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jeudi 18 avril 2024

CIMG France : le bras de fer se poursuit

Fatih Sarikir (deuxième à gauche), Kemal Ergün (troisième à gauche) et Eyup Sahin (deuxième à droite). 

La nouvelle direction de la CIMG France portée par Emir Demirbas et contestée par Fatih Sarikir vient de sortir du silence. Dans un communiqué signé par une soixantaine de responsables régionaux et locaux, la nouvelle direction réaffirme son leadership. Eyup Sahin, président de la région Grand-Est, s’en est expliqué sur Mizane.info.

Le Milli Görüs France est toujours dans la tourmente. Depuis l’organisation d’une assemblée générale le 2 avril à Sevran où Kemal Ergün lui-même, le président de l’IGMG, la maison-mère allemande du Milli Görüs, avait fait le déplacement, la direction de la CIMG France fait l’objet d’un bras de fer tendu.

Deux présidents pour une seule association

D’un côté, Emir Demirbas, nouveau président porté par une assemblée constituée de l’ancien bureau élargie à plusieurs membres et responsables locaux de la CIMG. De l’autre, Fatih Sarikir, secrétaire générale dix années durant avant d’être président de la CIMG en 2020 pour un mandat de trois ans. Le 9 mai, M.Sarikir avait publiquement contesté le caractère légal de cette assemblée dans un communiqué publié par Mizane.info.

Depuis cette annonce, et à coups de déclarations respectives, la bataille poursuit son cours. Deux semaines après un premier communiqué de M. Sarikir, un autre communiqué signé cette fois par une soixantaine de responsables locaux d’associations et de mosquées de la CIMG, ce dimanche 22 mai selon les informations de Mizane.info, réaffirme l’élection du 2 avril.

« Le 2 avril 2022, lors de l’assemblée générale, elle-même convoquée par le président sortant, en présence de tous les présidents associatifs des CIMG France, ont été élus à l’unanimité : Monsieur Emir Demirbas, président de CIMG France (…) Nous lui témoignons tout notre soutien (…) Il ne manquait personne ce jour-là, en dehors du président sortant et le suffrage a donc pu se faire de la manière la plus démocratique possible. Aucune abstention ou vote blanc n’ont été recensés ce qui représente pour nous un signe de stabilité et une confiance en notre administration. »

Communiqué de la nouvelle direction de la CIMG France signé dans la région Grand-Est. 5 autres versions du même communiqué ont été signées par les présidents de régions et présidents d’associations locales.

La bataille des récépissés

Un communiqué censé clarifier le choix de la nouvelle présidence.

Est-ce bien le cas ? Pour le savoir, la rédaction a contacté Eyup Sahin, président de la Région Est, soutien de la présidence de M. Demirbas et porte-parole de la nouvelle direction du Milli Görüs France, qui a répondu à nos questions.

Interrogé sur la légalité démocratique de l’Assemblée générale, Eyup Sahin s’explique, arguant de l’unanimité de ce choix par tous les responsables de la CIMG France

« Il y a un président national, 6 présidents de régions et tous les autres membres, présidents des associations locales et des différentes mosquées de la CIMG. Près de 200 délégués. Ce sont les mêmes membres qui avaient participé à l’assemblée générale lorsqu’il (M. Sarikir) avait été président », déclare-t-il à Mizane.info.

Eyup Sahin (à gauche) aux côtés de Ali Erbaş, ministre des Affaires Religieuses de Turquie.

Autre élément de la discorde, la légitimité de la présidence.

Dans son dernier communiqué publié le 27 mai, consulté par Mizane.info, M. Sarikir réaffirmait être le président de la CIMG France. « Je rappelle que j’ai été régulièrement élu Président, le 29/11/2020, pour un mandat de trois ans. Je considère l’Assemblée du 2 avril 2022 irrégulière et demeure donc, à ce jour, le président officiel de CIMG France », écrit-il. Le responsable associatif a également souligné avoir en sa possession un récépissé daté d’il y a quelques jours établissant cette présidence, tout en soulignant l’absence de document administratif de la préfecture établissant la nouvelle présidence de M. Demirbas.

Sur le récépissé, M. Sahin conteste ces allégations. Il confirme que le procès-verbal déclarant l’élection d’Emir Demirbas a bien été déposé à la préfecture et qu’il est en cours de traitement. Un récépissé de réception de la demande aurait déjà été fourni à la CIMG.

Extrait de la déclaration déposée à la préfecture. @Mizane.info

Un document d’extrait d’association envoyé par la préfecture doit encore officialiser la procédure. Ce qui n’empêche pas, selon M. Sahin, le bon fonctionnement de l’association y compris pour l’accès au compte bancaire de la CIMG grâce au régime déclaratif des documents publiés. « C’est dans un contentieux juridique que l’extrait d’association est important. Mais ce n’est pas le seul document qui permette à une association de fonctionner », précise-t-il à Mizane.info.

Pour le moment, aucune procédure judiciaire n’a été ouverte pour la direction de la CIMG France qui se retrouve donc avec deux présidents. Ce qui n’est pas le cas de l’UECM (Union européenne pour la construction et le soutien des mosquées), la fondation gestionnaire du patrimoine immobilier de la CIMG France.

Une procédure de contentieux en référé contestant la nouvelle direction choisie le 2 avril a été ouverte. Une audience en référé s’est tenue vendredi 13 mai. Le juge se prononcera le 3 juin prochain.

Le Milli Görüs doit-il se réformer ?

Derrière le conflit juridique et administratif, un autre enjeu se profile. Celui du mode de fonctionnement du Milli Görüs. M. Sarikir dénonce une centralisation allemande excessive et plaide non pas pour une rupture avec l’Europe mais pour « une autonomie » dans le cadre « d’un partenariat ».

Des réformes qu’ils estiment être à l’origine du contentieux qui l’oppose notamment « au mur de Cologne ».

Ces réformes, Eyup Sahin les a consultées. Voici ce qu’il en pense.

« J’ai lu les réformes proposées par M. Sarikir et elles n’ont rien à voir avec la France. Il parle de l’Europe. Ensuite concernant la France, ces réformes nous les vivons déjà. Nos décisions, nous les prenons avec les présidents de mosquées, avec les présidents de région, avec nos membres, avec la direction nationale. Nous sommes également une association européenne. Nous avons des délégués qui viennent d’Allemagne, d’autres de Belgique, d’autres de l’Autriche, comme moi-même suis délégué chez eux. Par contre en France, 99 % de nos délégués sont Français. Notre conseil d’administration est majoritairement français lui-aussi mais il y a également une composante européenne (Allemagne, Belgique). 6 des membres du conseil sont français et 4 ou 5 européens », confie-t-il à Mizane.info.

Eyup Sahin : «  Nos représentants n’acceptent pas cette dictature »

A propos de la centralisation allemande, et l’imposition de la présence de membres allemands dans le bureau de la CIMG France, Eyup Sahin épingle l’incohérence de M. Sarikir.

« Je n’arrive pas à comprendre la position de M. Sarikir. Les décisions sont prises en France. Nous avons regroupé presque 200 délégués pour prendre ces décisions. Lui ne consulte qu’une seule personne. Ce qu’il (M. Sarikir) propose et ce qu’il fait sont deux choses différentes. Exemple, concernant l’UECM, il a proposé la présidence à un membre de Turquie (M. Hakki CIFTCI, ndlr), qui ne parle pas français, qui ne vit pas en France mais en Turquie. Au sein de l’UECM, il s’est proposé comme secrétaire général et a proposé un ami d’enfance comme vice-président. »

Le président de la région Est de la CIMG va plus loin, allant jusqu’à parler de « dictature ».

« Nous sommes venus avec toute la délégation française, presque 200 personnes, et lui ne vient qu’avec trois personnes et dit : c’est nous qui prenons les décisions. Il parle réforme et démocratisation mais il tente d’imposer une dictature. Nos représentants n’acceptent pas cette dictature. Si les décisions doivent être prises, elles doivent l’être en France et non par des personnes en Turquie qui ne connaissent pas la France », ajoute-t-il sur Mizane.info.

Contacté par notre rédaction, Fatih Sarikir conteste ces déclarations.

S’il confirme avoir bien convoqué une assemblée générale, il dément l’ordre du jour qui a mené à l’élection de M. Demirbas.

« Je démens catégoriquement avoir convoqué, le 02 avril 2022, une Assemblée générale ayant pour objectif d’élire un nouveau Président de CIMG France. Pourquoi aurai-je moi-même convoqué une AG en vue d’organiser une élection que je dénonce actuellement ? »

L’AG de M. Sarikir devait mener selon lui au remplacement de 3 vice-présidents et du trésorier, « adjoints du président de l’IGMG résidant en Allemagne », ainsi que de deux présidents de région pour « vacance » de leurs fonctions.

L’homme regrette également les critiques portées contre M. Hakki CIFTCI, vice-président général d’IGMG qui était l’ancien responsable des finances de Milli Görüs et responsable de Milli Görüs France, de 2010 à 2020.

Fatih Sarikir : «  Les musulmans de France ont droit à la transparence »

M. Sarikir conteste également l’argument démocratique du nombre de délégués avancé par M. Sahin. « L’écrasante majorité des personnes ne sont pas venues parce qu’elles ont été convoquées. Elles ont été appelées par le QG d’Allemagne qui leur a demandé d’être présent. La plupart des personnes ne savaient même pas pourquoi elles étaient présentes. Elles sont venues sur ordre. »

Une assemblée générale sera prochainement organisé pour présenter un certain nombre de réformes structurelles apprenait-on dans le dernier communiqué de la CIMG France.

Fatih Sarikir.

« Dans les réformes, toutes les associations du Milli Görüs seront statutairement présentes. M. Sahin parle de 200 personnes. Mais il y a deux ans, nous étions 350. Je demande que les associations membres du Milli Görüs deviennent membres statutaires. On considère aujourd’hui de manière très hypocrite qu’elles sont membres statutaires de droit, demain qu’elles ne le seront plus. Les musulmans de France ont droit à la transparence. Il faut que le conseil d’administration cesse d’être tenus par des membres majoritairement salariés du Milli Görüs » explique M. Sarikir à la rédaction de Mizane.info

Le risque d’enlisement judiciaire

L’ancien secrétaire général a également affirmé ne pas contester la fonction de M. Ergün ni appeler à une scission. « J’appelle à l’unité de toutes les fédérations européennes du Milli Görüs. Chaque pays doit avoir une autonomie dans sa gestion. L’IGMG doit évoluer et avoir une relation de partenariat avec les pays et non plus une gestion hypercentralisée en Allemagne. »

Deux présidents donc pour un seul siège. Une direction bicéphale à l’image des canaux de communication de l’association. Actuellement le site internet de la CIMG est géré par l’équipe d’Emir Demirbas. La page Facebook de la CIMG France est pour sa part sous la direction de Fatih Sarikir.

Mais si le ton s’est durci entre les protagonistes de la CIMG France, le volet juridique de ce bras de fer avance lui plus lentement. Outre la décision très attendue du référé le 3 juin qui déterminera ou non qui prendra la direction de l’UECM, la question de la légitimité juridique de la direction de la CIMG France pourrait elle-aussi débarquer au tribunal.

En cas de renvoi au fond, la bataille judiciaire sur l’UECM pourrait également traîner en longueur. Ce qu’aucun des acteurs de ce duel ne souhaite réellement.

Contacté par Mizane.info, l’IGMG basé en Allemagne devrait s’exprimer prochainement dans nos colonnes.

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