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Affronter le maître !

Affronter le maître !

La relation de maître à disciple n’est pas exempt de contradictions. D’où la nécessité d’en saisir l’objectif et d’en accomplir les conditions. Un texte aphoristique de Fouad Bahri à découvrir sur Mizane.info.

Le premier ennemi d’un maître est son disciple, sauf s’il devient lui-même un maître. Le but de l’enseignement d’un maître n’est pas de former des suiveurs mais des meneurs qui, chemin faisant, iront plus loin que sa propre pensée. Les imitateurs fidèles de la doctrine d’un maître n’en sont que les fossoyeurs car ils figent ce qu’ils devaient mouvoir.

Partir à la rencontre d’un maître, c’est partir à la rencontre de soi. Raison pour laquelle il y a autant de maîtres que de chemins et autant de chemins que de disciples car chaque disciple a son propre chemin et doit suivre son propre chemin, le chemin qui mène vers lui-même.

Tant qu’il n’a pas reconnu et clairement identifié son chemin, il n’est pas même disciple et ne saurait à ce titre recevoir aucun enseignement ni a fortiori n’avoir aucun maître. Pour la même raison, il arrive donc qu’à un certain moment ce chemin nous éloigne du maître car il faut accomplir son destin et partir à la conquête de sa responsabilité, qui n’est autre que l’essence de la maîtrise de soi.

Les maîtres sont ainsi appelés à être trahis par leurs disciples d’une manière ou d’une autre. Soit en les surpassant, soit en détournant leurs enseignements, soit en les transmettant fidèlement. Dans le premier cas, le maître a engendré son propre maître. Dans le second, il nourrit son ennemi. Dans le troisième, l’élève s’efface devant lui et par cette fidélité scelle le fossé de son autorité.

Le plus honorable des divorces, celui de la première forme, transcende par son éthique du dépassement la tromperie de la seconde forme et le mariage de complaisance de la troisième forme condamnée à l’artifice d’un savoir privé d’âme. L’esprit s’affirme dans la présence et toute présence est singularité et toute singularité est une infidélité. « Je suis l’ami de Platon mais je le suis plus encore de la vérité » Aristote.

Pour s’approprier le savoir d’un maître, il faut le défier, le traîner sur un champ de bataille et l’affronter jusqu’au bout. Un maître ne dispensera pas volontiers son savoir, trop précieux à ses yeux pour être livré en pâture aux ignorants et aux ingrats. Il faut l’y contraindre ou l’y décider, lui imposer une mise à l’épreuve et pour ce faire, se rendre digne de l’affrontement car un authentique maître choisit ses combats. C’est le sens de l’ijtihad, qui est effort ultime contre soi, ses pensées, ses convictions, son savoir.

Un adepte de l’ijtihad, qui est un esprit et une voie avant que d’être une pratique technique à laquelle il fut limité, doit s’exercer jusqu’à l’épuisement à éprouver ce qu’il sait, ce qu’il croit. S’il parvient assez loin dans cette voie, il saura comment défier un maître et éprouver sa part de vérité et de fausseté car il doit posséder les deux s’il est un maître vivant. Un maître infaillible n’a rien à nous apprendre car il ne fait plus partie des nôtres. Dieu a envoyé des Hommes pour éduquer des Hommes, et non des archanges.

Quand l’apprentissage touche à sa fin et que sonne l’heure de l’affrontement, attaque le maître par tous les côtés, ne lui laisse aucun répit. S’il repousse tes assauts, change de rythme, observe sa garde, et revient sans cesse à la charge contre toutes les fausses idées, les exagérations manifestes, les idolâtries persistantes dissimulées sous couvert de religion, autant d’obstacles factices à la rencontre du seul et unique Maître. Et saches que si tu tombes au combat, tu ressusciteras comme un nouvel Homme, serti du meilleur de ce que tu fus toi-même et du meilleur de ce que tu arrachas au maître.

Quant au maître, tu auras fait œuvre d’intérêt général en revivifiant, à travers ce duel, la vérité de ses enseignements, les rendant manifestes au monde car le maître lui-même doit faire ses preuves. Et si tu triomphes de lui, tu auras alors dépassé tes limites et atteint le rang de maître ou débarrassé la terre d’un imposteur. 

Il te faut savoir cependant qu’aucune victoire n’est possible à celui qui ne s’est pas affronté lui-même, cédant en permanence et en tous points aux assauts, subtils et irrésistibles, de son âme. De cette race commune d’esclaves, aucun maître, jamais, ne surgira. Tu t’interroges : comment y parvenir alors ? Gouverne ton âme et tu règneras naturellement et sans contrainte sur les autres, sans qu’ils le sachent, sans que toi même tu t’en doutes. « Celui qui vainc les autres est fort ; celui qui se vainc lui-même est puissant » Lao-Tseu.

Rester impassible, paisible et en harmonie parfaite avec le Soi divin, voilà la victoire éternelle !  

Fouad Bahri

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