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dimanche 28 avril 2024

Critique croisée du coranisme et du salafisme 1/2

Critique croisée du coranisme et du salafisme 1/2 Mizane.info

Deux approches contemporaines des rapports entre le Coran et la tradition prophétique (sunna) ont montré leurs grandes limites et ont provoqué de nombreuses difficultés quotidienne dans la vie des fidèles. Islam actuel analyse de manière critique ces deux approches coranistes et salafistes dans un texte que Mizane.info publie en deux parties.

Actuellement, il y a deux courants problématiques au sujet de la Sunnah : il y a d’une part ceux qui se nomment les « coranistes », et d’autre part, les « salafi ».

Critique de l’approche « coraniste » de la Sunnah

Les partisans du premier courant s’appellent eux-mêmes les « coranistes ». Ils disent suivre le Coran uniquement et rejeter la Sunnah. Ils se trompent eux-mêmes ou veulent tromper les musulmans. De quelle manière ?

Premièrement, ils se disent « coranistes » mais ce ne sont pas des « coranistes ». Ils ne suivent pas le Coran. Ils font du Coran un livre sans aucune application possible, sans signification utile pour la vie quotidienne. Ils ne cherchent pas à penser, à agir et à vivre selon la sagesse du Coran. Ils cherchent plutôt à esquiver les exigences qu’il contient et à le rendre obsolète. Tout est « herméneutique », « interprétation » sans conséquence pratique.

Par exemple, certains vont dire que al-ṣalāh, ce n’est pas la prière mais al-ṣilah, le lien avec Dieu. Ils se basent sur le fait que dans la langue arabe, il n’y a pas de voyelles et que l’on peut donc interpréter al-ṣalāh comme étant al-ṣilah. Ils ajoutent que l’on peut être en lien avec Dieu par la pensée, sans passer par la prière.

A travers ce genre d’interprétations, ils font de l’islam une religion floue, sans vision précise sur le monde, sans morale précise à concrétiser, sans culte précis à honorer au quotidien.

Deuxièmement, ils se disent « coranistes » en ce sens qu’ils rejettent la valeur de la Sunnah dans sa totalité, y compris ce qu’il y a d’authentique dans la Sunnah et qui est confirmé par le Coran. En fait, ils considèrent que tout est « Sunnah », même les faux ḥadīth, sans distinguer les différents degrés d’authenticité et le principe de non-contradiction avec le Coran, ceci pour rejeter la Sunnah authentique dans son ensemble.

Ce faisant ils retirent aux musulmans toute une somme d’exemples et d’illustrations qui permettent de mieux comprendre comment l’islam peut être mis en pratique concrètement. Ils ne suivent pas la méthode du prophète Muhammad (paix sur lui) dans sa façon de suivre le Coran.

Revenons à l’exemple de la façon dont ils interprètent al-ṣalāh ou la prière.

Il est juste de dire que l’on peut être en lien avec Dieu – ṣilah – de plusieurs manières : par le dhikr, le tasbīḥ, la lecture du Coran, la méditation, la réflexion, etc. Mais la prière est bel bien un devoir que toute personnes convaincue de Dieu est invité à cultiver cinq fois par jour.

« Soyez constants dans la prière (al-ṣalāh), donnez la zakah, et inclinez-vous avec ceux qui s’inclinent ! »

وَأَقِيمُوا الصَّلَاةَ وَآتُوا الزَّكَاةَ وَارْكَعُوا مَعَ الرَّاكِعِينَ

Coran 2 : 43.

Le prophète nous montre comment accomplir la prière : il se tourne vers Dieu en formulant l’intention de Lui plaire, il fait ses ablutions rituelles, il se met debout, il s’oriente vers al-qiblah, il se couvre les parties intimes, il nettoie le lieu de prière et ensuite, il prie Dieu. Tous ces gestes sont la mise en pratique de l’ordre divin « Accomplissez la prière ».

Si Dieu avait demandé n’importe quelle forme de prière (sans contenu, sans forme et sans moment précis), l’être humain aurait mélangé ses passions, sa tradition, ses divinités avec la voie de Dieu l’Unique, dans sa façon de faire la prière.

Le prophète (paix sur lui) va dire :

« Faite la prière comme vous m’avez vu la faire »

صلوا كما رأيتموني أصلي

Ḥadīth Ṣahīh al-Bukhārī

En fait, derrière le discours des « coranistes » se cache un discours moderniste qui pousse vers une « spiritualité » à la carte, sans contenu, sans devoirs et sans rituels.

Le discours « coraniste » et moderniste critique la Sunnah en oubliant que pendant des siècles, les savants musulmans ont développé la science du ḥadīth qui est un ensemble de méthodes critiques des ḥadīths attribués au prophète, soit par la critique de qui les rapporte et de comment ils ont été mis par écrit (al-isnād), soit par la critique du contenu lui-même (al-matn).

Autrement dit, la première critique systématique et scientifique de la Sunnah se trouve dans la science des ḥadīths et non pas dans les sciences historiques et humaines modernes.

En fait, la méthode critique des « coranistes » et modernistes n’est pas scientifique mais politique. En effet, sa critique de la Sunnah n’est qu’un instrument au service d’un projet politique : couper les musulmans de leurs Textes fondateurs, accentuer les divisions et affaiblir leur attachement à l’islam.

D’abord en créant une division entre le Coran et la Sunnah et ensuite, en délégitimant la Sunnah, et enfin, en délégitimant le Coran lui-même, au nom de « la science historique » et des « sciences humaines ». Le but est de faire taire la Sunnah et le Coran et de pousser les musulmans vers une « modernisation » qui agit comme un processus de soumission au conformisme politique, économique et culturel libéral.

Ainsi, la méthode critique des « coranistes » et moderniste a besoin elle-même d’être critiquée. Elle a tendance à s’appuyer sur tout ḥadīth ou sur tout autre texte, même non-authentique, même infondé, pour légitimer la remise en cause de la Sunnah et du Coran. Autrement dit, dans une large mesure, elle ne fait que colporter des commérages qu’elle fait passer pour de la science.

Il est vrai qu’il existe des récits non-authentiques que l’on mélange avec la Sunnah. Mais il existe une Sunnah que l’on peut encore authentifier grâce à des méthodes rigoureuses et notamment grâce au principe de non-contradiction avec le Coran.

Tout ce qui dans la Sunnah, est cohérent avec le Coran, est authentique, fait partie de la voie (al-dīn) que Dieu nous invite à suivre. Tout ce qui contredit le Coran doit être considéré comme non-authentique, comme ne faisant pas partie de la voie de Dieu.

Bref, le courant des « coranistes » est une imposture. Mais comment est-il apparu dans la civilisation islamique ?

Face à toute l’étendue et la variété des sciences et de la pensée islamique, il y a des intellectuels musulmans qui ont la flemme de prendre le temps de lire et de connaître ce patrimoine. Alors ils sortent sur la place publique et nous disent :

« Pas besoin du patrimoine intellectuel islamique ! C’est dépassé ! Je ne veux pas des uṣūl al-fiqh (philosophie du droit), des différentes écoles de pensée (al-madhāhib al-fiqhiyyah), des sciences du ḥadīth, etc. ! Le Coran suffit ! ».

Shaytān entre par toutes les portes possibles. Ici, il entre par une vérité, à savoir que le patrimoine intellectuel islamique et que même la Sunnah n’est pas infaillible : elle contient des erreurs. C’est juste. Pour autant, tout rejeter au lieu de faire le tri à la lumière de la sagesse du Coran, c’est aussi une erreur.

On a besoin de suivre l’exemple et la Sunnah du prophète (paix sur lui) comme une méthode d’application du Coran.

« Obéissez à Dieu, obéissez au prophète ! Mais si vous vous en détournez, sachez que le prophète n’a pour mission que de vous transmettre le Message en toute clarté »

وَأَطِيعُوا اللَّهَ وَأَطِيعُوا الرَّسُولَ ۚ فَإِن تَوَلَّيْتُمْ فَإِنَّمَا عَلَىٰ رَسُولِنَا الْبَلَاغُ الْمُبِينُ

Coran 64 : 12.

Si les « coranistes » étaient réellement coranistes, ils obéiraient à Dieu et à son prophète. Le Coran montre la voie (al-sharī’ah) et la méthode (al-minhāj). La Sunnah authentique montre comment la concrétiser dans la vie quotidienne. On peut retrouver le fondement de tout ḥadīth authentique ou de toute la Sunnah authentique dans le Coran, soit dans ses principes généraux soit dans ses explications détaillées.

Critique de l’approche « salafi » de la Sunnah

Le second courant se désigne par le terme « salafi ». Mais il n’est pas juste de les appeler « salafi ». Car les vrais « salaf al-ṣāliḥ » ou pieux prédécesseurs, ce sont les compagnons du prophète tels qu’Abū Bakr, Omar Ibn al-Khattâb, Ali Ibn Abī Ṭālib, etc. Ils font partie de la génération qui a reçu la Révélation.

Prenons l’un des salaf al- ṣāliḥ, Abu Bakr par exemple. Quel était le défi qui l’obsédait ? Ce qui a animé toute sa vie, c’est la question du juste et de l’injuste, et la question de l’unité de la communauté de ceux qui ont adhéré à la voie de Dieu (ummah al-mu’minīn) dont il était le Calife.

Contrairement à ceux qui se disent « salafi », il n’était pas obsédé par des détails. Il ne confondait pas la part d’universel et de particulier dans l’exemple du prophète. Jamais il n’a interpelé un musulman pour la taille de sa barbe. Il n’était pas littéraliste au point de passer à côté du sens et de la finalité d’un message du prophète.

Par exemple, contrairement à ceux qui se disent « salafi » qui sont obsédé par le pantalon qui dépasse la cheville, il lui arrivait de porter un vêtement qui traîne par terre. Et il a continué à le faire parce qu’il avait compris que ce que le prophète interdisait, c’était l’orgueil dans sa façon de s’habiller et d’être en général, comme on peut le voir dans ce récit :

« Celui qui laisse traîner son habit (en dessous des chevilles) par orgueil, Dieu ne le regardera pas le Jour de la Résurrection ».

Abū Bakr dit alors : ‘’Une partie de mon vêtement se relâche (tombe (en dessous des chevilles) si je n’y fais pas constamment attention !’’

Le prophète répondit : ‘’Tu n’es pas de ceux qui le font par orgueil’’ »

Ḥadīth rapporté par Ṣahīh al-Bukhārī.

Prenons Omar. Quel était son défi ? Des millions de gens se sont ouverts à l’islam. Il y a une grande diversité de cultures devenues musulmanes. Comment leur permettre de comprendre l’islam de façon juste ? Les grands chantiers intellectuels sont lancés : on traduit le Coran dans une diversité de langues, on invente les sciences du ḥadīth pour éviter qu’on ne diffuse des histoires fausses sur le prophète, etc.

L’esprit des salaf al-ṣāliḥ, c’est un esprit soucieux de bien comprendre la Révélation comme source de connaissances et de sagesse universelle pour faire face aux défis de son temps.

Quant à ceux qui se disent « salafi », ils ne cherchent à relever aucun défi : ils sont obsédés par des détails souvent inutiles. En fait, nous devrions les nommer « les passéistes » plutôt que « les salafi ».

Car contrairement aux « salaf al-ṣāliḥ » ou à la génération qui était témoin de la Révélation, les passéistes donnent la priorité à la Sunnah au sens large (sans appliquer le principe de non-contradiction avec le Coran, sans distinguer ce qui est universel et ce qui est particulier dans le comportement du prophète…) et au patrimoine intellectuel musulman sur le Coran.

L’approche qui se dit « salafi » commet trois grandes erreurs. Premièrement, elle ne cherche pas à comprendre un ḥadīth en le reliant avec l’ensemble des ḥadīths authentiques sur un thème donné et avec le Coran.

En ce sens, elle ne cherche pas à comprendre un ḥadīth comme une explication pratique d’un principe coranique avec lequel elle doit le relier. En gros, « Si un ḥadīth dit une chose, alors nous devons le suivre », sans vérifier s’il est invalidé ou confirmé par une idée du Coran.

Deuxièmement, elle considère que tout est « Sunnah », que tout est un devoir que le musulman doit mettre en pratique, y compris les ḥadīth qui racontent des situations où le prophète a agi en tant qu’être humain dont les dimensions personnelles et culturelles n’ont pas vocation à servir d’exemple universel.

En effet, Dieu a envoyé à la famille humaine des prophètes pour lui enseigner la sagesse et la voie de la droiture, et non pas pour lui enseigner de manger des concombres plutôt que des lentilles, de s’habiller d’un qamīs plutôt que d’un autre vêtement, d’utiliser un siwāk plutôt qu’une autre méthode pour se nettoyer les dents, d’utiliser telle ou telle technique agricole ou médicale…

Dieu a communiqué à ses prophètes un Message universel : jouissez de toutes les choses que Dieu a permises parce qu’elles sont bonnes ; soyez reconnaissants envers Dieu ; faites le bien et résistez à toute forme d’injustice sur terre.

Dans l’univers du ḥalāl (permis), du ṭayyib (bon) et du khayr (bien) que Dieu a mis à la disposition de la famille humaine, le dernier prophète n’a utilisé qu’une infime partie en consommant des concombres, en s’habillant d’un qamīs et en utilisant le siwāk ou telle ou telle technique agricole ou médicale… Il n’y a pas à s’ajouter des interdits et des obligations là où Dieu a invité à jouir de sa liberté dans la mesure de ce qui est Bien et Juste.

Troisièmement, elle ne sait pas appliquer la bonne hiérarchie des sources. En principe, tout le monde s’accorde à dire que si un ḥadīth, un récit populaire ou le discours d’une personnalité musulmane contredit le Coran, alors il n’est pas ṣaḥīḥ, authentique ou juste.

Les savants musulmans s’accordent sur la non-contraction avec le Coran comme critère pour filtrer ce qui est authentique et ce qui ne l’est pas. Mais dans les faits, ce principe de non-contradiction n’est pas bien appliqué.

L’approche qui se dit « salafi » se trompe car dans les faits, elle ne sait pas raisonner en appliquant la bonne hiérarchie des sources de la connaissance et le principe de non-contradiction de la Sunnah avec le Coran. Par conséquent, elle ne sait pas comment traiter les contradictions entre les ḥadīths et le Coran.

Souvent, elle confond la Sunnah authentique avec des récits passés et les avis de tel ou tel savant.

Dans les faits, elle se trompe car elle fait du Coran une source secondaire, et des récits et des discours passés sa source première pour éclairer des questions telles que l’obligation absolue d’obéir à l’autorité, l’interdiction pour la femme de prendre une responsabilité politique, le ḥalāl et le ḥarām (le permis et l’interdit), les signes de la fin des temps, le pouvoir des jinns de posséder une personne, etc.

En somme, dans les faits, l’approche « salafi » néglige le Coran et suit d’abord les récits et les discours passés.

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