A quelle symbolique renvoie la célébration, chaque 24 novembre, du Black Friday ? Dans une chronique exclusive publiée par Mizane.info, Rachid. T nous livre quelques clés de compréhension de la généalogie intime du Black Friday et de toutes les implications que cette généalogie recèle.
Le rituel consumériste du Black Friday et des soldes en général se révèle bien plus qu’une simple supercherie connue de tous. Il s’érige en une profanation, une cérémonie teintée d’une aura indigne, une perversion rituelle altérant les fondements de notre société par le biais du commerce.
L’expression « Black Friday », traduisible en arabe par « Jumu`a as-sawda » ou littéralement par « Assemblée noire, ténébreuse », se rattache au vendredi, en lien avec la féminité ontologique, symbolisant le jour de Vénus. En anglais, le vendredi (Friday) correspond au « jour de Freiya », déesse nordique de l’Amour, de la sexualité, de la beauté, de la terre, de la fertilité et de la vénération fidèle.
C’est donc l’exact équivalent de « vendredi », le jour de Venus, déesse de l’amour, du sexe, de la beauté et de la fertilité. À cet effet, la racine « veneris », donnant naissance à « Venus » et « vénérer », évoque clairement cette essence.
La féminité transparaît également dans « jumu`a », terme féminin incarnant la capacité à s’ouvrir totalement, lié à la « ummiyah », l’état de virginité primordiale prêt à recevoir le tout. L’état de totalité imposé au croyant ce jour-là peut être traduit par l’expression « je suis tout à toi » adressée au Divin.
Le vendredi est un jour empreint de blancheur et de pureté où le Prophète ﷺ recommandait de s’habiller en blanc et d’accomplir les grandes ablutions (un bain rituel sur tout le corps). Cette pureté sacrifiée au profit de la noirceur du « black Friday » est loin d’être anodine puisqu’au lieu de répondre à la proscription coranique d’abandonner tout négoce ce jour-là (Coran, 62/9), au contraire le Vendredi noir glorifie le commerce, c’est en réalité un vendredi-saint inversé.
Ces notions de féminité et d’intégralité qu’on retrouve dans la notion de jumu’a et ummiyah (ou Venus et Freiya) sont précisément celles qui se voient profanées et inversées. Le féminin demeure la cible de cette profanation, comme en témoignent les insultes les plus meurtrissantes qui ciblent le plus souvent la femme, la sexualité, la mère ou tout cela à la fois ; attaquant invariablement l’idée du cocon matriciel, « ar-rahim » (l’utérus) en arabe, origine même de toute manifestation, épicentre de la vie, la Mère en tant que principe.
Ainsi, bien des déviations adoptent comme fer de lance le renversement de la nature féminine ; ce retournement du féminin n’est pas un hasard puisqu’il il s’agit d’une singerie de l’initiation spirituelle, une initiation à rebours.
Le secret de la réalisation spirituelle réside dans le féminin, comme le souligne l’Émir dans son Kitâb al-mawâqif (Livre des haltes, halte 127) ; les femmes sont les gardiennes du secret et elles sont, elles-mêmes, ce secret. Le Livre d’Allah stipule également : « Les femmes vertueuses et pieuses sont les gardiennes du mystère de ce que Dieu garde dans le mystère » (Coran, 4/34).
Les femmes incarnent ce lotus que bon nombre de traditions utilisent pour symboliser le lieu de jonction humain/Divin, le monde métaphysique. Elles sont cette porte étroite évoquée par le Christ qui représente le passage à l’universel. Elles sont la rose des rosicruciens, etc.
Ainsi, le discours d’adieu du Prophète ﷺ souligne l’importance de prendre soin des femmes, non pas dans un esprit féministe comme le penserait un moderniste, mais plutôt en tant que conseil d’ordre initiatique et spirituel. Rien n’importe plus que de nous guider vers Dieu, tel est le cœur même de sa mission.
Venons-en maintenant, plus spécialement à l’idée de totalité qui nous renvoie bien entendu à Dieu Lui-même.
Certes, le terme « solde » se rattache à la racine indo-européenne « Sol » ou « Sal », évoquant la plénitude, ce qui est complet, solide, ce qui permet l’unité (solidaire), ce qui revêt une certaine solennité ; en somme, ce qui est Réel, ce qui est Un, opposé à l’illusoire, au fragmenté, au divisé.
Cette racine donna initialement naissance au « sou », une monnaie d’or massif. Elle se perçoit également dans le « soleil », symbole d’Unité et de l’Esprit, représentation de la Réalité, source de Lumière et de Vie spirituelle.
Il est impérieux de souligner que lorsqu’énoncés par les Sages et les Saints, usant d’un vocabulaire précis et méticuleux, certains mots exigent un retour constant à leur signification originelle afin de ne point altérer leur dimension initiale, à savoir leur essence intellectuelle.
Ce rappel s’impose face aux altérations profondes ayant marqué notre langage, particulièrement depuis la fin de l’ère médiévale. Ainsi, lorsque Maître Eckhart (et Plutarque) fait référence à la « Consolation », il convient de saisir son sens premier : consoler signifie « rendre entier » donc « unir » ; et la première consolation s’exprime par la parole, le Verbe.
Les temples factices de la consommation résonnent alors des hurlements de satisfaction du corps et de ses possessions, les sens s’abandonnent. Il est à noter, dans cette optique, la contradiction profonde, coutumière de la modernité, où l’homme se trouve attiré par une pléthore de « slogans » invoquant la mort : « On liquide », « Tout doit disparaître », « On casse », « Soldes fracassantes », « On sacrifie ».
Il est manifeste pour le lecteur que dans une société s’échinant par tous moyens à évacuer la mort et l’Au-Delà, en s’acharnant à prolonger sa vie corporelle et matérielle, faire référence à ces notions se révèle plus que paradoxal.
Ce refus, voire cette répulsion profonde, envers la mort chez nos semblables, signifie simplement l’oubli de la véritable nature humaine, de son Essence (son Être premier), l’âme se détournant de l’Esprit pour se focaliser sur le corps, toujours en quête d’une amélioration, d’une expansion sans fin.
Refusant l’arrivée de la mort, l’anéantissement du corps, elle déploie des efforts désespérés pour retarder cette déchéance, ultime étape précédant le trépas, ce « grand saut » entre deux rives, redouté car elle ne conçoit pas d’autre rive. La fin de sa vie ? Hors de question !
Or, « Toute âme goûtera la mort », énonce le Coran, indiquant ainsi que toute âme concupiscente, l’ego, le « moi », l’âme mortelle est destinée à s’évanouir même après un prolongement indéfini. La compréhension de la mort devrait éclairer celle de la vie, ce n’est pas là un propos morbide, bien au contraire, c’est la Vie elle-même.
Pour clore, « Solder » peut en effet s’entendre comme le retour à l’intégralité, à la véritable valeur d’une chose ou à son juste prix. Ce qui sous-entend, dans toute sa splendeur, que le reste de l’année, le peuple se trouve dupé, arnaqué, spolié.
En conclusion, le Black Friday transcende sa simple origine commerciale, émanant d’outre-Atlantique, pour revêtir l’ampleur d’une cérémonie obscure à l’échelle mondiale, une messe noire.
Sous le flambeau du mercantilisme, cet événement profane le féminin et obscurcit l’Esprit (s’il le pouvait), dépouillant à la fois les bourses et la lumière intérieure, du moins telle est sa perception ; qu’ils tentent d’abord d’éclipser le Soleil.
Le Black Friday, c’est le Triomphe de la mort.
Rachid. T
A lire également :