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« Dieu est selon l’idée que l’on a de Lui »

"Dieu est selon l’idée que l’on a de Lui" Mizane.info

Dans sa Halte 38, l’émir Abd-al-Kader prend le soin d’expliciter en détail le sens et la compréhension d’une célèbre tradition sacrée (hadith qudsi) qui établit que Dieu est selon l’idée que « le serviteur se fait de Lui. »

Il a dit – qu’Il soit exalté ! – dans une Tradition rapportée au Seigneur1 : « Je suis selon l’idée que Mon serviteur a de Moi …»2 . Cette Tradition, je l’ai obtenue par réception spirituelle directe avec, en plus, le mot “croyant” ajouté à “Mon serviteur”, alors que la version reconnue par la recension habituelle ne comporte pas le terme “croyant”3 . Par zann 4, il faut entendre ici “ferme conviction”, “ferme credo”5 , comme lorsqu’il est dit dans le Coran : « Ceux qui “pensent” qu’ils vont rencontrer leur Seigneur » (Cor. 2, 46), car la pensée intense est comme la science6 .

Le sens de cette Tradition est qu’Il est – qu’Il soit exalté ! – selon la conviction de chacun ; mieux encore : Il est l’essence de cette conviction. Ainsi, toutes les croyances des créatures, en tenant compte de leurs différences, Dieu est “selon” ou “auprès” d’elles, autrement dit, Il en est l’essence7.

Il est conforme aux convictions que les créatures se font à Son sujet, que ces dernières soient vraies ou fausses au point de vue de la forme extérieure des différentes Lois sacrées. Cependant, celui dont la croyance coïncide avec la forme extérieure de la Loi, sa conviction est juste extérieurement et intérieurement, alors que celui dont la croyance diverge de la forme extérieure de la Loi n’est dans le vrai qu’intérieurement et non extérieurement ; sa croyance est vaine et coupable.

Sous un autre rapport, le sens de cette Tradition est que si quelqu’un est fermement persuadé que tout ce qui est d’ordre sensible, intelligible ou imaginal, n’est que Dieu se manifestant par ces différents états, alors Dieu est selon la conviction qu’il s’en fait, et Il est bien réellement ainsi – qu’Il soit exalté ! – puisqu’Il est, en effet, l’essence des choses par Sa propre Réalité qui S’autodétermine, alors que les choses, en elles-mêmes, sont du néant sans consistance. Elles ne sont que des productions imaginaires vides en elles-mêmes.

Par contre, s’il est fermement persuadé que Dieu – qu’Il soit exalté ! – est radicalement différent de tout ce qui est d’ordre sensible, intelligible, conjectural ou imaginal, alors Dieu est selon sa conviction ; c’est-àdire qu’Il est ainsi selon sa Réalité essentielle absolue. Ou encore, s’il est fermement persuadé que Dieu – qu’Il soit exalté ! – est d’ordre sensible tout en étant d’ordre suprasensible, intelligible tout en transcendant l’intellect, saisissable par l’imagination tout en échappant à celle-ci, Il est bien ainsi : synthèse des oppositions et des contraires.

Mieux encore : Il est les oppositions et les contraires mêmes 8, acceptant les qualifications du nécessaire et du contingent. Lorsque Dieu – qu’Il soit exalté ! –, d’après un enseignement traditionnel, Se manifeste aux gens du rassemblement (lors de la Résurrection), et après que ces derniers L’eurent méconnu en demandant protection contre Lui, Il apparaît à chaque créature sous la forme de la croyance qu’elle s’était faite de Lui – du premier au dernier credo de cette communauté muhammadienne –, jusqu’à ce que toute créature conclue qu’Il est bien leur Seigneur et Le reconnaisse.

Le signe de reconnaissance qu’ils invoqueront comme faisant le lien entre eux et leur Seigneur n’est autre que les convictions qu’ils se sont faites à Son propos, persuadés qu’ils sont que Dieu est comme ceci et non comme cela. En ce moment exceptionnel, Dieu Se manifestera selon la croyance que chaque jinn ou homme a en Lui. S’il en restait un seul auquel Il n’apparaîtrait pas selon son credo, celui-ci ne pourrait conclure qu’Il est son Seigneur, mais cela n’arrivera pas, et Allâh contient tout et sait tout !

Quand la suite de cette Tradition dit : « Qu’il pense de Moi ce qu’il veut ! », il ne faut pas prendre cela à la lettre comme une injonction d’agir selon son bon plaisir9 , avec licence de tout faire, mais seulement comprendre que Dieu – qu’Il soit exalté ! – accueille tous ceux qui ont une conviction à Son sujet. N’était Sa Théophanie – qu’Il soit exalté ! – pour ce croyant dans la forme de son credo, ce credo n’existerait pas.

Parmi ces croyances et ces conceptions, il en est que la Loi sacrée interdit, même s’il en est autrement, de manière cachée, en vertu d’une sagesse que Lui seul connaît, ainsi que nous l’avons évoqué précédemment. Allâh, en effet, n’ordonne jamais d’accomplir l’abominable, qui n’est autre que ce que la Loi interdit, puisqu’il n’y a pas, pour nous, d’autre Sage que Lui. Aussi la fin de cette Tradition énonce-t-elle que « si c’est un bien, ce sera bien, et si c’est un mal, ce sera mal. »

Le bien, c’est de penser aux Caractères divins, et de concevoir la transcendance dans l’immanence et l’immanence dans la transcendance, ainsi que le révèlent les Écritures sacrées et les enseignements des Envoyés – sur eux la Paix ! Le mal, c’est de ne concevoir que la transcendance ou que l’immanence ; il n’y a pas plus borgne que celui qui prend parti exclusivement pour l’une des deux.

Le parfait, lui, voit avec ses deux yeux. Contemplant les deux vérités, il reconnaît les deux plans de réalité, celui de l’Absolu et de la transcendance, et celui du conditionné et de l’immanence. Ainsi voit-il, simultanément, l’Absolu dans le conditionné, le conditionné dans l’Absolu, la transcendance dans l’immanence, l’immanence dans la transcendance. Ceci ne le voile pas à cela, et inversement10.

Abd-el Kader

Notes :

1 – Il s’agit d’un hadîth qudsî rapporté par Bukhârî et Muslim.
2 – Il existe un certain nombre de versions commençant toutes par la même affirmation : « Anâ ‘inda zanni ‘abdî bî », mais qui varient quant à la suite. Voici celles que nous tirons d’Al-ittihâfât as-saniyyah bi al-ahâdîth al-qudsiyyah (Les Dons précieux et sublimes des Traditions sanctissimes) d’Al-Munâwî :
« Je suis selon l’idée que Mon serviteur a de Moi ; qu’Il Me conçoive donc comme il veut ! » (transmise par Abû Hurayrah et retenue par Muslim et At-Tirmidhî ; c’est la fin de cette variante que l’Émîr commentera plus loin).
« Je suis selon l’idée que Mon serviteur se fait de Moi, et Je suis avec lui lorsqu’il M’invoque » (transmise par Anas et extraite de Muslim et At-Tirmidhî). Une version plus longue ajoute :
« Je suis selon l’idée que Mon serviteur a de Moi, et Je suis avec lui lorsqu’il M’invoque. S’il M’invoque en lui-même, Je l’invoque en Moi-même, et s’il M’invoque dans une assemblée, Je l’invoque dans une assemblée meilleure que la sienne. S’il se rapproche de Moi d’un empan, Je Me rapproche de lui d’une coudée ; s’il se rapproche de Moi d’une coudée, Je Me rapproche de lui d’une brasse, et s’il vient à Moi en marchant, Je viens à lui en courant » (Al-Munâwî n’en retient qu’une partie qu’il a extraite d’Al-Bayhaqî).
« Je suis selon l’idée que Mon serviteur a de Moi, et Je suis avec lui lorsqu’il Me sollicite » (retenue par Ahmad Ibn Hanbal).
« Je suis selon l’idée que Mon serviteur a de Moi ; s’il pense du bien ce sera un bien, et s’il pense du mal ce sera un mal » (retenue par At-Tabarânî ; l’Émîr tient compte aussi de cette version).
« Je suis selon l’idée que Mon serviteur a de Moi ; s’il pense du bien cela lui revient, et s’il pense du mal cela lui revient » (transmise par Abû Hurayrah et retenue par Muslim, Ibn Hanbal, etc.).
3 – L’Émîr a donc reçu, par inspiration directe, ce hadîth qudsî sous la forme : « Je suis selon l’idée que Mon serviteur croyant a de Moi. »

4 – Le mot zann signifie “idée”, “conception”, “pensée”, “croyance”, “opinion”, “conjecture”, “estimation”, “jugement”, “impression”, et même “doute”. Il a donc des sens positifs et négatifs. La suite du mawqif sera traduite en tenant compte de ces possibilités.
5 – Al-i‘tiqâd al-jâzim.
6 – Dans Futûhât, II, 474, le Shaykh al-Akbar a développé la même idée, considérant qu’il s’agit ici de science et de certitude, alors que dans d’autres occurrences, c’est le contraire : « Le zann qui est du domaine du monde intermédiaire a un aspect de science et un aspect opposé à celle-ci. » Des versets coraniques sont cités à l’appui des deux interprétations.
7 – Al-Haqqu ‘inda-hâ ayy ‘aynu-hâ.

8 – Cf. Halte 34.
9 – Nous traduisons ainsi le terme takhyîr du Ms., préféré à takhbîr des deux éditions.

10 – Dans le chapitre final des Futûhât (ch. 560, IV, p. 446), où Ibn ‘Arabî rassemble ses conseils pratiques (al-waçâyâ), on trouve ceci : « Aie la meilleure idée de ton Seigneur en tout état, et n’aie pas de mauvaise idée à Son propos. En effet, tu ne sais pas si, à chaque souffle qui sort de toi, ce n’est pas le dernier de tes souffles, celui qui te permettrait de mourir en rencontrant ton Seigneur avec une bonne idée de Lui, et non une mauvaise. Tu ne peux prévoir que, peut-être, Allâh te saisira pendant ce souffle qui sort vers Lui. Débarrasse-toi de toutes les mauvaises idées qu’ont pu exprimer ceux qui t’ont dit du mal de Dieu au cours de ta vie ; aie la meilleure idée possible d’Allâh au moment de ton trépas ! Les savants par Allâh ne connaissent pas ce problème car, eux, ils sont avec Allâh à chacun de leurs souffles et il y a, en cet état, le bénéfice spirituel et la science par Allâh… Il est établi que l’Envoyé d’Allâh – qu’Allâh prie sur lui et lui donne la Paix ! – a rapporté comme venant de Son Seigneur Lui-même – que soient reconnues Son Inaccessibilité et Sa Majesté ! – cette parole : “Je suis selon l’idée que Mon serviteur a de Moi ; qu’il pense donc du bien”. Il n’a pas privilégié pour cela un moment plutôt qu’un autre. Que ton idée d’Allâh soit de savoir qu’Il efface les fautes, les couvre et passe dessus. »

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