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vendredi 19 avril 2024

Décès de Mohamed El Mestiri, fondateur de l’Institut international de la pensée islamique, en France

Mohamed El Mestiri.

Professeur de philosophie, médiéviste, fondateur de l’ex IIIT France à Saint-Ouen, Mohamed El Mestiri est décédé. Mizane.info s’est entretenu avec des anciens acteurs de l’institut qui sont revenus sur son engagement intellectuel et sur l’approche du travail mené à l’IIIT France.

Diplômé de l’université islamique de la Zitouna (Tunisie), docteur à la Sorbonne, Mohamed El Mestiri avait fondé en 2001, à Saint-Ouen, la branche française de l’Institut international de la pensée islamique, un centre créé au début des années 1980 aux Etats-Unis par des penseurs musulmans contemporains comme le docteur Taha Jabir al ‘Alwani.

Les 3 IIIT comme on l’appelait à l’époque était un institut de formation d’études supérieures qui associait sciences humaines et enseignement de disciplines théologiques et/ou religieuses.

Ancien étudiant de l’institut et co-fondateur de la revue en ligne Les cahiers de l’islam, Amine Djebbar évoque dans un article publié par nos confrères un élément important : l’IIIT a été l’un des premiers instituts musulmans à proposer une formation diplômante de type licence, master et doctorat dès 2007.

« L’un des premiers instituts islamiques français à proposer un cursus de type LMD fut l’ancienne antenne française de l’Institut International de la Pensée islamique, IIIT France, en 2007. Il est également l’un des premiers à effectuer des travaux scientifiques avec des institutions et des universités publiques non musulmanes de renommée internationale comme notamment l’université de Berkeley (Californie) ou l’UNESCO », écrit-il.

Eric Geoffroy : « Mohamed avait une grande ouverture d’esprit »

Eric Geoffroy.

Eric Geoffroy, spécialiste du soufisme et enseignant à l’Université de Strasbourg a fait partie de l’aventure IIIT France puisqu’il était, avec Tahar Mahdi et le regretté Mohamed El Mestiri, l’un des membres du Conseil d’administration de l’institut. Il s’en est confié à la rédaction de Mizane.info.

« Je l’ai très bien connu, paix à son âme. Il m’avait contacté pour me proposer de travailler avec lui. Il a fait un énorme travail à l’institut. L’IIIT était aussi soutenu et encouragé par des non musulmans. J’ai gardé un bon souvenir d’une soirée avec l’université Diderot de Paris. On s’entendait très bien tous les deux malgré nos différences de sensibilité. Il avait plutôt une sensibilité rationaliste. Mohamed avait une grande ouverture d’esprit. »

Président et fondateur de l’Académie française de la pensée islamique, diplômé en islamologie à l’EPHE, docteur en études arabes et en islam contemporain à l’université de Strasbourg, Jamel El Hamri, qui est l’un des spécialistes de la pensée de Bennabi en France, a aussi fait une partie de ses études à l’IIIT.

L’homme, qui était aussi engagé avec l’institut à travers son implication dans l’association des étudiants, a livré à Mizane.info son sentiment sur Mohamed El Mestiri et l’action de l’IIIT.

« Cette mort de Mohamed El Mestiri intervient presque dix ans après la fermeture de l’IIIT France. C’est une date symbolique. J’ai fait partie de la première promotion en 2007 avec une licence d’études islamiques interdisciplinaires. Le programme était à l’époque novateur et s’inscrivait dans une vision, une vision, d’ailleurs, bennabienne, du propre aveu de Mohamed El Mestiri qui m’en parlait. Lui-même partageait cette ambition de renouveler la réflexion islamique contemporaine et considérait ce renouvellement comme transitoire dès lors que l’Institut international de la pensée islamique devait à terme devenir tout simplement l’Institut international de la pensée », nous a-t-il expliqué.

Jamel El Hamri : « Mohamed El Mestiri a su ouvrir un espace de pensée »

Pour Jamel El Hamri, cette évolution de la trajectoire de l’institut répondait à un objectif précis : comment, à partir d’un référent islamique, contribuer à édifier un universel.

« Cette vision a produit des colloques et des actes de colloque d’une très grande qualité qu’on ne retrouve plus aujourd’hui. Mohamed avait la vision et avait aussi les fonds pour financer ce projet. La communauté musulmane américaine s’était mobilisée pour financer l’institut. L’IIIT aux Etats-Unis avait su trouver en lui le bon interlocuteur pour assurer la réussite de ce projet. Son profil hybride (sciences humaines et sciences religieuses) lui a permis d’ouvrir un champ très intéressant que les musulmans ne veulent malheureusement pas ouvrir aujourd’hui. Le musulman lambda n’a pas forcément le champ de vision pour voir l’intérêt de cette approche et ceux qui l’ont n’ont pas forcément d’intérêt à l’investir », a ajouté le chercheur.

Jamel El Hamri.

Sur la plan pratico-pratique, l’institut, de 2001 à 2011, a participé activement aux salons du livre et tenu des colloques, à l’Unesco par exemple, réunissant des personnalités comme Alain Tourraine, Pierre Lory, Mahmoud Azab, Ghaleib Bencheikh.

Une revue universitaire, ROUA, a aussi été créée, tout comme un programme de co-diplomation avec l’université Cadi Ayyad de Marrakech, selon des informations fournies par Jamel El Hamri.

« Mohamed El Mestiri a su expérimenter une double ouverture, à la fois intracommunautaire et avec le reste de la société, comme avec l’islamologie savante. Mohamed avait aussi la culture du management et de la performance et il a su ouvrir un espace de pensée islamique en France. »

Les noms de Youssuf Sangaré, Eric Geoffroy, Mahmoud Azab, El Yamine Settoul, Franck Fregosi ou Raphaël Liogier illustrent, à un niveau ou à un autre, la richesse de cette dynamique.

« Mohamed, poursuit Jamel El Hamri, a planté de bonnes graines qui donneront après la fermeture de l’institut, la création des Cahiers de l’islam et de l’Académie française de la pensée islamique. »

L’IIIT France, la nostalgie « d’une aventure fantastique »

Enseignant, chroniqueur à Mizane.info, Mouhib Jaroui a lui aussi effectué une partie de ses études à l’institut.

« Mohamed Mestiri était l’un de mes professeurs, nous a-t-il confié. Il enseignait l’histoire des courants de pensée musulmans, le dogme et l’éthique. Son approche n’était pas du tout traditionnelle. C’était un pro du Kalam et de la tendance philosophique. Il était facile d’accès et pouvait avoir parfois un regard taquin sur l’actualité intellectuelle et musulmane en France ou dans le monde. Je n’ai retenu de mon expérience dans l’institut que du positif. »

9 ans après sa fermeture, en 2012, à la suite d’une liquidation judiciaire pour des problèmes de gestion locale, l’IIIT France a donc laissé de bons souvenirs et une pointe de nostalgie chez ceux qui l’ont connu.

« Cette aventure a été fantastique humainement parlant. Il y avait une vision, une ambiance et un état d’esprit fraternel extraordinaire. Cette expérience a marqué jusqu’à présent tous les acteurs qui y ont participé », a ajouté Jamel El Hamri.

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