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mardi 30 avril 2024

Comprendre la fonction de Marie dans l’Alliance Abrahamique à la lumière du Coran 1/2

Mizane.info publie la première partie d’un texte de l’imam et essayiste sénégalais Ahmadou Makhtar Kanté. Un texte inédit qui décrypte et analyse la fonction de la Vierge Marie à la lumière du Coran.

Dans tous les cas de naissances miraculeuses et emblématiques au sein de la famille/descendance d’Abraham, en commençant par Ismaël et Isaac jusqu’à Jean (paix sur eux), la femme qui va enfanter la personne qui aura un statut et une fonction emblématiques dans le récit de l’Alliance Abrahamique est auparavant empêchée d’avoir un enfant, soit par son âge avancé, soit par une contrainte de stérilité, ou les deux à la fois. Malgré son âge avancé et sa stérilité, l’intervention de Dieu fait que Sara va concevoir et donner naissance à Isaac (paix sur lui). Pour Rébecca, l’épouse d’Isaac, il est question de stérilité, de même que pour Anne, la mère de Samuel (paix sur lui) et son homonyme, la mère de Marie. Même pour cette dernière, la naissance d’un fils sans père qui lui est annoncée sera tellement éprouvante qu’elle va souhaiter mourir avant. (Coran 19 : 23).

Pour chacune de ces naissances miraculeuses qui voit intervenir Dieu, le garçon inespéré qui naît est d’abord affilié à son père comme le veut la tradition israélite voire sémite de façon plus générale : chez les Israélites, un enfant, c’est « ben un tel », d’où l’expression « fils d’Israël » et chez les Arabes, « ibn un tel ». C’est donc par la voie patrilinéaire que Dieu procède à un don de prophètes issus de la descendance d’Abraham (paix sur lui) dans le cadre de l’Alliance qu’Il a conclue avec lui. Or, pour Jésus, fils de Marie (paix sur lui), c’est tout autre chose qui va se passer.

En effet, cette fois-ci, pour la première et dernière fois dans la descendance d’Abraham (paix sur lui) et notamment la lignée d’Israël, une jeune fille exempte de toute contrainte pouvant l’empêcher d’avoir un enfant et qu’aucun homme n’a jamais touchée, va donner naissance à un garçon nommé Jésus, fils de Marie (paix sur lui) : il est « ben miryam » en hébreu et « ibn mayam » en arabe ; il n’est le fils que de sa mère, Marie de Palestine, homonyme de Marie d’Égypte, sœur de Moïse et d’Aaron (paix sur eux).

Il est nécessaire de rappeler que c’est dans le Coran qu’on trouve le récit de loin le plus complet sur la vie de Marie jusqu’à la naissance de son fils Jésus (paix sur eux), ce que nous appelons la « biographie coranique de Marie ».

L’implication majeure de cela est que les articulations de la fonction de Marie et de celle de son fils Jésus (paix sur eux) dans l’Histoire de l’Alliance et du Salut ne peuvent être comprises de façon satisfaisante et correcte sans une prise en compte rigoureuse et conséquente de ce qu’en dit ce Livre1.

Voici les principales étapes de la « biographie coranique » de Marie qui apportent un éclairage incontournable à sa fonction dans l’Histoire de l’Alliance et du Salut :

  • La mère de Marie dont le nom n’est pas mentionné est appelée par le Coran « imra-ata ‘imrân » (‘imrân est correspond au nom Amram de la Bible) ;
  • Marie est appelée par le Coran « maryam ibnata ‘imrân » (Marie, la fille d’Amram) ;
  • Sa mère fait le vœu de dédier l’enfant qu’elle porte à Dieu ;
  • La mère de Marie semble être surprise par la naissance d’une fille, mais finit par l’appeler du nom de Maryam (Marie) ;
  • La mère de Marie adresse à Dieu une invocation aux fins de protection pour sa fille Marie, qui n’est pas encore née, et de celle de la future progéniture de Marie (comment sait-elle que celle-ci en aura ?) contre Satan (le prophète Muhammad – SAWS – nous dit que seuls Marie et son fils n’ont pas subi le toucher de Satan à leur naissance2) ;
  • Dieu assure à Marie, petite fille, un développement harmonieux de sa personne (elle n’a aucun handicap biologique, mental, etc.) ;
  • Marie, petite fille, est installée dans le Temple, au lieu le plus saint «al mihrâb », ce qui est inédit dans la tradition israélite séculaire ;
  • C’est par l’intervention de Dieu que la Tutelle et la garde de Marie seront assurées par le prophète Zacharie en charge du service cultuel dans le Temple à l’époque (après une dispute entre dignitaires israélites pour la garde de Marie, pourquoi ?) ;
  • Zacharie (paix sur lui) trouve de la subsistance devant Marie chaque fois qu’il entre accomplir le service cultuel au « mihrâb » (Marie est nourrie par Dieu) ;
  • À la question de Zacharie (paix sur lui) sur la provenance extraordinaire de cette subsistance, Marie répond par une mention de la Toute-Puissance de Dieu ;
  • Des anges viennent une première fois annoncer à Marie que Dieu l’a élue d’entre les femmes du monde et l’a purifiée tout en lui recommandant d’observer les commandements de son Seigneur et d’accomplir de façon assidue la prière ;
  • Des anges viennent une deuxième fois pour annoncer la bonne nouvelle à Marie : une « kalima » (Parole) venant de Dieu et nommée « Le Messie Jésus fils de Marie » en sus d’autres informations sur cet enfant ;
  • Surprise par cette annonce, Marie s’exclame : « comment aurais-je un enfant alors que jamais un homme ne m’a touchée ! » ;
  • Un ange qui a pris une forme humaine parfaite fait face à Marie sortie du Temple pour la première fois, elle adresse à Dieu une invocation de protection contre lui sans connaître sa véritable identité ;
  • L’ange lui répond n’être qu’un envoyé de Dieu venu de Sa part lui faire don d’un fils pur ;
  • Marie lance à l’ange « Comment aurais-je un fils alors que jamais un homme ne m’a connue et jamais je n’ai été une prostituée ! » ;
  • L’ange annonce à Marie que cette naissance a été déjà décidée par Dieu et que son fils sera un signe (âya) pour les gens et une miséricorde (rahma) de la part de Dieu ;
  • Marie tombe enceinte et s’éloigne des siens et du Temple, l’endroit vers l’est (de Jérusalem) où elle se rend n’est pas mentionné ;
  • Marie, seule, affectée par les douleurs de l’enfantement parvient à se mettre sous un palmier-dattier et accouche seule tout en ayant souhaité mourir avant ;
  • Une voix (d’un ange ou de Jésus ?) lui dit de secouer l’arbre et d’en consommer les dattes en lui indiquant aussi la source d’eau qui vient de jaillir à ses pieds ;
  • La même voix lui dit de faire le jeûne de la parole, à savoir de s’abstenir de parler aux gens qu’elle va rencontrer ;
  • Voyant Marie, avec l’enfant Jésus dans un berceau, les dignitaires qui connaissent sa filiation lui adressent des paroles teintées de soupçon de mauvaises mœurs de sa part tout en mentionnant sa parenté avec Aaron ;
  • Marie leur désigne l’enfant et ils s’offusquent de ce geste considérant que ce n’était pas pensable de parler à un bébé ;
  • L’enfant Jésus s’adressa à eux, leur donnant son identité, tout en mentionnant les grâces de Dieu dont il est dépositaire, ses commandements qu’il doit respecter, le respect dû à sa mère « wâlidatî » (il ne parle pas de père), la paix et la bénédiction qui vont accompagner sa naissance, sa mort et sa résurrection ;
  • Marie et son fils Jésus (paix sur eux) sont installés par une intervention de Dieu dans une localité (qui n’est pas mentionnée)3 en sécurité et arrosée, le temps que Jésus grandisse et revienne parler aux fils d’Israël et sans apprendre de personne le Livre, la Torah, l’Évangile et la Sagesse ;
  • Marie est décrite comme la véridique, la chaste qui a reçu une « kalima » (Parole), un « rûh » (Esprit, Ame) venant de Dieu en la personne de Jésus et aussi comme une femme qui croyait fermement aux Paroles de Dieu et observait scrupuleusement Ses commandements ;
  • Marie n’échappera pas aux calomnies de certains dignitaires du peuple d’Israël ;
  • Marie est mentionnée comme une femme qui s’alimentait comme son fils Jésus ;
  • À la question que Dieu pose à Jésus4 sur ce que des gens disent de sa divinité ainsi que celle de sa mère, il répond leur avoir dit que c’est Dieu, l’unique et vrai Dieu qu’il faut adorer et qu’il n’était pas responsable de ce qui s’est dit en son absence.

Selon le Coran, Marie est la première à s’étonner d’entendre les anges lui faire l’annonce de la naissance de Jésus fils de Marie (paix sur eux) alors qu’elle était dans le Temple. Cela constitue une preuve entre autres de son impeccable chasteté.

A la réponse étonnée qu’elle donne aux anges dans le Temple « Comment aurai-je un enfant alors qu’aucun homme ne m’a jamais touchée ? », Marie ajoute face à l’ange Jibrîl (paix sur lui) qui lui fait face hors du Temple et à l’improviste « et je ne suis pas une prostituée ! »

En vérité, lors de son échange avec Jibrîl (paix sur lui), Marie lui dit que dans son cas, elle ne pouvait avoir d’enfant que par le mariage ou la prostitution, et qu’elle n’était donc pas concernée. Le miracle va se décliner dans l’expression « Jésus, fils de Marie » qui renvoie à ceci que Jésus n’est le fils que de sa mère, Marie.

Mais la théologie chrétienne va finir par se départir rapidement de cette expression pourtant mentionnée dans les Évangiles et lui préférer celle de « Jésus, fils de Dieu » ou encore « Le fils de l’homme », là où le Coran utilise les expressions « Le Messie, Jésus fils de Marie », « Jésus, fils de Marie », « Le Messie, fils de Marie » et les noms de Messie et Jésus.

Voici ce qui distingue principalement Marie des femmes d’Israël qui ont eu des maternités miraculeuses et lui donne cette fonction singulière dans l’Histoire de l’Alliance et du Salut :

  • Elles ont toutes consommé leur mariage ;
  • Elles n’ont pas eu d’enfant auparavant en raison de contraintes biologiques (stérilité et/ou d’âge) ;
  • L’enfant inespéré est identifié à son père connu et reconnu du peuple d’Israël.

Par contre, Marie est dans le cas d’une jeune fille harmonieusement constituée5mais qu’aucun homme n’a jamais touchée ni par les liens du mariage ni par la prostitution. (Coran 3 : 47) ; (Coran 19 : 20).

D’expérience humaine, Marie n’a aucune chance d’avoir une maternité, même si aucune contrainte liée à sa propre personne n’est présente6, et pourtant, elle va en avoir et donner naissance à Jésus, fils de Marie (paix sur lui) ! Ce miracle unique dans la lignée d’Israël et dans l’humanité donne à Marie cette fonction unique d’entre les femmes du monde :

« Quand les Anges dirent : ‘Ô Marie ! Allah t’a élue, t’a purifiée et t’a élue au-dessus des femmes du monde » (Coran 3 : 42).

Pour difficile qu’ait été cette épreuve pour Marie qui en a souffert jusqu’à souhaiter mourir et qui a été calomniée pour ce fait7, il ne s’agissait en réalité que d’une démonstration de la Toute Puissance de Dieu comme le laissent penser la plupart des commentateurs du Coran. On peut néanmoins envisager d’autres hypothèses si on tient compte de l’articulation coranique de la mère Marie et du fils Jésus en un seul signe (âya), (Coran 21 : 91) ; (Coran 23 : 50).

Ahmadou Makhtar Kanté

Notes :

1 Certains textes apocryphes mentionnent la jeune Marie mise dans une cellule et confiée à la garde d’un certain Joseph.

2Ce qui ne correspond pas au dogme chrétien de l’immaculée conception.

3 Il y a bien un plan de mise à l’abri de Jésus et de sa mère Marie (paix sur eux). Cela implique ceci que le lieu de naissance de Jésus, fils de Marie était sujet à des conflits et à l’instabilité politique et religieuse. On déduit de la biographie coranique de Marie, que Jésus, fils de Marie est né loin du Temple (Coran 19 : 16) ; (Coran 19 : 22) ; puis, sa mère et lui se sont installés dans une autre localité encore plus éloignée donc de Jérusalem (Coran 23 : 50).

4 (Coran 5 : 116). Ce sera au jour du Jugement denier.

5 (Coran 3 : 37).

6 On comprend mieux dans ce contexte pourquoi le Coran mentionne que Dieu assura à la jeune Marie un développement harmonieux et complet de sa personne. (Coran 3 : 37).

7 (Coran 19 : 23) ; (Coran 4 : 156).

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