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« Dictature scientifique » et technocratie : le cas de la Chine

L’émergence d’une technostructure a fait ses preuves en Chine, premier laboratoire à l’échelle mondiale d’une politique de contrôle en contexte pandémique. C’est la thèse soutenue par le politologue américain David A. Hugues dans son ouvrage « Covid-19, Psychological Operations, and the War for Technocracy », accessible en open source.

Les penseurs du milieu du XXe siècle ont envisagé la possibilité d’utiliser la science à des fins de contrôle social total. Russell (1952, pp. 30-54)1, par exemple, envisage une « dictature scientifique » dans laquelle l’accès aux connaissances scientifiques pertinentes sera « strictement limité à la classe dirigeante. La population ne sera pas autorisée à savoir comment ses convictions ont été générées. »

Non seulement « l’art de la persuasion » (propagande), mais aussi le régime alimentaire, les injections et l’éducation se combineront pour rendre « toute critique sérieuse des pouvoirs en place […] psychologiquement impossible », immunisant la classe dirigeante contre la révolution. Après une seule génération nécessaire pour perfectionner ces techniques, la dictature scientifique n’aura plus besoin de formes physiques de coercition (forces de police et armées) pour contrôler ses sujets.

Selon Huxley (1958, p. 118)2, « sous un dictateur scientifique, l’éducation sera véritablement efficace – avec pour résultat que la plupart des hommes et des femmes grandiront en aimant leur servitude et ne rêveront jamais de révolution. » Huxley envisage « un nouveau type de totalitarisme non violent », non fondé sur la terreur et la coercition, dans lequel les attributs de la démocratie (par exemple, les élections, les parlements et la rhétorique de la liberté) subsisteront tandis que « l’oligarchie dirigeante et son élite hautement qualifiée de soldats, de policiers, de fabricants de pensées et de manipulateurs d’esprit dirigeront tranquillement les choses comme bon leur semble » (1958, p. 110-111)3. La « révolution finale » (ou, mieux, la contre-révolution) sera une « dictature sans larmes, pour ainsi dire, produisant une sorte de camp de concentration indolore pour des sociétés entières » (Huxley, 1959, p. 226)4.

Aldous Huxley.

En 1962, Huxley passa un semestre à Berkeley en tant que professeur-chercheur Ford. Visiblement attirée par ses idées, la Fondation Ford investit massivement dans la recherche en sciences du comportement dans les années 1960. Brzezinski (1970, p. 10)5 soutient par exemple que le changement social est impulsé par l’avènement de la « société technétronique », présente uniquement aux États-Unis à l’époque, et caractérisée par l’influence omniprésente de la technologie et de l’électronique, notamment dans le domaine de l’informatique et des communications, avec la mise en service d’ARPANET en novembre 1969. La société technétronique représente une « société plus contrôlée et dirigée », dominée par une élite dont la prétention au pouvoir politique reposerait sur un savoir-faire scientifique prétendument supérieur.

Libérée des contraintes des valeurs libérales traditionnelles, cette élite n’hésiterait pas à atteindre ses objectifs politiques en utilisant les techniques les plus modernes pour influencer le comportement public et maintenir la société sous étroite surveillance et sous contrôle. (Brzezinski, 1970, p. 97)6 Cela exige rien de moins qu’une « redéfinition du système américain » (Brzezinski, 1970, p. 66)7 et penche vers le totalitarisme. De fait, Brzezinski (1970, p. 34)8 cite Teilhard de Chardin : « Pour être aussi monstrueux, le totalitarisme moderne ne doit-il pas déformer une chose bien magnifique, et être bien proche de la vérité ? »

La Chine : le premier technat du monde

Selon Brzezinski, Henry Kissinger et le président Nixon « ont initié une sorte de collaboration secrète ou peut-être même pourrait-on l’appeler une alliance » avec la Chine au début des années 1970 (cité dans Corbett, 2014)9, ouvrant la voie au voyage de David Rockefeller en Chine en 1973. Signalant son empressement à collaborer avec la Chine, Rockefeller (1973)10 a écrit dans le New York Times : « L’expérience sociale en Chine sous la direction du président Mao est l’une des plus importantes et des plus réussies de l’histoire de l’humanité » — ignorant les dizaines de millions de personnes qui sont mortes de faim pendant le « Grand Bond en avant » (1958-1962). En 1979, Rockefeller a rencontré Rong Yiren, président de la China International Trust Investment Corporation (CITIC).

Un accord a été conclu entre CITIC, Chase et la Banque de Chine afin d’« identifier et définir les secteurs de l’économie chinoise les plus sensibles à l’apport de technologie et de capitaux américains » (Chossudovsky, 1986, p. 140)11. Le remarquable taux de croissance annuel du PIB chinois depuis 1978, légèrement inférieur à 10 % en moyenne, découle de l’« ouverture » aux investissements occidentaux.

Ainsi, comme le remarque Corbett (2014)12, « le mastodonte industriel chinois n’est pas apparu du jour au lendemain » ; il a plutôt été « soigneusement et délibérément construit par des transferts de richesse, des accords bancaires, des investissements en R&D, des “fuites” de technologie militaire et la délocalisation de la production manufacturière sur plusieurs décennies ».

L’essor du financement de la recherche et du développement depuis les années 1990 est particulièrement intéressant. Il ne s’agit pas d’exploiter la main-d’œuvre chinoise bon marché. Il s’agit plutôt d’un transfert de technologie délibéré, semblable à celui identifié par Sutton (1981, 2016)13 concernant les transferts américains vers l’Union soviétique et l’Allemagne nazie. Cela inclut les transferts de technologie militaire (Corbett, 2019a)14. Sutton (2002, p. 135)15 prédisait en 1983 que d’ici 2000, « la Chine communiste serait une “superpuissance” bâtie par la technologie et le savoir-faire américains ».

Contrairement à l’image réaliste d’une « concurrence entre grandes puissances » (Layne, 2018)16, l’Occident et la Chine collaborent depuis des décennies au développement de nouvelles technologies capables de rendre la technocratie viable. En 2010, alors que la crise financière « mondiale » de 2007-2008 avait déclenché un cycle périlleux d’« austérité » et d’« assouplissement quantitatif » en Occident, la Chine bénéficiait encore d’une croissance annuelle significative de son PIB. À cette époque, l’autoritarisme chinois a commencé à être promu comme un modèle mondial potentiel.

La Fondation Rockefeller et le Global Business Network (2010, p. 18)17, dans leur tristement célèbre scénario de « lockstep », contrastent la « clémence mortelle » de la réponse américaine à une pandémie fictive avec « l’imposition et l’application rapides de la quarantaine obligatoire pour tous les citoyens » par le gouvernement chinois, qui a « sauvé des millions de vies », permettant une « reprise post-pandémique plus rapide ».

Corbett (2014)18 note les éloges adressés à la Chine par les représentants de la classe dirigeante transnationale dans les années 2010, notamment George Soros, Evelyn de Rothschild, Richard Rockefeller et Henry Kissinger. Corbett (2022a)19 note également les affinités ouvertes des dirigeants politiques occidentaux avec la Chine, notamment Justin Trudeau (« J’ai en fait une certaine admiration pour la Chine, car leur dictature de base leur permet de redresser leur économie en un clin d’œil »), Angela Merkel (décrite comme une « vieille amie » par Xi Jinping), Joe Biden (qui qualifie Xi de « gars brillant et vraiment dur ») et Boris Johnson (qui se dit « fervent sinophile »).

Le fils de Klaus Schwab, Olivier, a épousé une Chinoise et dirige le bureau du Forum économique mondial (WEF) à Pékin depuis 2011. Des responsables chinois d’importance croissante participent au WEF depuis 2009, dont Xi Jinping en 2017. Schwab affirme que l’Occident doit adopter les types de technologies introduites en Chine (Velázquez, 2020)20.

Wood (2018, p. 125)21 par contre met en garde contre les dangers du système chinois de crédit social (SCS), soulignant que les personnes ayant un score élevé « bénéficieront d’une liberté de déplacement, fréquenteront de meilleures écoles et obtiendront de meilleurs emplois. Les détenteurs d’un SCS faible ne seront pas autorisés à obtenir des titres de transport, à vivre dans de meilleurs logements, à intégrer de meilleures écoles et se retrouveront avec des conditions de travail moins favorables. »

Le système de notation du crédit social a ensuite été étendu aux entreprises chinoises – un précurseur des « Objectifs de durabilité environnementale » actuellement mis en place pour noter les entreprises du monde entier et ainsi manipuler leurs activités. Wood (2018, p. 125)22 cite également une expérience de la BBC menée à Guiyang pour tester le temps qu’il faudrait à la police pour localiser et appréhender un journaliste présent au hasard dans une population de 3,5 millions de personnes. La réponse : seulement sept minutes.

Alors que le « pré-crime » relevait de la science-fiction dans la nouvelle de Philip K. Dick de 1956, The Minority Report (Dick, 2002)23, les algorithmes pré-crimes chinois basés sur des données sociales, qui seront inévitablement utilisés pour cibler les dissidents, sont une réalité et ont été exportés dans de nombreuses villes américaines bien qu’illégaux et inconstitutionnels – « une dictature scientifique, pure et simple » (Wood, 2018, pp. 126-127)24.

La Chine en tant que « premier Technat du monde » (Davis, 2022)25 ou première « technocratie à part entière » n’a été rendue possible que grâce à la « manipulation et au soutien astucieux d’élites occidentales comme la Commission trilatérale » (Wood, 2022)26. Maintenant que la technocratie s’est avérée réalisable comme moyen de contrôle du pays le plus peuplé du monde, l’objectif est de la déployer en Occident et ailleurs (Wood, 2018, p. 73)27. La « technocratie intentionnelle » chinoise, prévient Wood (2022)28, se propage comme un cancer à d’autres nations du monde entier. L’objectif était depuis toujours d’utiliser la technologie pour instaurer une dictature scientifique mondiale.

Pour comprendre où cela mène, il suffit d’observer le « confinement » de Shanghai en avril 2022. 25 millions de personnes étaient confinées chez elles, surveillées par des drones utilisant des logiciels de reconnaissance faciale et diffusant le message « Contrôlez le désir de liberté de votre âme » (Browning, 2022)29. Dans un contexte de privation alimentaire, d’incapacité à aider les proches vulnérables et de démonstration de force brutale du gouvernement, des vidéos poignantes ont fait surface, montrant des personnes hurlant depuis leurs balcons d’immeubles, certaines se jetant à terre.

En mai 2022, la Chine a annoncé qu’elle allait « limiter strictement les voyages non essentiels à l’étranger des citoyens chinois », c’est-à-dire empêcher ses propres citoyens de quitter le pays (George, 2022)30. De peur que de telles choses ne soient jugées inimaginables en Occident, rappelons que le Canada n’a pas autorisé les personnes « non vaccinées » à monter à bord d’avions ou de trains commerciaux entre octobre 2021 et juin 2022.

David A. Hugues

Notes :

  1. Russell, B. (1952). The impact of science on society. Simon and Schuster. ↩︎
  2. Huxley, A. (1958). Brave new world revisited. Harper & Row. ↩︎
  3. Ibid, pp. 110–11 ↩︎
  4. Huxley, A. (1959). The final revolution. In A. Simon & R. M. Featherstone (Eds.), A pharmacologic approach to the study of the mind (pp. 216–228). University of California Medical School. ↩︎
  5. Brzezinski, Z. (1970). Between two ages: America’s role in the technetronic era. Viking Press. ↩︎
  6. Ibid, p 97. ↩︎
  7. Ibid, p 66. ↩︎
  8. Ibid, p 34. ↩︎
  9. Corbett, J. (2014). Episode 297—China and the new world order. The Corbett Report. https://www.corbettreport.com/episode-297-china-and-thenew-world-order/ ↩︎
  10. Rockefeller, D. (1973, August 10). From a China traveller. The New York Times. https://www.nytimes.com/1973/08/10/archives/from-a-china-traveler.html. ↩︎
  11. Chossudovsky, M. (1986). Towards capitalist restoration? St. Martin’s Press. ↩︎
  12. Corbett, J. (2014). Episode 297—China and the new world order. The Corbett Report. https://www.corbettreport.com/episode-297-china-and-thenew-world-order/. ↩︎
  13. Sutton, A. C. (1981). Wall Street and the Bolshevik Revolution. Veritas Publishing. ↩︎
  14. Corbett, J. (2019a, April 21). China’s suspiciously American arsenal: a closer look. The Corbett Report. https://www.corbettreport.com/chinas-suspiciously-american-arsenal-a-closer-look/. ↩︎
  15. Sutton, A. C. (2002). America’s secret establishment: An introduction to the order of Skull & Bones (3rd ed.). TrineDay. ↩︎
  16. Layne, C. (2018). The US–Chinese power shift and the end of the pax Americana. International Affairs, 94(1), 89–111. https://doi.org/10.1093/ia/iix249. ↩︎
  17. Rockefeller Foundation and Global Business Network. (2010, May). Scenarios for the future of technology and international development. Retrieved June 13, 2023, from https://archive.org/details/scenarios-for-the-future-of-tec
    hnology-and-international-development-rockefeller-foundation-2010 ↩︎
  18. Corbett, J. (2014). Episode 297—China and the new world order. The Corbett Report. https://www.corbettreport.com/episode-297-china-and-thenew-world-order/ ↩︎
  19. Corbett, J. (2022a, March 14). It’s confirmed: Tyrants love China! …but why? The Corbett Report. https://corbettreport.substack.com/p/its-confirmed-tyrants-love-china. ↩︎
  20. Velázquez, A. (2020, November 28). China and the “Great Reset.” Substack.
    https://ayavela.substack.com/p/coming-soon. ↩︎
  21. Wood, P. (2018). Technocracy: The hard road to world order. Coherent Publishing ↩︎
  22. Ibid. ↩︎
  23. Dick, P. K. (2002). Minority report. Gollancz ↩︎
  24. Wood, P. (2018). Technocracy: The hard road to world order. Coherent Publishing ↩︎
  25. Davis, I. (2022, February 22). Technocracy: The operating system for the new international rules-based order. Unlimited Hangout. https://unlimitedhangout.com/2022/02/investigative-reports/technocracy-the-operating-systemfor-the-new-international-rules-based-order-1/. ↩︎
  26. Wood, P. (2022, December 19). “Day 7: China is a Technocracy.” Technocracy News & Trends. https://www.technocracy.news/day-7-china-is-a-technocracy/. ↩︎
  27. Wood, P. (2018). Technocracy: The hard road to world order. Coherent Publishing. ↩︎
  28. Wood, P. (2022, December 19). “Day 7: China is a Technocracy.” Technocracy News & Trends. https://www.technocracy.news/day-7-china-is-a-technocracy/. ↩︎
  29. Browning, O. (2022, April). Drone flying over Shanghai tells residents on balconies to comply with Covid lockdown. The Independent. https://www.independent.co.uk/tv/news/shanghai-china-covid-lockdown-drone-b2055301.html. ↩︎
  30. George, L. (2022, May 12). China to “strictly limit” citizens from leaving the country. American Military News. https://americanmilitarynews.com/2022/05/china-to-strictly-limit-citizens-from-leaving-the-country/. ↩︎

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