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jeudi 02 mai 2024

« Allâh est la Lumière des cieux et de la terre »

« Allâh est la Lumière des cieux et de la terre » Mizane.info

La 103e Halte de l’émir Abd el-Kader est consacrée à l’explication du célèbre signe coranique dit du verset de la Lumière « Allâh est la Lumière des cieux et de la terre ». Un texte à lire en exclusivité sur Mizane.info.

Le Très-Haut a dit : « Allâh est la Lumière des cieux et de la terre. Le semblable à Sa Lumière est comme une niche dans laquelle il y a une lampe ; la lampe est dans un verre. Le verre est comme s’il était un astre très brillant. Elle est allumée d’un arbre béni, un olivier, ni oriental ni occidental ; peu s’en faut que son huile n’éclaire alors qu’aucun feu ne la touche. Lumière sur lumière. Allâh guide à Sa Lumière qui Il veut. Et Allâh propose les symboles aux hommes. Et Allâh est Savant de toutes choses » (Cor. 24, 35)1 .

Dans ce noble verset, le Très-Haut nous informe que le Nom “Allâh”, en tant que “Nom” synthétisant tous les Noms est, en tant que Lumière, la Lumière des cieux et de la terre.

Cette Lumière est leur réalité fondamentale leur permettant de se manifester, puisque grâce à la Lumière apparaît ce qui était caché dans la Ténèbre du non manifesté. N’était cette Lumière, rien ne pourrait être perçu, et il serait impossible de distinguer un gnomon de son ombre.

La Lumière est donc la cause de la manifestation des êtres, dont font partie les cieux et la terre, tout comme, dans le monde sensible, la ténèbre de la nuit rend les choses comme inexistantes aux yeux des observateurs ; dès que la lumière apparaît, les choses apparaissent et se distinguent les unes des autres. C’est au point qu’un philosophe a dit des couleurs qu’elles n’ont pas d’existence dans la ténèbre, la lumière étant la condition de leur existence.

Il a évoqué spécialement les cieux et la terre, car les cieux sont le lieu des esprits, et la terre celui des corps. Les deux sont illuminés d’une même Lumière qui n’est ni fractionnable, ni divisible, ni décomposable. Du fait que l’on ne peut saisir la Lumière pure, pas plus que la Ténèbre pure, la Lumière s’automanifeste sur la Ténèbre, et, simultanément, la Ténèbre est atteinte par la Lumière et la Lumière est atteinte par la Ténèbre.

C’est pourquoi les initiés disent que Dieu Se manifeste par les êtres créés, et que ces derniers se manifestent par Lui. Le Shaykh al-Akbar (Ibn ‘Arabî) a fait ce vers à ce propos : N’eût été Lui, et n’eût été nous2 , Rien n’aurait été de ce qui est 3.

Il n’y a pas de création sans Dieu créateur, et, sans création, le Dieu créateur ne saurait Se manifester, en tenant bien compte du fait que sous le rapport où Dieu apparaît pour Son Essence à Son Essence, Il n’est pas tributaire des êtres créés, car, en tant qu’Essence, Il Se passe des mondes ; Il Se passe même de Ses Noms. Pour qui Se nommerait-Il en tant qu’Essence ? À qui serait-Il décrit, lorsqu’il n’y a que l’Essence transcendant toute relation et Se suffisant à Elle-même ?

Cependant, dans Sa manifestation par les Noms et Attributs, lorsqu’ils produisent leurs effets, Il a “besoin” des créatures 4. Le Shaykh al-Akbar a dit : Tout est dépendant, rien ne se suffit 5. Il s’agit, dans ce vers, de Dieu et de la création.

Le fait que les Noms divins aient besoin de leurs supports de manifestation n’est nullement une imperfection ; c’est au contraire leur perfection même comme Noms et Attributs, puisque le lien de dépendance entre un Nom, en tant que cause influente, avec l’effet produit par ce Nom, est la perfection même permettant que s’opère la distinction des Noms entre eux, car ceux-ci ne sont distinguables que par leurs effets. Cependant, les Noms, considérés sous le rapport où ils se réfèrent à l’Essence, sont indépendants des mondes, car, dans cette perspective, ils sont identiques à l’Essence.

Alors, comme l’Essence, tout Nom peut être qualifié et nommé par tous les autres Noms. Dans une vision contemplative, on éleva à ma vue un immense registre déployé. Sur une ligne était écrit le Nom qui, à la suite, sur la même ligne, était qualifié par tous les autres Noms, jusqu’au dernier d’entre eux. Puis, sur une autre ligne, était inscrit un autre Nom suivi du même processus, et ainsi de suite jusqu’à l’épuisement des quatre vingt-dix-neuf Noms 6.

Les Noms, considérés cette fois sous le rapport où ils se réfèrent au monde créé, ont “besoin” de ce dernier, dans le sens où ils “demandent” la production de leurs effets ; or, tout “demandeur” est dépendant de ce qu’il demande. Ainsi, les cieux, la terre, et tous les êtres que le Nom “la Lumière” illumine, sont-ils les “ombres” des Noms et Attributs.

Les supports à partir desquels ces ombres apparaissent sont les essences immuables du domaine de la Science divine. L’ombre ne peut apparaître que par projection sur une surface, comme la terre ou l’eau par exemple. La Lumière, grâce à ce support, manifeste l’ombre, et le gnomon la formalise sur le support.

Il joue le rôle du plan des Noms et Attributs, la Lumière étant la Réalité se répandant sur les possibles contingents. À la question de savoir si cette illumination des cieux, de la terre et de tous les êtres produits, a lieu directement ou par un intermédiaire, si elle se produit par conjonction, unification de deux natures ou mélange, Dieu répond par les symboles de la niche, du verre et de la lampe, informant par là qu’il n’y a ni mélange, ni unification, ni conjonction. Le verre, c’est la Réalité essentielle muhammadienne,

première autodétermination, l’Isthme des isthmes, support de manifestation de l’Essence, lieu de théophanie de la Lumière, qui est la Lumière des lumières. La “niche”, c’est l’ensemble des êtres, à l’exclusion de la Réalité essentielle muhammadienne, la lumière se diffusant sans cesse à partir du verre et par son intermédiaire.

La lampe, elle, c’est la Lumière de la Réalité relative grâce à laquelle se révèlent les cieux et la terre. Le verre est donc la Réalité essentielle muhammadienne, et la niche, l’ensemble des êtres. Ce verre est doué d’une subtilité, d’une simplicité, d’une pureté et d’une prédisposition parfaites impossibles à dépasser, pour recevoir la Lumière et la répandre sur la niche.

Il est tel que l’a décrit Aç-Çâhib ibn ‘Abbâd 7 : Le verre était si fin et le vin si limpide Qu’ils étaient semblables ; leur nature était uniforme. C’était comme s’il n’y avait que vin sans coupe, Et comme s’il n’y avait que coupe sans vin. C’est pour cela que le Très-Haut nous informe qu’il est « comme un astre très brillant allumé », c’est-à-dire que cette lampe, la lumière de la réalité relative, tire sa flamme à un arbre béni, une source originelle, diffusant une bénédiction permanente et inépuisable.

Cet arbre alimentant la lampe n’est ni d’un Orient où apparaîtrait la lumière du soleil ni d’un Occident où elle disparaîtrait, faisant place à la ténèbre : c’est, en réalité, le tréfonds de l’Essence que rien ne peut définir, la raison et l’intelligence n’ayant pas de prise sur Elle, et il est impossible de définir ce que la raison ne peut juger.

L’Essence – cet arbre ‒ n’est ni orientale ni occidentale, ni nécessaire ni contingente, ni Dieu ni créature, ni adventice ni éternelle, ni Non-Être ni Être : cette quiddité ne Se manifeste pas par quelque chose sans le faire aussi par son contraire8 . « Peu s’en faut » – ce fut proche, mais cela n’arriva pas ‒ que son « huile » alimentant « la lampe » dont nous avons parlé, n’« éclaire », c’est-à-dire : n’apparaisse pour Elle-même et par Elle-même, sans connexion d’ordre conceptuel avec quoi que ce soit.

« Alors qu’aucun feu ne la touche » s’entend des supports de manifestation avec lesquels entre en contact ce qui est désigné comme de l’“huile”, réalité fondamentale de la « lampe ».

La lampe ne peut éclairer que si le feu lui est transmis, et le feu ne peut éclairer sans une substance qu’il brûle et qui lui serve d’aliment, et cette substance n’est mise en évidence que si le feu la touche. « Lumière sur lumière » : la lumière relative aux cieux et à la terre est inhérente 9 à la Lumière absolue qui ne saurait être conditionnée par les cieux et la terre ; le ‘alâ, “sur”, du verset ayant le sens de ‘an 10, marquant la provenance et l’inhérence 11.

« Allâh guide », par Son Enseignement et Son Autorévélation, « qui Il veut » d’entre Ses serviteurs « à Sa Lumière » absolue, inconditionnée, et non à la lumière relative aux choses créées. « Et Allâh propose les symboles aux hommes » pour leur montrer l’évidence de la chose, car Il est Omniscient et sait comment il faut proposer ces symboles, alors qu’il est dit aux hommes : « Ne proposez pas, pour Allâh, les symboles » (Cor. 16, 74), ce qui leur fut interdit en raison de leur ignorance 12, car ils ne savent pas comment proposer les symboles. Cette interdiction s’applique au Nom Allâh, Nom de la Synthèse, pas aux autres Noms13. Et Allâh est plus Savant et plus Sage !

Abd el-Kader

Notes :

1 – Les commentaires de ce verset sont nombreux. L’Imâm Al-Ghazâlî a écrit un traité spécial à ce sujet : Mishkât al-Anwâr, traduit par Roger Deladrière sous le titre : Le Tabernacle des Lumières, Seuil, Paris, 1981.

2 – À un détail près, notre traduction coïncide avec celle de Michel Lagarde, et cela ne saurait étonner, surtout pour la poésie où les courtes séquences à traduire n’offrent parfois pas beaucoup de possibilités.

3 – Tiré du chapitre des Fuçûç al-Hikam d’Ibn ‘Arabî consacré à Jésus (indication donnée par ‘Abd al Bâqî Meftâh dans Éd. 2).

4 – C’est le sens de cette parole de Maître Eckhart : « Si je n’étais pas, Dieu ne serait pas », lorsqu’il distingue, comme l’Émîr ici, la Déité (Gottheit) du Dieu créateur (Gott).

5 – Tiré du chapitre des Fuçûç al-Hikam consacré à Adam (indication donnée par ‘Abd al Bâqî Meftâh dans Éd. 2)

6 – Nombre des Noms retenus par les listes traditionnelles, avec des variantes. Sous un autre rapport, ainsi que le disent les Maîtres, les Noms divins sont innombrables.

7 – « Abû ibn Qâsim ibn ‘Abbâd (IVe /Xe siècle), vizir de plusieurs sultans buyides et homme de lettres » (note de Michel Chodkiewicz, Émir Abd el-Kader, Écrits spirituels, p. 209, Seuil, Paris, 1982).

8 – Au sujet du symbolisme de l’“Arbre de Lumière”, on remarquera que René Guénon a commenté une partie de ce verset en ces termes : « Dans la Sûrat En-Nûr, il est parlé d’un “arbre béni”, c’est-à-dire chargé d’influences spirituelles, qui n’est “ni oriental ni occidental”, ce qui définit nettement sa position comme “centrale” ou “axiale” ; et cet arbre est un olivier dont l’huile entretient la lumière d’une lampe ; cette lumière symbolise la lumière d’Allah, qui en réalité est Allah lui-même, car, ainsi qu’il est dit au début du même verset, “Allah est la Lumière des cieux et de la terre”. Il est évident que, si l’arbre est ici un olivier, c’est à cause du pouvoir éclairant de l’huile qui en est tirée, donc de la nature ignée et lumineuse qui est en lui » (Symboles fondamentaux de la Science sacrée, ch. 51, « L’Arbre du Monde »). On notera d’autre part que le caractère d’être « ni oriental ni occidental » est attribué à la métaphysique (La Métaphysique orientale) et à la Tradition primordiale (Le Règne de la Quantité, ch. 36).

9 – Éd. 1 retient ici ‘ayn au lieu de ‘an. Cette lecture pourrait donner la traduction suivante : « la lumière relative aux cieux et à la terre est fondamentalement identique à la Lumière absolue… »

10 – Éd. 1 lit nahnu, ce qui est fautif. 11 – Cette particule a des sens opposés : elle peut, entre autres, marquer une proximité ou un éloignement.

11 – Le véritable symbole est donc d’origine non humaine, comme l’a affirmé René Guénon à de multiples reprises (cf. Aperçus sur l’Initiation ch. 13).

12 – Conformément à la lettre même du verset où seul le Nom Allâh est impliqué. Les autres Noms, contrairement au Nom de l’Essence, comme cela a été indiqué précédemment, sont des relations impliquant la possibilité du symbole.

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