis la guerre ». Pourtant, depuis quarante ans, le taux de départ est resté bloqué autour de 60 %. L’une des causes principales étant la stagnation des niveaux de vie des catégories les moins favorisées.
Cette tendance ne devrait pas s’améliorer. L’Insee signale dans son étude annuelle du 7 juillet que la pauvreté atteint un « niveau inégalé depuis près de 30 ans ». Entre 2022 et 2023, le taux de pauvreté a fortement augmenté, passant de 14,4 % à 15,4 %. Il s’agit du taux le plus élevé depuis la création de cet indicateur par l’Insee en 1996.