Edit Template

La mise à mort du droit international face à la « loi du plus fort »

Le soutien indéfectible des puissances occidentales à Israël contre l’Iran s’inscrit dans une logique d’intervention militaire dite « préventive » : un paradigme qui contribue à la mort progressive du droit international. Ce glissement vers une forme de « loi de la jungle », où la force prévaut sur le droit, risque d’avoir de profondes conséquences pour la stabilité mondiale.

« Certains critiques de l’Iran jubilent, y voyant les “douleurs de l’enfantement” d’un nouveau Moyen‑Orient. En réalité, nous sommes dans une spirale de violence, alimentée par un climat d’impunité qui autorise des actes de représailles sans sanction », dénonce H. A Hellyer, chercheur basé à Londres. « Cette dynamique est profondément déstabilisatrice pour la sécurité régionale et mondiale », ajoute‑t‑il, « car cela signifie qu’il n’y a plus d’ordre fondé sur des règles, mais bien sur la loi du plus fort ».

L’impunité d’Israël

Tout au long du génocide à Gaza, les dirigeants israéliens ont ignoré les preuves croissantes de crimes de guerre commis dans l’enclave palestinienne — preuves qui ont conduit la Cour pénale internationale (CPI) à émettre un mandat d’arrêt contre le Premier ministre Benjamin Netanyahou en novembre dernier. Des ministres israéliens de premier plan ont ouvertement prôné le déplacement forcé de la population gazaouie ainsi que le démantèlement de la Syrie.

Benjamin Netanyahou a même évoqué ouvertement dans des entretiens aux médias américains l’éventualité d’un assassinat du guide suprême et d’un changement de régime à Téhéran. Selon  Hellyer, chercheur au Royal United Services Institute (RUSI), cette escalade majeure est « une conséquence naturelle de l’impunité qui règne dans la région depuis deux ans ».

« Le fait qu’Israël n’ait subi aucune conséquence pour ses violations répétées du droit international envoie un message clair : s’il décide d’aller plus loin, il le peut », explique‑t‑il. « Et il sait qu’il peut compter sur les acteurs les plus puissants de la communauté internationale pour ne rien faire — ou pire, pour l’encourager ».

Caricature d’Allan Barte sur X

Coup de grâce au droit international

Plus insidieuse, l’autre répercussion majeure est « l’érosion accélérée de l’ordre international fondé sur des règles, mis en place après la Seconde Guerre mondiale », souligne Karim Émile Bitar, spécialiste du Moyen‑Orient et professeur à Sciences Po. « Les événements récents ont porté le coup de grâce au droit international », affirme le chercheur.

« Le message adressé au monde est le suivant : si vous avez la force avec vous, vous pouvez violer toutes les règles, piétiner le droit international et les normes en vigueur depuis 1945, sans jamais être inquiété. »

Il a suffi d’un rapport jugé « accablant » de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) pour qu’Israël justifie son entrée en guerre contre l’Iran, le 13 juin. Soit deux jours avant la reprise des pourparlers entre représentants de Washington et de Téhéran à Oman. Rappelons qu’un accord nucléaire avait déjà été signé en 2015 entre l’Iran et les cinq membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU. En pleins pourparlers à Washington — où la négociation semblait l’objectif partagé — l’Europe a soudain soutenu le recours à la force.

La course à l’arme nucléaire

Contrairement aux affirmations israéliennes, Daryl Kimball, de l’Arms Control Association aux États‑Unis, souligne que « les agences de renseignement occidentales estiment toujours que l’Iran ne cherche pas activement à militariser son programme nucléaire ». « Bombarder l’Iran revient à s’assurer qu’il tentera cent fois plus d’acquérir l’arme nucléaire, car il estimera qu’il n’existe aucun ordre fondé sur des règles, seulement la menace de la force et la destruction mutuelle assurée », juge HA. Hellyer.

Des voix s’élèvent désormais en Iran « pour demander un retrait du Traité sur la non‑prolifération des armes nucléaires (TNP) », rappelle Daryl Kimball. Si l’attaque israélienne contre l’Iran a suscité de nombreuses condamnations mondiales, le discours des capitales occidentales est resté ambigu — mettant en avant le droit d’Israël à se défendre avant toute référence au droit international.

Le président français Emmanuel Macron a immédiatement tenu l’Iran pour responsable, ajoutant que la France était prête à défendre Israël si nécessaire. Le chancelier allemand Friedrich Merz a estimé qu’Israël faisait « le sale boulot pour nous tous face au régime iranien ».

Lire sur le sujet : Soudan, Gaza, Liban, Ukraine : les échecs des Nations Unies

La passivité de l’Occident

Dans une tribune pour The Guardian, Ben Saul, professeur de droit international, dénonce l’absence de fondement juridique au droit de légitime défense régulièrement invoqué par Israël et met en garde contre les dangers de cette posture. Il qualifie l’attaque d’Israël contre l’Iran de « nouvel épisode de violence préventive illégale », tout en citant la récente destruction de bases militaires syriennes alors que les nouvelles autorités n’ont pas attaqué Israël.

Dans un entretien à Middle East Eye, Richard Dalton, ancien ambassadeur britannique en Iran, affirme que les pays occidentaux ont été « incroyablement passifs face aux agissements d’Israël ces vingt derniers mois », une position qu’il attribue à leur indifférence croissante envers le droit international.

« Ils ne prennent même plus en compte les critères juridiques. Ils ne s’interrogent pas sur les conditions qui rendent une frappe préventive légale ou non. Celle d’Israël est une agression illégale. Mais on est prêts à le dire à propos de la Russie, pas d’Israël », assure l’ancien diplomate.

A lire également :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

NEWSLETTER

PUBLICATIONS

À PROPOS

Newsletter

© Mizane.info 2017 Tous droits réservés.

slot777