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Abu Dharr Al-Ghifari, l’homme du désert 

Réputé pour sa rigueur morale et son ascétisme, Abu Dharr Al-Ghifari fut un compagnon particulièrement apprécié par le Prophète ﷺ . Du désert de Waddan au désert de Rabatha, près de Médine, en passant par le désert syrien, sa quête solitaire pour la justice et l’élévation spirituelle ne fut pas de tout repos. « Tu vivras seul et tu mourras seul », lui avait notamment annoncé le Messager de Dieu. Portrait.

Il est né vingt ans avant l’émergence de l’islam. Son nom complet est Jundub Ibn Junadah Ibn Sufyan. Surnommé Abu Dharr Al-Ghifari. Selon plusieurs sources, sa fille s’appelait Dharr et son épouse était surnommé Umm Dharr. Sa tribu “Ghifar” vivait dans la vallée de Waddan qui relie la Mecque à l’extérieur.  

Réputé pour sa discipline, son calme et son aversion pour les idoles, Abu Dharr rejetait déjà, avant l’avènement de l’Islam, les croyances polythéistes de son peuple. Son métier était celui de berger. Il fut l’un des tous premiers à embrasser l’Islam à la Mecque. Ses qualités principales furent son ascétisme et sa soif de justice.  

De Waddan à la Mecque, une quête spirituelle

Dans les vastes étendues désertiques de Waddan, Abu Dharr al-Ghifari entendit parler d’un nouveau prophète apparu à La Mecque. Arborant les superstitions de sa tribu et poussé par sa soif spirituel, il demanda à son frère Unays : « Va à La Mecque, informe-toi sur cet homme. Écoute ce qu’il dit, puis reviens me raconter. ». Unays s’exécuta. À La Mecque, il rencontra le Prophète Muhammad ﷺ , l’écouta, puis retourna auprès de son frère dans le désert. Il lui raconta :

« J’ai vu un homme qui appelle à la noblesse de caractère. Les gens disent qu’il est magicien, devin ou poète… mais ce qu’il dit n’est pas de la poésie. » Mais pour Abu Dharr, ce récit ne suffisait pas. Il décida de partir lui-même vers La Mecque, seul, déterminé à entendre de ses propres oreilles. Arrivé dans la cité, il ressentit une tension palpable : les Qoraïchites étaient visiblement irrités par celui qui osait défier leurs divinités.

Par prudence, il ne révéla rien de ses intentions. À la tombée de la nuit, il s’allongea dans l’enceinte dans la Mosquée sacrée. C’est là que le jeune ʿAli Ibn Abi Talib, cousin du Prophète ﷺ, le remarqua. Devinant qu’il était étranger, ʿAli lui proposa l’hospitalité, et Abu Dharr passa la nuit chez lui. Le lendemain, il retourna à la Mosquée sans parler à personne, ni poser de question. Le soir venu, ʿAli lui proposa à nouveau de dormir chez lui. Et de nouveau, aucun mot ne fut échangé sur ses intentions.

Ce n’est qu’à la troisième nuit que ʿAli, intrigué, lui demanda : « Ne vas-tu pas me dire pourquoi tu es venu à La Mecque ? ». Abu Dharr répondit franchement : « Je suis venu pour rencontrer l’homme qui prétend être envoyé de Dieu ». ʿAli s’exclama alors avec joie : « Par Dieu, il est véritablement le Messager de Dieu ! ». Conscient des dangers que représentait une telle rencontre sous les yeux hostiles des Qoraïchites, ʿAli lui dit : « Demain, suis-moi discrètement. Si je m’arrête, arrête-toi. Si je continue, suis-moi jusque là où j’entrerai. »

« Proclamer la Vérité au milieu des Quraïchites »

Le matin suivant, Abu Dharr suivit pas à pas ʿAli à travers les ruelles de La Mecque. Finalement, ils arrivèrent devant le Prophète ﷺ. Abu Dharr le salua en disant : « Que la paix soit sur toi, ô Messager de Dieu. ». Le Prophète lui répondit avec douceur et bienveillance. Il lui parla de l’islam, lui récita des versets du Coran. Touché par la vérité, Abu Dharr n’hésita pas un instant. Il prononça l’attestation de foi et embrassa l’Islam sur-le-champ.

Peu après sa conversion, ayant assimilé les rudiments de l’Islam, Abu Dharr décida d’annoncer sa foi publiquement et de « proclamer la Vérité au milieu des Quraïshites » à la Mosquée sacrée. Malgré l’avertissement du Prophète, il s’exécuta. Abu Dharr rapporta, lui-même, cet évènement :

« J’allai à la Mosquée où les Quraïchites étaient assemblés en pleine discussion. Je me mêlai à eux et criai du plus fort que je pus : « Ô Quraïchites, je témoigne qu’il n’y a d’autre Dieu qu’Allah et que Muhammad est son Messager”. Mes mots eurent un effet immédiat sur eux. Ils sautèrent sur leurs jambes et s’exclamèrent : « Attrapons-le, lui qui a abandonné sa religion ». Ils bondirent sur moi et me frappèrent sans merci. »

Abu Dharr n’eut la vie sauve que grâce à l’intervention de l’oncle du Prophète, Al-ʿAbbas Ibn ʿAbd Al-Muttalib, qui le reconnut et le protégea. « Malheur à vous ! Voulez-vous tuer un homme des Ghifar, alors que vos caravanes passent par leur territoire ?», s’exclama Al ‘Abbas aux Qoraichites. Une parole qui mit fin à la tumulte. « Ne t’avais-je pas dit de garder le secret sur ta conversion ? », déclara ensuite le Prophète au retour d’Abu Dharr. Le Messager de Dieu ﷺ lui conseilla alors de retourner auprès de son peuple, la tribu des Ghifar, pour les inviter à la foi et de ne revenir, auprès de lui, qu’une fois l’Islam renforcé et sa prophétie reconnu ouvertement. 

Anecdote à la bataille de Tabuk

Une fois de retour auprès de ses siens, après avoir expliqué et enseigné les fondements de sa nouvelle foi, la famille d’Abu Dharr se convertit à l’Islam. Sa famille invita, à leur tour, les gens de Ghifar à l’islam, ce qui permit de convertir un grand nombre des leurs et d’instituer finalement la prière en congrégation. Abu Dharr était toujours dans le désert lorsque le Prophète s’installa à Médine et lorsque les batailles de Badr, Uhud et Khandaq eurent lieu.

Arrivé à Médine, il exprima au Prophète ﷺ sa volonté d’entrer à son service. Le Prophète accepta sa requête. Abu Dharr participa ainsi à quelques batailles, notamment la bataille de Hunayn, dans laquelle il a eu l’honneur d’être le porte-drapeau. En l’an neuf de l’hégire, en vue de la bataille de Tabuk, l’armée musulmane sortit de Médine, couvrant un large désert. Abu Dharr montait un chameau faible, incapable de marcher.

Il resta donc peu à peu derrière l’armée musulmane. Le chameau s’agenouilla, incapable de faire ne serait-ce qu’un pas. Abu Dharr resta assis, triste tout en réfléchissant à la manière dont il pourrait continuer à suivre le Prophète ﷺ. N’envisageant pas de retourner à Médine, il décida de continuer à suivre les traces de l’armée musulmane…à pied. Il commença à parcourir le désert brûlant et consomma toute sa nourriture et son eau sans s’arrêter.

L’armée musulmane s’arrêta un moment et campa dans une zone stratégique pour se reposer la nuit. Le lendemain, au lever du soleil, les compagnons virent arriver au loin un homme à pied. « C’est Abu Dharr Al-Ghifari », s’exclama le Prophète sans même pouvoir encore distinguer sa silhouette. Arrivé sur les lieux, Abu Dharr raconta son périple au messager de Dieu ﷺ, qui déclara alors : « Qu’Allah te fasse miséricorde ô Abu Dhar ! Tu vivras seul, tu mourras seul et tu seras ressuscité seul le jour du jugement ». 

Contestation du pouvoir en place et exil

À la mort du Prophète ﷺ, la douleur empêcha Abu Dharr de rester à Médine. Il se retira alors dans le désert syrien suivant une prédiction prophétique garantissant récompense divine, élévation spirituelle et victoire dans les rangs de l’armée musulmane. Abu Dharr partit donc avec de nombreux compagnons sur les fronts militaires aux frontières du nouvel Etat musulman. Il vécut dans le Cham (grande Syrie) durant les califats d’Abu Bakr et de ʿOmar.

Abu Dharr fut de retour à Médine quand le calife ‘Othman devint élu. La politique du nouvel émir des croyants suscitèrent la critique de nombreux compagnons, dont Abu Dharr, ‘Abd Allah Ibn Mas’ud et ‘Ammar Ibn Yasir, qui lui reprochèrent de ne pas suivre la tradition du Prophète et de ses successeurs. Certains critiquèrent la nomination de gouverneurs descendants de ceux qui ont combattu le Prophète (Banu Umayya) et l’éviction des compagnons en poste précédemment.

‘Othman destitua notamment ‘Abd Allah Ibn Mas’ud du Trésor public et fit revenir, à Médine, Marwan Ibn Al-Hakam que le Prophète ﷺ avait banni. Abu Dharr commença ouvertement ses critiques à l’encontre du nouveau gouvernement, reprochant une dilapidation du Trésor public et des biens provenant du butin saisi lors des conquêtes. Marwan Ibn Al-Hakam se plaignit à ‘Othman, qui réprimanda Abu Dharr en l’exilant à Damas. 

En Syrie, Abu Dharr critiqua très fortement le gouverneur Muʿawiya ibn ʾAbi Sufyan et l’exhorta publiquement d’appliquer la redistribution des richesses. Outré, Mu’awiya ordonna son isolement et rapporta ses activités à ‘Othman qui lui somma de revenir à Médine. De retour dans la ville du Prophète ﷺ, Abu Dharr ne put rester silencieux et continua sa contestation du pouvoir en place. Lors d’une rencontre officielle, il ira jusqu’à refuser ouvertement un don du troisième calife et critiqua ses actes devant une assemblée. ‘Othman perdit patience et le banni définitivement de la ville de Médine.

« Tu vivras seul et tu mourras seul »

Abu Dharr fut, encore une fois, exilé à Rabatha, une zone située dans la partie orientale de Médine. En l’an 32 de l’Hégire, il décéda dans le mois de dhul hijja, à Rabatha. L’historien et exégète Ibn Kathîr rapporta que personne n’était avec lui, à sa mort, hormis sa femme et son enfant. « Tu vivras seul et tu mourras seul », avait véridiquement annoncé l’envoyé de Dieu ﷺ.

Tombe d’Abu Dharr à Rabatha

D’après certains récits, Umm Dharr, son épouse, pleura au moment des derniers instant d’Abu Dharr et lui dit : « Tu meurs dans le désert et je n’ai rien pour envelopper ton corps ». Ce à quoi il répondit : « Ne pleures pas et sois heureuse, car le Prophète ﷺ a dit que l’un d’entre nous mourra dans le désert et qu’il sera enterré par un groupe de musulmans. Les autres sont passés dans les villes et je suis le seul à mourir dans le désert. Le Prophète parlait donc de moi ».

Peu après son décès, ‘Abd Allah Ibn Mas’ud et un certain nombre de compagnons passèrent dans le désert et, par coïncidence, remarquèrent le corps d’Abu Dharr. Ils l’enveloppèrent alors puis ‘Abd Allah exécuta la prière mortuaire sur lui. Selon les sources, Abu Dharr fut enterré à Rabatha. Ne craignant le blâme d’aucun blâmeurs, Abu Dharr fit preuve d’abnégation et de fidélité sincère à l’Islam tout au long de sa vie au point de subir les foudres de ses coreligionnaires. 

« Personne sur terre, ni sous le ciel, ne couvre un homme plus véridique qu’Abu Dharr » avait décrit, avec une impressionnante véracité, le Prophète Muhammad ﷺ. Abu Dharr était particulièrement aimé du Prophète qui confirma cette amour fraternelle dans cette tradition : « Allah m’a conseillé d’aimer quatre hommes, car Il les aime Lui-même : il s’agit de `Ali, Miqdad, Abu Dhar et Salman al-Farisi ».

Ibrahim Madras

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